Le directeur artistique du Byblos Night Club à Douala fait danser depuis 16 ans.
Marion Obam
Il est rare de le voir le jour. Quand c’est le cas, c’est une grande surprise. Surprise parce que l’on a en face de soi un homme plutôt normal. Une casquette vissée sur un crâne ras, une barbe taillée en cerceau et nette, en jeans et polo celui que l’on connaît sous l’appellation de Dj Tino a des gestes nonchalants et rallongés. Un contraste. On a de la peine à croire que l’on est en présence du Disc jockey (Dj) Tino qui fait vibrer aux rythmes des sons extirpés des platines, les noctambules de Douala qui choisissent d’aller s’amuser au Byblos night club. Peut-être pour s’excuser de ne pas être le même à tout heure, de jour comme de nuit, Dj Tino, 32 ans, qui dans le civile est Martin Sonné confie : " Je ne suis pas toujours en mouvement". C’est dans la fin de sa phrase, surtout sur le mot "mouvement" que se cristallise l’essentiel d’une profession mal connue et peu appréciée à sa juste valeur au Cameroun, c’est pourtant celle que Martin Sonné a choisi d’exercer.
Tout a commencé en 1990. Quand on ouvre la boite de nuit " Boule 68 " a côté du domicile familial de Martin Sonné. "Comme j’avais la possibilité de m’y rendre à loisir, j’allais écouter le Dj animer. J’ai pris goût à voir comment un homme peut faire danser des heures entières des gens. Il avait un certain pouvoir ", livre t-il. Mais c’est à la Thoundra, discothèque située à la Douche municipale, que Dj Tino touche pour la première fois les platines. En 1991, c’est au Boule 68 qu’il pose ses valises. Ses programmations musicales et sa capacité à ajuster les rythmes en fonction des clients lui valent d’être débauché un an plus tard par la prestigieuse discothèque européenne le 78. Il y restera pendant cinq ans. Puis, Dj Tino collaborera avec le Saint-père et le Byblos avant de s’envoler pour la France en 1997. Se Le contact avec un milieu professionnel l’aidera à améliorer ce qu’il faisait déjà au Cameroun.
Avec Kiki Touré et Dj Bad, il rentre dans la gestion du hip-hop en animation. Découvre les techniques de "mix" et surtout de "scratch" sur vinyles. En compagnie d’autres Dj, il animera au Nelson, Alysée, Titans, Garden Club, Calypso avant de revenir à un rythme plus afro à l’Astro club avec l’organisation en 98 par la France de la Coupe du monde.
Son retour au Cameroun en 2001 lui permettra de faire admirer à ses pairs, restés au pays, sa technique d’animation. Les jeunes veulent "scratcher" et "mixer" sur les sons, comme Dj Tino. "Je ne suis pas un traditionaliste, j’improvise. On ne sait pas qui vient en boîte. Il faut pouvoir les captiver et procurer du plaisir afin que chaque fois qu’ils pensent à aller danser, ils reviennent dans votre boîte. C’est l’objectif à atteindre pour un bon Dj", explique Dj Tino. Casque passé autour du cou, un côté accroché à l’oreille, avec une vitesse incroyable pour sa forte corpulence, il change les vinyles qu’il a empilés en fonction de la base d’animation choisie.
Malgré l’avancée de la technologie, il avoue préférer le vinyle au cd, "parce qu’on peut avec le premier créer des effets. La sensation à l’écoute n’est pas la même". Savoir qu’il partage avec les jeunes Camerounais qu’il forme. Si le directeur artistique depuis 2004 du Byblos Night Club s’est taillé une belle réputation aux sons de hip-hop, dance hall, ragga turn, zouk, coupé décalé, etc., il reconnaît que le Makossa c’est le rythme immortel du Cameroun. C’est pourquoi, depuis un an, il a recommencé à en jouer, puisque d’après lui " depuis 15 ans les artistes camerounais n’avait pas produit de bon Makossa". Il peut se permettre ce type d’appréciation après avoir passé 16 ans de sa vie dans les boîtes de nuit. Il a espoir qu’un jour, au Cameroun, " cette profession de Dj sera reconnue comme c’est le cas sous d’autres cieux, car il y a des écoles de formation qui délivrent des attestations. Les salaires sont conséquents et ces travailleurs-là bénéficient d’une rente connue par les gouvernements."
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