C’est la princesse Ngo Minyem Alvine qui va déclencher un concert de pleurs. Entourée et soutenue de deux de ses filles, toutes vêtues de noir, la mère du défunt artiste va se courber sur le cercueil de couleur blanche. Soudain, elle entonne un cantique lyrique en bassa. Le chant sera repris en chœur par l’assistance assis hier après midi à l’esplanade de la morgue de l’hôpital militaire de Yaoundé. «L’enfant s’en allé. Je reste sans voix. J’accepte ce triste sort», murmure la mère de Tjap’s, entre deux sanglots. Le protocole va ensuite inviter Robert Bendengue, le délégué régional de la Culture du Littoral et Odile Ngaska, la présidente du conseil d’administration de la Socam (Société camerounaise de l’art musical) à aller s’incliner à leur tour sur la dépouille mortuaire de Nicodème Bienvenu Tjap Oum, de son d’artiste «Tjap’s». Suivront ensuite la grande famille des artistes et les amis. Lors du passage de sa famille, un concert de pleurs va s’élever dans le ciel. Vers 16h, un long cortège va quitter le quartier pour s’ébranler à Akwa où un grand podium était dressé à la Salle de fête.
Décédée le 28 novembre dernier à Paris à l’âge de 56 ans, Nicodème  Bienvenu Oum Tjap Oum connu comme un dandy est resté class jusqu’à sa  mort. 
En témoigne la plaquette de son programme d’obsèques sur  papier glacé couché, le tapis rouge qu’il fallait arpenter avant d’aller  s’incliner sur la dépouille mortuaire. «C’était un mentor, j’ai  beaucoup d’admiration pour lui. Il a institué une voix en tant chanteur  unique dans son registre. Aussi, il a institué une voie que les autres  doivent suivre. Je garde lui le souvenir d’un grand artiste fier de lui,  qui avait l’orgueil de ceux qui savent, l’orgueil de ceux qui  maitrisent l’art», souffle l’artiste Benoit Bitong. Odile Ngaska, la Pca  de la Socam frappe sur le même clou : « C’est une grande perte. C’était  un artiste qui avait une voix unique. Il ne se prenait pas à la légère.  Il était fier de lui ».
Une fierté, qui apparait aux yeux de plusieurs artistes comme de  l’orgueil. C’est peut-être pour cette raison qu’à l’arrivée de sa  dépouille en provenance de Paris mercredi dernier, seuls trois artistes  musiciens et une cinquantaine de personnes l’attendaient à l’aéroport  international. Last but not the least : La traditionnelle réunion de  soutien aux artistes décédée convoquée au club Nkotti François à Douala  ne s’est tenue. Qu’est-ce qui explique ce boycott ? «C’est la fête des  fin d’années et tous les artistes courent derrière les spectacles»,  croit savoir Djene Djento. 
Qu’importe ! Plusieurs artistes se sont  déplacés à la levée de corps de Tjap’s : Henri Njoh (toujours vêtu de  blanc), les Jumeaux Epée& koum, Ebeney Westley (Black Styl’s), Nellé  Eyoum,  etc. Pour certains, Tjap’s est un modèle : «Il nous a fait  rêver lorsqu’on était jeune. Il a été le pionnier de ceux qui font le  mélange entre le R&b et les langues camerounaises. C’est une grosse  perte pour le Cameroun. On va continuer à travailler pour l’honorer»,  soufflent Roger, Auguste et Haïs du groupe X-Maleya.
Eric Roland Kongou

