La vie d’un être humain, fut-il enfant, est faite de vicissitudes. C’est la vérité qui se révèle la lecture de ce recueil de poésie enfantine intitulé «Et votre c?ur se purifie», une poésie parue aux éditions Ifrikiya, Yaoundé, 2011.
Oh! Une production enfant, et puis c’est tout! Pourraient s’exclamer quelques exégètes ressuscités de la géhenne. Non, cette frêle plume berce son lecteur dans son univers de la pureté transparente qui est véritablement celui de l’enfance, au c?ur pur et clair et qui se dessine sur plusieurs espaces. Une première clairière (La clairière, c’est une subdivision d’une oeuvre.
Les grands analystes parlent d’isotopie, c’est-à-dire un regroupement de textes d’un même ouvrage traitant d’un même thème), la première clairière comprendrait peut-être les poèmes familiaux comme Maman (p.13) qui exhale, avec la candeur et innocence mais non avec la naïveté d’un enfant plein de gratitude pour celle qui, neuf mois durant, l’a protégé en son sein, l’a allaité et consolidé de ses seins, l’a ceint de son amour, jusqu’au jour il siègera parmi les saints.
Maman n’a pas ravi la vedette, car qui dit maman appelle forcement Papa (p.17), le plus beau, le plus doux, le plus fort, le plus célèbre des hommes. Toujours présent par une reconnaissance et une protection éternelle, l’unique père, trop tôt parti et aujourd’hui plus fort que jamais, est devenu l’idole qui clôt l’ouvrage grâce à ce que les poètes appellent l’homéotéleute, c'est-à-dire la reprise d’un même son à la fin des phrases ou des mots. Le son [t], couplé à [d] est envahissant et dur dans ce poème qui rappelle les toutes petites symphonies merveilleuses mozartiennes qui ont perturbé les grands musiciens.
L’enfance de l’auteur coule dans un univers bien précis, à des heures précises qui rendent heureux tous les membres de la famille, les frères, les s?urs et les parents vivant dans un environnement tranquille et paisible. C’est la deuxième clairière de cette verte et jeune poésie qui mûrit assez vite et sans se hâter, car il s’épanouit un jour au village, (p.9), en écho à la tornade qu’il ne faut pas confondre à l’orage (p.10) ou à la douce pluie (p.16), symbole de la pureté généralement portée par l’eau. (p.24).
Initiation
Cette clairière, qui résume toute l’enfance (p.22) de l’auteur s’exécute avec une simplicité verbale qui révèle déjà une écriture diaphane d’où ruisselle avec aise écrit le préfacier, p.7, la forte teneur spirituelle d’une poésie à la fois lyrique, suggestive et narrative qui évoque Dieu à longueur des vers et se remplit de lumière comme le ciel du soleil p.7). Non, l’enfance n’est pas un lieu clos, elle est aperture espérante, elle est aventure heureuse, elle est découverte bâtissante, elle est mère de l’avenir. Ce troisième espace est effectivement apprentissage et acquisition, assimilation et démultiplication. La feuille morte, qui rappelle Prévert, l’école qui est initiation, le train qui dépayse, le nouveau monde à construire. Ces expériences sous la juvénile observation de Nkoa Essengue, révèlent l’attachement de l’auteur à l’univers bucolique de sa sylve originelle, en souvenir bien visible de Virgile.
C’est le quatrième volet de ce beau recueil où se côtoient désormais la fête et la mort, la force et la faiblesse, la tristesse et la joie. Tous ces thèmes se fondent en un fantastique oxymore et mettent au jour les vicissitudes de la vie de l’homme fût-il un enfant. Oh, pensez-vous vraiment qu’Hervé soit un enfant ? Pensez-vous qu’il est un enfant ? Lui qui, à son âge, sait déjà jouer avec l’imagination et la logique et se jouer de la cohérence des grands. Voyons en p.10 : Il pleut / Les nuages s’assombrissent / Et le ciel devient noir.
Louis Martin Onguene Essono, Professeur, Yaoundé I