Je suis né au Cameroun en 1978, et j’y ai fait mes classes jusqu’au supérieur. Passionné de littérature depuis mon enfance, j’ai dévoré tous les livres qui me sont tombés sous la main. Au lycée, en secret, je m’essayais déjà à l’écriture. J’ai longtemps tâtonné, avant de me découvrir une affection particulière pour un genre littéraire précis : la nouvelle. Le prix du jeune écrivain francophone en 2005 allait me conforter dans cette optique.
Le fils de l’homme, recueil de nouvelles africaines, est ma première œuvre publiée
Note de l’éditeur :
Extraits.
Le soleil venait à peine de pointer son nez hors de sa cachette ; tout apeuré qu'il avait été la veille par les forces des ténèbres.
Son petit nez à lui tout seul ne suffisait pas à éclairer convenablement le petit village de Diamba. C'est donc à cette heure indue du jour, où le soleil lui-même n'avait pas encore les deux yeux ouverts, que Bakari s'éveilla et sortit de la case familiale. Il franchissait le seuil de la porte lorsque retentit la voix de sa mère, toute ensommeillée :
- Bakari, fils d'Ousmane Samba ! Où t'en vas-tu de si beau matin ?
- Mère, je vais au grand baobab.
- Ne peux-tu pas attendre qu'il fasse jour ?
Pour Marne, il ne faisait jour que lorsque l'oeil était incapable de soutenir l'intensité lumineuse du soleil ; et cela, Bakari le savait.
- Quand il fera jour, il y aura trop de monde, trop de gens, ça ne sera plus aussi beau.
- Dieu me garde de ta folie Bakari, grogna Marne avant de se rendormir.
La naissance de l'aube était un moment que Bakari affectionnait particulièrement.
À l'aube naissante, il sentait la Terre frémir sous lui. Le vent murmurait une mélopée à ses oreilles, pour lui dire combien le monde est beau, combien Dieu est merveilleux de l'avoir ainsi fait. Les oiseaux s'adressaient à lui par le biais de leurs pépiements ; l'un lui disait sa peine d'être à un jour nouveau, l'autre témoignait du plus vif enthousiasme pour le lever du soleil.
À l'aube, le monde lui appartenait. Les autres, au fur et à mesure qu'ils se réveilleraient, viendraient le lui arracher par petits bouts, jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus rien. Il serait alors bousculé, maladroit dans un monde qui aura cessé de lui appartenir. Dans sa bouche, l'amertume de l'usurpation dont il aura été la victime s'installera pour toute la journée. C'est pour cela peut être qu'il parlait si peu.
La case où habitaient Bakari et sa mère était située à l'écart des autres. Comme si l'on avait voulu sciemment ne pas se mêler à eux.
A quelques mètres de cette case, se dressait un grand baobab. Avec sa prestance et sa stature, jours et nuits, il semblait défier la Terre entière. D'où que l'on vienne, il servait de repère pour trouver le chemin du village de Diamba.
Diamba était perdu au milieu d'une brousse hostile, sans aucune piste praticable pour la relier à la principale voie routière qui passait à quinze kilomètres de là. Le premier village en quittant Diamba était à vingt kilomètres.