Histoire du Cameroun (suite et fin) : De l’Indépendance et de la Réunification



Ils sont nombreux les Camerounais qui oublient l’histoire de leur pays après l’école ; l’auteur nous rappelle qu’elle est une donnée permanente de notre vie commune.

 



Aux élections législatives de mars 1957, le KNC obtint 6 sièges, le KNDP 5 et le KPP 2. En septembre de la même année, un des membres du KNC démissionna du parti pour adhérer au KNDP permettant ainsi à ce dernier de détenir le plus grand nombre de sièges pourvus par voie d’élection (avec 6 sièges contre 5 au KNC). Toutefois, le KNC conserva l’appui de 4 des 6 représentants des autorités traditionnelles. De plus, à la fin de 1957, il renforça sa position en s’alliant avec le KPP, obtenant ainsi l’appui de deux membres élus supplémentaires.Aussi, le premier gouvernement, installé le 15 mai 1958, fut présidé par Endeley, Premier ministre et 4 ministres représentant l’alliance KNC/KPP.
Telle était la situation politique lorsque s’est posée l’application des décisions de la conférence de Londres de 1957, situation d’autant plus complexe que les deux principales forces politiques à la Chambre d’Assemblée avaient des points de vue différents quant à l’avenir du Territoire. En effet, le KNC avait pour objectif proclamé d’obtenir, pour le Cameroun méridional, la pleine autonomie régionale en 1959 et l’indépendance avec le Nigeria en 1960, reléguant ainsi au second plan ses aspirations antérieures relatives à l’unification avec le Cameroun sous administration française. Le KPP avait un point de vue similaire, sinon tout a fait identique

Quant au KNDP, il préconisait la “Sécession” du Cameroun méridional, autrement dit la séparation du Cameroun méridional de la Fédération nigériane comme premier pas vers l’unification du Cameroun méridional avec le Cameroun sous administration française, une fois ce territoire parvenu à l’indépendance.
De nouvelles élections législatives se déroulèrent le 24 janvier 1959. A la suite des ces dernières, le KNDP obtint la majorité des 26 sièges électifs à la chambre d’Assemblée avec 14 sièges contre 12 à l’alliance KNC/KPP. On se serait donc attendu que la mission de visite de 1958, dans l’additif de son rapport qu’elle transmit le 6 février 1959 au Conseil de tutelle, après avoir eu connaissance des résultats des élections, se prononçât en faveur des options politiques du parti qui venait de remporter la majorité des suffrages et qu’elle adoptât une recommandation subséquente. Plutôt que cela, le rapport de la Mission aborda le problème de manière très réservée. C’est ainsi qu’après avoir reconnu que les mesures préconisées par le KNDP avant les élections étaient la séparation du Cameroun méridional de la Fédération nigériane comme premier pas vers l’unification du Cameroun méridional avec le Cameroun sous administration française, une fois ce dernier parvenu à l’indépendance, la Mission s’est montrée réservée quant aux intentions actuelles du KNDP sur l’avenir du Cameroun méridional :

… Les élections ont créé une nouvelle situation politique dont les effets et les conséquences ne peuvent être mesurés immédiatement … La Mission considère qu’il faut donner au nouveau gouvernement le temps de procéder à un nouvel examen de ses intentions … En raison de ce qui précède, la Mission est parvenue à la conclusion que le résultat des élections [de janvier 1959] ne peut être considéré comme décisif en ce qui concerne l’avenir du Cameroun méridional …
La mission proposa donc au Conseil de tutelle de faire procéder à une nouvelle consultation populaire à une date ultérieure.
A la suite de cela, l’Assemblée générale de l’ONU adopta à son tour une résolution le 13 mars 1959 (résolution 1950-XIII), par laquelle elle recommanda au Royaume-Uni de prendre, en consultation avec un commissaire des Nations Unies aux plébiscites, des mesures pour organiser des plébiscites séparés dans les parties septentrionale et méridionale entre décembre 1959 et fin avril 1960, afin de déterminer les aspirations des habitants du territoire au sujet de leur avenir. Malheureusement, cette consultation n’eut pas lieu dans cette partie du territoire sous tutelle dans les délais prescrits. Aussi, l'Assemblée générale des Nations Unies vota une nouvelle résolution 1352 (XIV) le 16 octobre 1959,au cours de sa quatorzième session, repoussant la date du plébiscite dans ce territoire entre le 30 septembre et mars 1961, alors qu'il avait été initialement prévu, comme nous l'avons dit plus haut, entre décembre 1959 et fin avril 1960. Sûrement que le résultat du plébiscite au Cameroun septentrional en était pour quelque chose, comme nous le verrons plus tard. Le plébiscite devait porter sur les deux questions suivantes:

“ Désirez-vous accéder à l'indépendance en vous unissant à la Fédération nigériane indépendante”?
Ou
“ Désirez-vous accéder à l'indépendance en vous unissant à la République camerounaise indépendante”?
En définitive, les dits plébiscites eurent finalement lieu les 11 et 12 février 1961.
Au Cameroun méridional, 70,49°/° de votants choisirent le rattachement du territoire au Cameroun francophone indépendant et 29,5°/° pour le rattachement à la fédération nigériane.

