Lyrique Jacques Greg Belobo

Chanson. Le baryton camerounais était en vacances au pays natal. Où il compte installer une école pour vulgariser un art dont il est passé maître.

 

Le 14 décembre 2010, alors même qu’il ne reste que deux jours avant la grande première des trois concerts que Jacques Greg Belobo va donner au Cameroun en cette fin d’année, il en est encore à régler des détails d’organisation. Son téléphone portable vissé à une oreille, une main sur le volant du puissant Ford tout-terrain qu’il utilise pour ses courses, il fonce tout droit à l’agence de voyage, après qu’il est sorti d’une communication à la Crtv radio, son repas à peine digéré. La neige qui tombe sur l’Europe toute entière a cloué la plupart des avions au sol, perturbant de ce fait gravement le trafic aérien. Fabrice, un des violonistes qui va jouer avec Jacques Greg, trouvera in extremis, fort heureusement, une place dans un vol, de Zurich en Suisse, pour le Cameroun. Le lendemain, il faudra aller le récupérer à Douala, avec tout le matériel qu’il convoie. Mais auparavant, il faudra régler un autre détail de la plus haute importance : Jacques Greg Belobo a été invité à jouer lors de la cérémonie de l’arbre de Noël des enfants de l’école des Champions du palais de l’Unité.

En présence de la première dame. A peine sorti de la séance de repérage au palais de l’Unité, le chanteur devra honorer un autre rendez-vous. Le grand concert de la Basilique mineure de Mvolyé à Yaoundé connaîtra la participation d’un invité de marque. Ottou Marcellin a été convié par Jacques Greg à composer une chanson qu’il devra chanter ce jour-là. Il faut donc répéter. La séance se passera plutôt bien. Lorsque deux professionnels se rencontrent… Bien que la soirée soit assez avancée, il faudra néanmoins assister à un concert de chorales à la cathédrale Notre-Dame des Victoires. Certaines chansons du répertoire sélectionné pour le concert du vendredi à venir vont être exécutées. Question de s’imprégner davantage. Vraiment pas le temps de s’arrêter pour se désaltérer, pour régler un détail de famille. Jacques Greg Belobo est arrivé de Dresde en Allemagne la veille seulement. Ses bagages ne sont pas encore déballés que le devoir l’aspire littéralement.

La nonchalance apparente de Jacques Greg Belobo est trompeuse. Sa grande masse athlétique, digne d’un boxeur poids lourd, pourrait constituer un handicap pour lui. Que non ! Avec une déconcertante mobilité, le chanteur ne semble pas ébranlé par tant de sollicitations. Dire qu’après tout ça, le baryton a encore de nombreuses séances de répétition avant le grand jour. Une résistance à la fatigue éprouvée par la pratique d’un métier qu’il a définitivement embrassé en 2002, à la sortie du conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Lorsqu’il est devenu un chanteur d’opéra que l’on s’arrachait, bien avant même que ses études soient terminées.

Jacques Greg Belobo a connu le parcours d’un météore, alors que rien ne l’y prédisposait. En 1988, l’adolescent inscrit au lycée de Nkoldongo, qui était alors hébergé sur le site actuel du lycée de Mimboman, va définitivement se brouiller avec ses études, sans raison apparente. « Je ne ressentais plus rien d’apprendre, j’avais le blues de l’école, j’en ai parlé avec ma mère, et elle ne m’en a pas voulu », raconte le chanteur. En même temps qu’il va prendre une inscription au cours du soir du collège Mongo Beti, il va fréquenter assidument la chorale de « La voix de l’espérance », puis la chorale du grand . Où il va apprendre le chant choral, certes artisanalement, mais quand même. Cet épisode aura la vertu de dévoiler la vocation future de Jacques Greg, de découvrir le génie qui couve en lui, et de tracer résolument le chemin au futur virtuose de la chanson. « La chanson était devenue mon obsession, ma raison de vivre », avoue-t-il. Jacques Greg Belobo fera ses premières classes au sein d’une chorale chrétienne. Il apprendra à faire la différence entre le chant classique, exécuté par les grands maîtres, du chant lyrique, exécuté quant à lui par les ténors de l’opéra, et le chant grégorien, exécuté par contre par les moines. Arrivé presque à saturation au sein des multiples chorales qu’il fréquentait désormais à Yaoundé, Jacques Greg Belobo éprouvera d’autres envies. Celles d’aller se perfectionner ailleurs. Le conservatoire était tout indiqué. En 1998, le conservatoire de Nice en France accueillera un nouvel élève dont la couleur de la peau détonnera autant que le talent. « J’étais le premier noir venu d’Afrique à être admis au conservatoire, et cela n’est pas passé inaperçu », se rappelle-t-il. Deux années plus tard, il en sort avec un diplôme de chant de premier degré. Mais Jacques Greg en voulait plus. Les horizons de sa maturation n’étaient pas encore atteints. C’est fort logiquement que Jacques Greg aspirera au conservatoire supérieur de Paris. Un immense privilège pour un noir. Lorsqu’il en sort en 2001 nanti d’un master en chant lyrique, les contrats ont déjà commencé à poindre. Il se passionnera du music-hall et de l’opérette. Mais il tombera en pamoison devant l’opéra, qu’il découvre à la télévision. « J’ai regardé un soir Les trois ténors, le célèbre opéra exécuté par Pavaroti, José Careras et Domingo. C’était sublime, et je crois que ma passion actuelle de l’opéra est née de ce contact opportun », avoue-t-il. Mais il n’oubliera jamais tout le bien que le conservatoire a apporté à sa carrière actuelle. « Le conservatoire m’a appris à codifier mon talent, à l’utiliser rationnellement », confesse-t-il. La suite est un récital. Le chanteur baryton va s’établir à Zurich en Suisse. « J’avais plus d’opportunités pour me produire », avoue-t-il. Mais le talent de ce noir à l’opéra diffusera bientôt à travers l’Europe entière. Il sera de plus en plus sollicité pour apparaître dans des opéras de plus en plus prestigieux. Il finira par s’établir à Dresde. La capitale culturelle allemande offrira un cadre « plus convenable » à Jacques Greg Belobo. D’où il peut maintenant voir les choses. Comme préparer ses spectacles qu’il donne à travers le monde, ou enregistrer des disques qu’il avoue ne pas en faire une priorité. « Le spectacle permet de vivre des recettes, alors que le disque bascule si vite dans la contrefaçon. Lorsque je vois la difficulté qu’il y a à enregistrer un disque, je ne vois pas pourquoi il faut offrir une telle aubaine aux contrefacteurs », se désole le chanteur qui compte quand même trois albums dans sa discographie.


Jacques Bessala Manga


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