Boom des musiques religieuses

Des versets bibliques dans des rythmes endiablés
Sur des rythmes du terroir, la musique religieuse gagne la rue. Les artistes se disputent la vedette. Le public veut la primeur de chaque sortie. Les vendeurs se frottent les mains

 


Gilles Ken est vendeur. Au quotidien, il fait le tour de nombreux bureaux d’Akwa et de Bonanjo. Dans son sac au dos, des Cd et cassettes de musiques religieuses. Depuis deux ans, le jeune homme a trouvé son filon d’or dans la vente de ces produits. Comment en est-il arrivé là ? “ J’ai arrêté mes études en classe de 3ème et j’avais du mal, à m’occuper. C’est alors qu’un ami qui travaille dans un magasin au marché Congo m’a proposé de vendre les Cd. Et, je ne peux pas dire que je me suis trompé de chemin. Parce que j’y trouve mon compte ”, confie le vendeur. Tous les jours, “ j’économise environ 3000 Fcfa ”, poursuit-il.
C’est un domaine fructueux. Certains vendeurs, sillonnent Douala à bord des tricycles, pour proposer de la musique religieuse aux clients qui les interpellent. Cet appareil sert à la fois de moyen de transport, et de boutique spécialisée.
Ce créneau a donc le vent en poupe. “ Après le makossa et le coupé-décalé, c’est la musique religieuse que réclament mes clients. L’album “ Le dernier jugement ” de Ronz est le plus demandé ”, explique Ghislain Zanga, vendeur. L’explosion de ces musiques est une conséquence d’une large diffusion faite dans les radios et télévisions locales Si à cela on ajoute la multiplication des Églises de réveil créées par des pasteurs immigrés nigérians, où le chant constitue un élément essentiel du prêche, on ne peut pas être surpris de cet éveil musical.

Sacré et profane
L’avis des consommateurs dans ce mélange du sacré et du profane, divergent. “ J’adore ces musiques pour le message. Il est de plus en plus rare de voir nos artistes nous servir des compositions bien épicées, message à l’appui ”, ironise Nicolas. Armelle quant à lui pense qu’au-delà du message, il faut apprécier la chorégraphie et la bonne tenue des danseuses. Alors que Bruno évoque le côté universel de la musique elle-même.
L’artiste Logtega ajoute : “ Dans les musiques du monde, il y a trop de tapage ”. Si dans ces chansons servies aux consommateurs, on retrouve quelques notes des Saintes Ecritures, le rythme est un mélange de sonorités africaines. La danse est très endiablée. Toute chose qui charrie la polémique dans les rangs des chrétiens. “ Certains pensent qu’il faut louer Dieu avec des rythmes nobles. Or dans les Psaumes, on demande que tout ce qui respire loue l’Eternel. L’important c’est les motivations ”, explique Logtega.
Les motivations varient selon qu’on est artiste, producteur et homme d’Eglise. “ J’ai choisi de faire de la musique religieuse, pour ramener les jeunes qui désertent les églises ”, à revenir à de meilleurs sentiments, affirme Logtega, auteur de “ Spiritual ”. Segan, artiste antillaise, chante pour “ l’apaisement. ” Emmanuel Oho travaille dans une maison de distribution et commercialise ces produits. “ Je pense que les gens fuient la folie. Du temps des Nico Mbarga, il y avait de la bonne musique. Aujourd’hui, les instruments couvrent le message ”.
Dans ce milieu, la quasi-totalité des artistes vient des chorales. Ce qui devrait d’ailleurs réconforter ceux qui s’offusquent de cette évangélisation de rue. Que non ! “ C’est la misère qui fait courir les consommateurs de cette musique. L’homme cherche à s’évader. On n’a plus d’assurance. Parce que l’homme vivant sous pression est inquiet, chacun cherche ce qui peut lui apporter un réconfort interne ”, explique le Révérend Georges Ngankou. L’homme de Dieu trouve d’ailleurs que cela devient même comme une drogue. La distribution est celle de proximité. Les œuvres religieuses se vendent bien et le public veut avoir la primeur de chaque sortie. Occasion pour le pasteur Ngankou, d’attirer l’attention des uns et des autres sur un risque inattendu. “ Le fond de certaines de ces musiques est diabolique ”, relève-t-il. Il revient au consommateur de distinguer le bon grain de l’ivraie. Reste à savoir sur la base de quels critères.
 

Par Vanessa Nana
Le 08-09-2006
Le Messager


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