Dès le premier regard sur la couverture, le message transparaît. Samuel Eto’o, l’amiral des Lions indomptables en Afrique du sud, est naufragé, coulé.
Il a promis de conduire le navire jusqu’au port de Johannesburg, mais voilà qu’il s’est sabordé sur les premières vagues de l’embarcadère, attaqué de toutes parts par des pirates japonais, néerlandais et danois.
Abattu, le nez piquant vers ses souliers, le commandant du navire fou semble mesurer à cet instant précis les conséquences de son inaptitude et celle de son équipage à surfer sur l’immense houle d’espérance que cette première grande expédition en terre africaine a suscitée chez leurs millions de compatriotes. Accroché, telle une épitaphe sur la sépulture des hérauts vaincus, le titre de l’ouvrage s’affiche au dessus de sa tête, dans toute sa sentence : «Programmés pour échouer»…
Les Lions indomptables portaient donc en eux-mêmes les germes de leur propre destruction ! C’est toute l’habileté de cette enquête palpitante de Jean-Bruno Tagne. Qui nous replonge dans les prémices de l’échec sud africain, apparus depuis l’Angola. Quelques mois plus tôt. Mais elles furent mal diagnostiquées, peu analysées et, forcément, mal soignées.
Petites combines
Abreuvés de l’animosité qu’ils se vouent mutuellement, sous le regard d’un entraîneur français aux abonnés absents, les footballeurs camerounais ont emmagasiné des rancœurs, accumulé des ressentiments qu’ils tairont le temps de la publication de la liste des appelés au Mondial. Une fois élus, les clans resurgissent en Afrique du sud. Les ego et les haines s’exacerbent. Les défaites suivent naturellement la même courbe inflationniste. Le Cameroun est éliminé. Comme jamais auparavant. Trois matches. Trois défaites. Une sélection nationale en lambeaux. Une nation atterrée. Mille questionnements…
L’enquête de Jean-Bruno Tagne a le mérite de démonter les petites combines qui ont conduit les dirigeants de la Fécafoot et leur tutelle à feindre la cécité devant un désastre prévisible. Dans les moindres détails, l’auteur lève le voile sur les chefs de clans, guérilleros actant dans l’ombre, et tous ces responsables de l’implosion de la sélection nationale. Ils apparaissent sous une plume qui taille au bistouri, sans complaisance. On se rend de même compte du degré de défaillance du ministère des Sports et de la Fécafoot, inaptes à juguler une crise née en Angola, et qui connut son paroxysme en Afrique du sud.
Jean Bruno Tagne ne sert personne en pâture, ni ne dédouane quiconque, bien que, par moments, sa plume semble plus caustique sur des acteurs. Mais c’est surtout pour en relever le rôle majeur dans la double tragédie sportive que le Cameroun a connue l’année dernière. Son livre est une catharsis, celle que n’a pu faire la Fécafoot après chacune des déconfitures. N’est-ce pas ce refus congénital de tirer les leçons des événements qui jalonnent la vie de l’institution qui explique bien mieux encore la décadence du football camerounais ?
Jean-Lambert Nang
Jean-Bruno Tagne
Programmés pour échouer
Les Éditions du Schabel, Yaoundé, 2010
202 pages
Prix : 10 000Fcfa
Bonnes feuilles
Monaco consolide la falaise de la division. D'une part Eto'o, une partie du staff et une poignée de joueurs. D'autre part Alexandre Song qui s'oppose à son capitaine. Il y a aussi Idriss Carlos Kameni: il apprend qu'il ne sera pas titulaire seulement à quelques minutes de la rencontre amicale. Lui qui n'a pas quitté la cage des Lions Indomptables depuis 2006. On peut aussi citer au rang des mécontents, Achille Emana qui est convaincu que l'avant-centre des Lions fait tout pour l'empêcher de briller. Et la liste n'est pas exhaustive.
Loin du rocher, Rigobert Song et Njitap n'ont pas encore dit leur dernier mot. Le premier surtout, veut absolument jouer cette Coupe du Monde. Des journalistes investissent les médias et prennent sa défense. L'argumentaire n'a rien de sportif et ne s'appuie pas sur son éventuel talent ou apport à la sélection nationale camerounaise, mais plutôt sur son passé. D'aucuns estiment alors que pour tous les services qu'il a rendus au Cameroun, il mérite d'aller à la Coupe du Monde. Même si, techniquement, il n'est plus que l'ombre du « Lion courage » qu'il fut 10 années plus tôt.
Une autre idée complètement loufoque est répandue dans certains médias et l'opinion. On prétend qu'en participant à sa quatrième Coupe du Monde, Rigobert Song deviendrait un pensionné de la Fifa, toute sa vie. L'opinion se prend alors de compassion pour cet ancien capitaine emblématique des Lions Indomptables et pense qu’il ne peut pas manquer une telle aubaine au moment même où sa retraite approche à grand pas. Sans qu'on ne sache trop comment, on voit la main de Samuel Eto'o dans la mise à l'écart de Song.
Le même jour où se joue le match amical contre l’Italie, un personnage sort du bois: Jacques Zanga. Il est inconnu des milieux de la presse et même du sport en général. Il se présente comme un « expert en management des ressources humaines ». Tout le monde doute pourtant jusqu'à l'existence de ce Jacques Zanga qui semble être un pseudonyme. Mais cette couardise n'empêche pas les médias camerounais (Le Jour, Mutations, etc.) de publier ses longues tribunes libres qui sont autant de réquisitoires contre Samuel Eto'o, le ministre des Sports et Paul Le Guen. Il en a visiblement gros sur le cœur.
En réalité, Jacques Zanga est plutôt une dame. Basée en Afrique de l'Ouest, cette spécialiste du marketing et de la communication travaille pour une multinationale. Cette dame connaît très bien Rigobert Song et c'est par amitié pour l'ancien capitaine des Lions qu'elle prend sa plum
e. (…)
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