Macase : Dix ans et cinq rescapés

Le groupe a connu des hauts et des bas, mais surtout des départs.
Justin Blaise Akono



Le samedi 18 mai 1996 est considéré chez les musiciens du groupe Macase comme la date de naissance du concept. Dix ans déjà "C'est ce jour que nous nous sommes produits en spectacle pour la première fois, dans un cabaret situé au quartier Mballa II", se souvient encore Ruben Binam qui rappelle le contexte: " Il était question que nous nous produisions au Hilton hôtel. Mais, arrivés sur les lieux, on nous avait dit que nous ne pouvions pas chanter car nous n'étions pas programmés. Or, comme quelque chose devait se passer ce jour-là, nous avons décidé d'aller nous produire à Parallèle de Mballa II où nous avions des amis tels Joseph Ebodé, Wilfried Etoundi et Serge Maboma."

En fait, Roger Minka qui répète depuis mars 1996 avec un groupe d'amis (Blick Bassy, Nelly Atangana et Thierry Essam), sollicite Ruben Binam (chef d'orchestre du groupe de l'Université catholique) pour un petit spectacle. Les jeunes gens étaient, pour la plupart, des étudiants. Ils sont très ovationnés lors de leur première prestation et décident donc de travailler d'une manière sérieuse.
"Le nom Macase est né dans un souci de ne pas oublier la terre qu'on quitte, de s'ouvrir au monde tout en restant authentique", explique Ruben Binam, pianiste et responsable administratif du groupe. Il précise que Macase représente "l'image de la case africaine". Les jeunes prennent trois mois pour se constituer en un groupe solide de neuf membres: Pierre Oyono (saxophone), Joël Teek (percussions), Blick Bassy, Nelly Atangana et Elise Mbous (chant), Ruben Binam (piano), Roger Dubois Minka (guitares), Thierry Essam (bass) et Toupou (batérie).

Henry Paul Okala et Louise Corry Denguemo s'ajoutent au nombre de chanteurs, tout comme Roddy Ekoa arrive à la batterie. Pendant un an, le groupe Macase multiplie les spectacles tout en composant ses propres chansons. En octobre 1997, Macase entre en studio pour enregistrer son premier album intitulé "Etam" (seul). A la sortie de l'album, le groupe enregistre sa première saignée: six musiciens quittent la barque. Sans grande conséquence cependant. Serge Maboma (bassiste) fait son entrée pour remplacer Thierry Essam. L'équipe de sept que le grand public découvrira à travers la télévision notamment, est donc constitué: Ruben Binam, Serge Maboma, Louise Corry, Roger Dubois Minka, Roddy Ekoa, Blick Bassy et Henry Paul Okala.

L'album "Etam" est composé de dix titres variés tournant autour de "l'humanisme, de l'authenticité et de l'optimisme", explique Ruben Binam. Le produit est bien accueilli par le public. En 2003 le jeune groupe sort un deuxième album, "Doulou" (Voyages), qui connait un accueil mitigé. Selon certaines personnes, "les Macase ont abandonné le style qui [les] a amenés à les aimer, pour opter pour une musique aux forts accents occidentaux". Entre temps, les voyages se multiplient. Corry et ses "mâles" font quasiment le tour du monde. "Nous avons fait toutes les salles du Cameroun. Même celles qui n'existent plus, transformées en quincailleries limitant ainsi les espaces de diffusion et de promotion des artistes", tranche Serge Maboma.

Déchirures
Macase est au Masa à Abidjan en mars 2001. En juin de la même année, le groupe est à la fête des cultures à Libreville au Gabon. Puis en Juin, Tananarive, la capitale malgache les accueille pour recevoir le Grand prix Rfi des musiques du monde. Laurier auquel ils renonceront à cause d'un malendu avec leur producteur, Sam Mbendé. Macase participe à une dizaine de festivals à travers le monde. On retiendra notamment sa présence à la cérémonie des Coras à Johannesbourg en Afrique du Sud en 2003.
"La plus grande peine pour nous est d'avoir renoncé à notre prix Rfi en 2001, parce que nous avions un quiproquo avec notre producteur", regrette Ruben Binam. En 2001, le groupe est lauréat du prix Rfi de musique du monde. Une rumeur de tricherie éclate. Macase n'a pas évoqué le nom de son producteur, Sam Mbendé, sur l'album. Sam Mbendé, aujourd'hui président du conseil d'administration de la Cameroon Music Cooporation (Cmc), se met en colère et dénonce ses poulains.

"En fait, nous avions produit cet album avec nos propres moyens d'une part. D'autre part, nous avions dénoncé le contrat avec Sam Mbendé. Nous lui avions même envoyé une lettre de résiliation du contrat dont nous n'avons jamais reçu l'accusé de réception. Nous nous sentions en droit de ne pas mentionner son nom sur l'album", explique Ruben Binam, le responsable administratif du groupe. Les membres de Macase souhaitent que cette étape de la vie soit très rapidement rangée dans les placards. Peut-être, était-ce un mauvais présage?
L'année 2005 apparaît dans l'agenda des jeunes musiciens comme l'une de leurs périodes les plus sombres. Deux des trois chanteurs quittent la barque. Si Blick Bassy, qui s'installe en Europe où il se produit dans des spectacles, s'en va à l'anglaise, Henry Paul Okala lui, crache son vénin: "On ne peut pas passer sa vie à rêver. On a fait ça pendant dix ans. Ca suffit! Il faut arrêter", a-t-il confié.

Sur la scène, la différence est nette. "Les Macase ne sont plus ceux qu'on connaît sur scène. Principalement ce trio qui mettait de la vie sur la scène lors des spectacles", s'est plaint un habituel du Centre culturel français François Villon de Yaoundé, lors de l'un des trois spectacles offerts par le groupe en février dernier. Ruben Binam, "le patron", explique qu'"en revenant au Cameroun, ils ont estimé que la machine ne prenait pas l'envol qu'ils espéraient. L'un n'était plus régulier aux entraînements ( Henry Paul Okala) et l'autre (Blick Bassy) n'a pas dit aurevoir. Nous avons pris acte".
Louise Corry Denguemo, la belle chanteuse du groupe donne son avis sur le nouveau visage du groupe : "J'ai l'impression de ne plus être soumise à la chorégraphie commune. Je peux changer de pas de danse sans plus me soucier de savoir si je suis en synchronisation avec les autres. C'est plus facile pour moi aujourd'hui". Serge Maboma poursuit dans le même sens : " Nous ne vivons pas ces départs comme un handicap, mais comme une mutation. Cette situation va faire naître une nouvelle configuration de Macase". ". Cette nouvelle configuration, le public qui s'est rendu vendredi dernier au Centre culturel français de Douala a pu l'apprécier. Et s'en faire une idée, comme celui de Yaoundé, quelques mois plus tôt.

 

Source : http://www.quotidienmutations.net/


mboasawa

3713 Blog des postes

commentaires