B. Cameroun septentrional
Grâce aux unions administratives rendues possibles par la Charte et l'Accord de tutelle, le Royaume-Uni intégra-t-il le système administratif du Cameroun britannique à celui du Nigeria voisin. De plus, elle divisa le territoire en deux parties distinctes rattachées chacune à une région du Nigeria. C'est ainsi que la partie septentrionale du Cameroun britannique fut rattachée sur le plan administratif voire politique à la région du Nord du Nigeria, appelé communément “l'ensemble du Nord”.
Le Royaume-Uni justifiait ce rattachement par le fait que les populations du Cameroun septentrional britannique avaient fait partie, dans leur passé, de la grande région connue des historiens et géographes sous le nom du Soudan occidental. Associer le Cameroun septentrional britannique au Nigeria du Nord revenait donc à rétablir dans une certaine mesure les autorités traditionnelles qui avaient rompues par la création du Kamerun allemand. En particulier, les deux grandes régions du Cameroun situées au Nord et au Sud de la Bénoué ont été de nouveau placées dans le ressort territorial du Lamido de l'Adamaoua, à Yola, au Nigeria; et l'émirat de Dikwa, qui était entièrement situé à l'extrême Nord, a pu rétablir ses relations traditionnelles avec son voisin, l'émirat nigérian du Bornou. Lorsque le Nigeria s'est trouvé entièrement soumis à l'influence de l'administration britannique, les émirs reçurent l'assurance qu'il ne serait pas porté atteinte à leur autorité traditionnelle. Bien au contraire, le système “d'administration indirecte” utilisa les institutions traditionnelles existantes en les améliorant et en les adaptant peu à peu.

Ainsi, les populations du Cameroun septentrional britannique furent réparties sur le plan administratif local, sous trois juridictions: l'autorité indigène de Dikwa, constituée par l'émir siégeant en Conseil. Seule la région de Dikwa fut entièrement placée sous le régime de tutelle, mais elle était étroitement associée au grand émirat du Bornou. Une grande partie de l'Adamaoua, y compris le chef-lieu de l'émirat qui se trouvait à Yola, ne faisait pas partie du territoire sous tutelle. Le reste du Cameroun septentrional britannique, c'est-à-dire les districts de Tigon, Ndoro et Kentu, relevait de l'autorité indigène de Wuka.
Ces autorités indigènes avaient pour fonction d'assurer l'administration locale dans les régions placées sous leur juridiction, en tenant compte des directives et avis des administrateurs et autres fonctionnaires dépendant de l'administration régionale. Chaque région était divisée en districts, divisée eux-mêmes en villages.
Le Gouvernement de la région du Nord du Nigéria était constitué par un Gouvernement et par un Conseil exécutif. Ce dernier comprenait, outre le Gouverneur qui en était le Président et un membre de droit (le Procureur général), des ministres africains, dont le Premier ministre et autres ministres nommés par le Gouverneur sur recommandation du Premier ministre.

Concernant les questions relevant exclusivement de la compétence de la Fédération nigériane, le Comité pouvait demander au gouvernement régional d'intervenir auprès du gouvernement fédéral, et les quatre membres du Comité qui étaient membres de la Chambre fédérale des représentants pouvaient se faire les interprètes, dans cette chambre, de l'opinion du Cameroun septentrional sur les questions particulières.
On soutenait que, dans le Nord, la tradition, dans laquelle l'Islam et la langue haoussa jouaient tous deux un rôle non négligeable, était un facteur d'unification. Cependant, il existait des éléments d'opposition au Gouvernement, au NPC et au “système du Nord”, et ces éléments avaient une certaine influence au Cameroun septentrional. C'était le cas de la “Northern Elements Progressive Union” (NEPU), qui était un parti haoussa dont le siège était à Kano, mais que l'on pouvait définir d'une manière générale comme un parti d'artisans et de paysans, dont les chefs professaient des idées démocratiques et la modification du régime traditionnel du Nord. C'était le cas également du “United Middle Belt” (UMBC), formé en 1955 par la fusion de deux partis représentant les minorités qui vivaient à l'intérieur de la région, mais en dehors du “système du Nord”. Ce parti réunissait les païens et les chrétiens et avait l'appui de l'“Action Group” (AG) qui était le parti gouvernemental au Nigeria occidental.

