Efazik : Etat des lieux de la culture à Garoua

C’est le rêve de six jeunes artistes attirés par le désir et la nécessité de se révéler. Cela fait six ans qu’ils partagent l’universalité de la culture et l’odeur unique de l’art.

“ Au septentrion, la musique, l’art en général n’occupent pas une place importante. Ceux qui s’y attèlent sont bafoués. Malgré tout, on se tue continuellement à la tâche, dans l’espoir que Dieu un jour reconnaîtra les siens ”. Jean Mac Kami Tao (Jack), le directeur artistique et technique, chef d’orchestre du groupe Efazik, est amer face à l’état des lieux de la culture dans le grand Nord. Pourtant depuis 2000, il a l’envie, avec quatre de ses compagnons, de mettre sur pied un groupe de jeunes musiciens, baptisé “ Efazik ”. En ce temps-là, Thérèse Assako, Jean Mac Kami Tao, Renaud Rodrigue Zeh, Samuel Anaguet et Serge C. Bekona ont en commun l’amour de la chose artistique. Régulièrement, ils se rencontrent dans les cabarets où ils partagent l’ardent désir de promouvoir et de porter haut l’étendard de la culture camerounaise et africaine. Composé des mots empruntés à la langue bantoue, Efazik symbolise “ un don de la musique. “ Efa ” signifie “ don ” et “ Azik ” veut dire “ musique ”.
Le groupe voit le jour et se constitue à Garoua. Jusqu’en fin 2005, il végète sans résidence fixe avant de prendre ses quartiers dans l’Alliance franco-camerounaise de Garoua. Il peut donc travailler de manière intense et multiplier ses concerts à Garoua et dans les autres villes du pays.
Le répertoire de ses chansons est inspiré par des thèmes tels que la paix, la tradition, l’égalité, la condition humaine… Il excelle dans les rythmes comme le sahélien, le bikutsi, le tradi-moderne, le groove, le roots à coloration bluesy et plusieurs autres cadences similaires. Au delà de l’amour que le groupe éprouve pour la musique, ses membres affirment que à Efazik, “ on ne fait pas de la musique une distraction, mais une profession, une vérité, parce que l’art est comme un canal épurateur qui laisse tout passer sauf ce qui n’est pas art. Mais tout est art… ”. La main d’Efazik apparaît tendue, prête à recevoir. Elle est, surtout, prête à donner, à faire partager son “ Efaa ”, son “ don ”.

Seul dans une région où l’art n’est pas fécond
A écouter les jeunes artistes du groupe, la peau de chagrin de la culture dans le septentrion prend des allures d’une tragédie de l’absence. “ On se bat dans un univers où il n’y a ni des exemples, ni des modèles, ni des références, ni des maîtres… C’est le vide dans la majorité des cas. En l’absence d’une aide didactique quelconque, nous sommes obligés de nous forger par nous-mêmes ”, avoue Jean Mac Kami Tao. “ Je suis né ici à Garoua, j’ai grandi ici. Il est difficile de s’épanouir, surtout lorsqu’on fait de la culture autrement. Le registre qui fait semblant de marcher est celui qui comporte entièrement le parfum de la musique sahélienne qui est en vogue ici ”, renchérit Samuel Anaguet. Dans un contexte où, il n’y a pas grand monde pour promouvoir la culture, où la richesse artistique n’est pas canalisée, où le frémissement culturel est aérien, où les évènementiels sont des rendez-vous épars, sinon des cas isolés, la diversité du septentrion est sous le boisseau. Par manque de challenge et d’encadrement, les rares professionnels de l’art musical, font la grosse tête. “ Ici au Nord, le groupe Efazik plafonne, on n’attend rien de personne. Nous sommes les meilleurs. Mais le sommes-nous vraiment ? Après la tournée que nous avons effectuée, on comprend qu’on s’est fait beaucoup d’illusions d’être arrivé. Or, on aimerait continuer à être dans la situation du donner et du recevoir pour davantage apprendre et grandir dans de bonnes conditions. ” conclut Samuel Anaguet.
 

Par Souley ONOHIOLO
Le 11-12-2006
Le Messager


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