Il est un peu plus de 2h30 du matin samedi dernier 12 août 2006. Il fait un temps de chien devant le cinéma Abbia de Yaoundé. Joëlle, une jeune fille d’une vingtaine d’années, attend un taxi, tout en se frottant les jambes pour avoir un peu de chaleur et en piaffant aussi. C’est une fan de Clarisse Valeri. Elle est d’ailleurs vêtue selon la tendance "Wopso", lancée par l’artiste : une courte jupe et des tennis. Le spectacle de son idole auquel elle vient d’assister ne l’a pas emballée. Elle qui connaît par coeur toutes les chansons de la " reine du Wopso " et qui les a souvent chantées dans le " Karaoké ", une émission de Yaoundé Fm 94, rentre " déçue ".
Quelques heures plus tôt, c'est-à-dire le 11 août 2006, la jeune fille s’est pointée devant le cinéma Abbia dès 20h, très enthousiaste, avec ses 2500 Fcfa pour le ticket. A ce moment-là, pas grand monde ne se bouscule devant les guichets. On voit des fans arriver. Ce sont, pour la plupart, des jeunes gens, notamment des filles, très " Wopso " dans leurs tenues.
La salle reste désespérément clairsemée. Environ 500 personnes, alors qu’elle peut en contenir deux fois plus. Très en deçà de la foule d’un peu plus de 15000 âmes que la jeune artiste avait réunie au Musée national le 19 août 2005, au cours d’un spectacle gratuit. La différence semble bien être là : entre faire le comble au cours d’un concert gratuit et en faire autant lorsqu’il est payant.
Le temps passe et pas d’âme qui vive sur le podium. Les artistes invités à jouer en première partie arrivent finalement sur le podium, pour des play-back ou pour des sketchs. Mechékan l’Africain, Boli Bolingo, One love, etc. se produisent devant un public glacial. La sonorisation est mauvaise, on entend les micros grésiller. On en voit dans la salle qui somnolent et l’adrénaline monte. Les présentateurs de la soirée en prennent pour leur compte à travers les quolibets qui fusent de partout. Le concert était prévu pour commencer à 20h. Mais, c’est finalement à minuit, au moment où la star de la soirée, Clarisse Valeri, est annoncée, qu’on accorde les instruments et procède à la balance. Une vraie cacophonie devant un public médusé et las d’attendre.
Et quand la reine du Wopso monte finalement sur la scène, le public se réveille timidement. Mais l’artiste tchatche plus qu’elle ne chante et danse. Un bavardage plein de familiarité. Un coup, elle parle d’un membre de sa famille, un autre, elle parle de son amour pour " l’homme de sa vie " ou tient des propos du genre "pourquoi les Camerounais m’aiment comme ça?" "Vous voyez comment j’ai maigri pour vous? C’est toujours pour le Wopso là ? "…
Clarisse Valeri est obligée de crier aux spectateurs d’applaudir. Même ses propres choristes et instrumentistes sont visiblement éberlués. Le comble de l’improvisation, c’est que l’artiste leur demande chaque fois de jouer ce qu’ils veulent. C’est à se demander si ce concert a été préparé.
Après pratiquement deux heures de spectacle avec une sonorisation approximative, certains fans de l’artiste se disent déçus. La salle de l’Abbia se vide. Joëlle, en empruntant son taxi, soutient qu’elle aurait bien pu se passer de ce concert. C’est un des artistes invités qui trouve des mots pour expliquer ce que beaucoup considèrent comme un spectacle échoué. "Tout ça se résume en un mot : amateurisme. On ne peut pas tout faire tout seul", commente-t-il. En effet, la reine du Wopso a été au four et au moulin pour son spectacle, qu’elle voulait mémorable. Manager, promotrice et régisseur de son propre concert. Or " qui trop embrasse mal étreint".
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