Aux élections de 1956, le NPC avait obtenu 100 sièges sur 131 dont tous les sièges (5) du territoire sous tutelle; l'UMBC 11 sièges, la NEPU 6 et l'AG 1.
Dans le chapitre II de son rapport sur le Cameroun sous administration du Royaume-Uni, la mission de visite de 1958 a traité de la détermination de l'avenir du Cameroun septentrional, conformément aux résolutions 1907 (XXII) du 28 juillet 1958 et 1924 (S-IX) du 8 novembre 1958 du Conseil de tutelle. Ce dernier avait chargé spécialement la Mission de visite d'exposer ses vues sur la méthode de consultation qui devrait être adoptée avant la levée de la tutelle.
Concernant le problème de division du territoire sous tutelle confié au Royaume-Uni en deux entités distinctes, la Mission estima que les controverses sur la séparation administrative et politique du territoire appartenaient au passé; c'était un fait accompli. Partant, la détermination de leur avenir devait être envisagée séparément.
Le premier plébiscite fut organisé le 7 novembre 1959 dans la partie septentrionale du Cameroun sur la base de deux questions:
La majorité de la population (62°/°) vota pour la deuxième solution. Mais à la grande surprise des observateurs avertis, ce vote fut plutôt interprété par le commissaire des Nations Unies aux plébiscites comme un vote de protestation contre le système d'administration locale et comme souhait des populations de voir des réformes apportées à ce système.

Aussi, sur recommandation du commissaire des Nations unies aux plébiscites, M.Abdoh, et contrairement au rapport de la Mission de visite qui avait estimé que cette consultation n'était pas nécessaire au Cameroun septentrional. , l'Assemblée générale vota-t-elle, le 12 décembre 1959, une nouvelle résolution (1473 (XIV) au cours de sa 14è session ordinaire recommandant l'organisation d'un autre plébiscite au Cameroun septentrional entre le 30 septembre 1960 et le 30 mars 1961 sur la base des questions suivantes:
“Désirez-vous accéder à l'indépendance en vous unissant à la République camerounaise indépendante”?
Ou “Désirez-vous accéder à l'indépendance en vous unissant à la Fédération nigériane indépendante”?
Ledit plébiscite eut lieu les 11 et 12 février 1961. Au Cameroun septentrional, 40°/° des votants choisirent le rattachement à la République camerounaise et 59°/°, la solution de l'Union à la Fédération nigériane.
Malgré les protestations de la jeune République du Cameroun indépendante sur les résultats des plébiscites des 11 et 12 février 1961, l'Assemblée générale des Nations Unies, dans sa résolution 1608 (XV) du 21 avril 1961, entérinant lesdits résultats, recommanda que le Cameroun septentrional s'unît, à partir du 1er juin 1961, à la fédération du Nigeria en tant que province séparée de la région du Nord du Nigeria d'une part et invita le Royaume-Uni, le gouvernement du Cameroun méridional et la République du Cameroun, à entamer d'urgence des pourparlers afin de prendre ,avant le 1er octobre 1961, les dispositions nécessaires pour la mise en ?uvre des politiques concertées et déclarées des parties intéressées d'autre part.
Ainsi, le Cameroun septentrional fut totalement intégré, sur les plans administratif et politique, à la vie du Nigeria.
Ainsi, le Cameroun perdit une partie de son territoire et de ses fils (774.000 habitants). La journée du 12 février fut déclarée “journée de deuil national”. Et malgré le recours du Cameroun auprès de la cour internationale de justice à la Haye, rien n'y fit.

Seule la partie méridionale accepta d'avoir un destin commun avec la République du Cameroun. En effet, à la suite des négociations tenues à Foumban du 17 au 21 juillet 1961 entre Ahmadou Ahidjo, Président de la République du Cameroun et John Ngu Foncha, Premier ministre du Cameroun méridional, la loi n° 61-24 du 1er septembre 1961 portant révision constitutionnelle, matérialisa l'option pour la réunification des deux Cameroun et la formation d'un Etat fédéral. Ce dernier vit le jour le 1er octobre sous la dénomination de “République fédérale du Cameroun”, avec deux Etats fédérés (le Cameroun Oriental et le Cameroun Occidental) de type présidentiel. Depuis lors, le Cameroun poursuit inexorablement sa marche en avant pour son unité et intégration nationales.
Par un décret présidentiel en date du 08 mai 1972,le chef de l’Etat, Ahmadou Ahidjo, décida de soumettre au référendum populaire un nouveau projet de constitution. Ledit décret invitait par ailleurs les électeurs à répondre par «Oui» ou par «Non» à la question suivante :
« Approuvez-vous, dans le but de consolider l’unité nationale et d’accélérer le développement économique, social et culturel de la nation, le projet de constitution soumis au peuple par le président de la République fédérale du Cameroun et instituant une République unie du Cameroun ?»
Le peuple répondit «oui» massivement le 20 mai 1972(99,90%, soit 3 177 846 «oui» contre 176 «non» et 1612 «nuls»).Le projet devint la constitution du 02 juin 1972. La date du 20 mai devint désormais la date de la fête nationale du Cameroun.

Par Pr Samuel Efoua Mbozo’o *
* Université de Yaoundé I


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