Pabe Mongo : Nous souhaitons conquérir le monde

Le président de l'antenne Afrique centrale de l'Association des écrivains de langue française (Adelf) présente les ambitions de cette structure.
Propos recueillis par Dorine Ekwé





Votre association a officiellement été installée lundi 14 avril dernier par le ministre de la Culture. Que visez-vous en créant cette antenne Afrique centrale de cette association ?
Il faut dire que l'Adelf est une vieille association française qui s'occupe de la promotion des littératures francophones. Elle a à son actif la tenue des cafés littéraires, la gestion d'une revue littéraire sur les littératures d'Afrique francophone, la parution d'un bulletin de liaison et la participation à toutes les manifestations sur le livre, notamment les salons de livre à travers le monde, le principal étant le salon de livre de Paris. Cette association décerne aussi des prix littéraires, plus de 11 prix littéraires chaque année parmi lesquels le "Grand prix littéraire d'Afrique noire" auquel ont déjà accédé quelques Camerounais tels que Calixte Beyala, Patrice Nganang, Gaston Paul Effa, Francis Bebey, Jean-Baptiste Enong…Dans le cadre de l'Adelf, nous venons de créer le prix "Amadou Kourouma" qui est délivré à l'occasion du salon de livre de Genève. Voilà ce que fait l'Adelf.

Parlant de prix les écrivains africains qui vivent sur le continent se sentent souvent lésés lors des distinctions. Comment comptez-vous réparer cela au sein de l'Adelf ?
Il est vrai que, à tort où à raison, les écrivains africains francophones qui vivent sur le continent africain avaient le sentiment que toutes ces attentions n'étaient portées que sur les œuvres des auteurs africains de la diaspora. Toujours est-il que ce sont eux qui semblaient focaliser l'attention des analystes et des promoteurs de l'Adelf. Le mouvement actuel procède un peu par l'action personnelle du Pr Jacques Fame Ndongo agissant comme poète et écrivain. Ce travail consiste à créer en Afrique, et pour commencer dans la région Afrique centrale, une antenne de l'Adelf dont l'organisation permette une plus grande lisibilité des efforts des travaux qui se font au Sud.

Comment cela s'organisera-t-il ?
Concrètement, le conseil d'administration de cette antenne a été installé solennellement [lundi 14 avril, respectivement par le ministre de la Culture et M. Chevrier qui est le président mondial de cette association et ce matin [hier mardi, ndlr], nous avons tenu le premier conseil d'administration qui devait adopter son mode de fonctionnement, son programme etc. C'était vraiment comme une initiation au fonctionnement de l'antenne mère. Nous avons aussi appris entre autres, quelques sont les différentes catégories des membres : les membres d'honneur, les bienfaiteurs, les sociétaires, les adhérents ; toute cette nomenclature là.

Que peut apporter une association comme celle-ci aux écrivains locaux ?
L'interaction que nous allons entreprendre va permettre que l'Adelf locale va par exemple regrouper systématiquement les œuvres des auteurs camerounais et de ceux de la sous région, qu'elle va envoyer vers Paris pour qu'elles participent à tous les concours, notamment au prix littéraire d'Afrique noire et au concours d'un prix qui vient d'être créé, le "Concours Adelf Afrique centrale". Ça ne se faisait pas avant, ils ne recevaient pas nos œuvres là-bas ; maintenant, nous allons les leur envoyer.

Vous parliez tantôt de la promotion des littératures francophones. Est-ce qu'il y a plusieurs littératures francophones ?
Dans le monde francophone, il y a comme des zones portant des marques particulières. Les promoteurs, les critiques ont l'habitude de distinguer comme une zone de littérature francophone belge. Il y a une caractéristique, comme une identité de la littérature belge. On distingue aussi la littérature francophone canadienne qui a ses accents, ses particularismes. En Afrique, il y a une distinction entre la littérature francophone maghrébine et la littérature francophone subsaharienne. Après ça, vous avez des petits points sporadiques de la littérature des Caraïbes, Beyrouth etc. C'est cela qui constitue les littératures francophones.

Ce genre de particularismes ne peut-il pas gêner dans la mise en place d'une association comme celle-là ?
Mais la compréhension, l'intercommunicabilité reste à travers les particularismes. C'est plutôt une langue qui s'enrichit de ces différences là. Au lieu de craindre les scissions, nous allons plutôt vers l'enrichissement de la langue française, vers la conquête mondiale.

Et quel est le lien avec le concept de la nouvelle littérature camerounaise, Nolica dont vous êtes le promoteur ?
C'est comme quelqu'un qui marchait dans la clairière avec ses idées et qui tombe tout d'un coup dans la vraie grande clairière et découvre que ce qu'il avait en pensé correspond à la réalité. Parce que dans la Nolica, j'essayais cette voie pour dire que avant que le Cameroun n'entre dans l'ère des droits et des libertés, notre littérature était une littérature de maquis et très marquée par la situation ancienne, elle-même caractérisée par la coercition par les dictatures, la tyrannie. Cette littérature était faite essentiellement de camouflage. C'est tout cela que j'ai appelé la littérature de maquis et je demandais à mes concitoyens de sortir du maquis, du moment que nous pouvons nous exprimer librement pour produire une littérature plus ou moins identitaire qui assume notre identité et nous incarne dans le monde. C'est ça la Nolica. Et puis, je demandais d'arriver à plus de professionnalisation, que ceux qui veulent se destiner à l'écriture se forment, que l'ère de l'inspiration des dieux d'une littérature qui est un don de naissance est passée.

Vous parlez de professionnalisation qui justement est un thème de l'atelier que vous avez organisé hier à la Centrale de lecture publique de Yaoundé…
Nous avons instauré cet atelier de professionnalisme du métier d'écrivain parce que nous en avons besoin. Parmi les thèmes qui vont être abordés ce soir [hier], il y a le thème sur la recherche d'une maison d'édition. Les jeunes écrivent, ont l'habitude d'inonder les maisons d'édition de leurs manuscrits. Ils pensent qu'ils doivent simplement envoyer les manuscrits dans toutes les maisons, parfois, ils sont étonnés de recevoir leurs manuscrits en retour, sans lecture de leurs textes, simplement parce qu'ils ignorent la ligne éditoriale des maisons. En fait, les maisons d'édition n'éditent pas tout. Elles ont une ligne éditoriale et si vous ne la connaissez pas et ne connaissez pas les collections, vous aurez beau envoyer les meilleurs textes du monde, mais qui n'entrent pas dans leur ligne éditoriale et dans leur collection, vous aller rater et vous perdriez votre temps. Nous avons également instauré une thématique sur les évolutions de l'écriture et même des supports et des techniques d'écriture.

mboasawa

3713 Blog des postes

commentaires