
En ce qui me concerne, la muse m’a visité depuis ma tendre enfance. Je suis d’abord poète avant toute autre chose. En classe de sixième déjà, j’avais un goût prononcé pour les poésies des auteurs de la négritude, tels Senghor et Césaire. Par amour pour la poésie, j’écrivais des poèmes dans les journaux, et j’assistais aux récitals de poésie. Être poète c’est, en fait, un état d’esprit, je vis ma poésie. Pourtant le journalisme, c’est une profession que j’ai choisie parmi tant d’autres.
Faut-il comprendre par-là qu’il n’y a pas une école de poésie ?
S’il faut parler d’école, ce n’est pas dans le sens académique. Ce serait celle du langage poétique car le poète trimbale déjà en lui une école, celle de la vie. Chaque auteur peint la vie selon ses sensibilités. C’est pourquoi on a des poésies romantiques, des poésies douces ou des poésies de combat.
Et comment définissez-vous votre poésie ?
Je suis plutôt de la nouvelle école, qui tranche avec la poésie pleurnicharde et rompt avec la rêverie. Mes textes veulent toucher l’intérieur de l’Homme, réveiller en lui des sensations qui sont enfouies au fond de lui, et qui fondent son humanité. Les gens tendent en effet à ne plus s’indigner devant la cruauté de la vie. J’invite alors le lecteur à se tourner vers son for intérieur, d’aller au-delà de la matière et d’écouter, non pas le monde extérieur, mais le silence de ce que j’appelle "banlieue". C’est le siège de tous nos fantasmes et nos perceptions. Il y a des personnes qui se laissent transformer par de belles phrases ou des jeux de mots. Je mène donc, non pas un combat politique mais humain.
A quel moment le journaliste se réveille dans vos poèmes ?
Le poète et le journaliste sont forcément liés par l’écriture, mais le poète fait de l’actualité intemporelle. Toutefois, dans certains poèmes, je fais intervenir la technique du fait divers, cher au journaliste. "Dialogue par sms", par exemple, est une conversation que j’ai eue avec un ami poète. J’étais en plein Akwa lorsqu’il s’est mis à pleuvoir et, en plus, on avait coupé la lumière. Lorsque le courant a été rétabli, je suis entré dans un cybercafé et j’ai envoyé un mail à cet ami, où je décrivais la situation dans laquelle la ville était plongée. Je lui ai écrit dans un langage poétique et il m’a répondu dans la même logique. Le langage poétique semble complexe, mais si on a l’âme d’un poète, tout devient simple.
Comment vos poèmes sont accueillis par le public ?
Les Camerounais n’ont pas encore la culture de la lecture. Bon nombre de librairies de nos villes survivent grâce à la papeterie et aux livres scolaires. Peu de livres sont vendus. Par ailleurs, ce n’est pas du tout facile de trouver un éditeur de poèmes. Mon premier recueil, je l’ai financé moi-même parce que si j’écris, ce n’est pas pour m’enrichir, c’est pour véhiculer des messages, des sentiments, des sonorités. Un livre peut ne pas démarrer au début, et susciter l’engouement quelques temps après. Un ouvrage est comme le vin, son intérêt se bonifie au fils des années. La preuve, c’est des années après leur parution que "Cahier d’un retour au pays natal" d’Aimé Césaire ou "Balafons" du père Engelbert Mveng, sont appréciés à leur juste valeur.