Conflits  générationnels, complexes de supériorité ou d’infériorité, on se  retrouve. Alloulé Daniel Rodrigue ou ADR se révèle à l’écriture par un  titre qui laisse songeur : Le Maître du « Je ». Dès la quatrième de  couverture, l’auteur choisit d’entretenir le suspens en laissant le  lecteur sur sa soif  en ce qui concerne le dénouement de son récit. «On  assiste à certaines confusions jusqu’au moment où se produit  l’impensable…» Une soif qui ne sera « assouvie » qu’aux dernières pages  de sa production sans toutefois donner de faille à une hypothèse  quelconque. Même si cela prête à équivoque, l’astuce est toute trouvée  telle dans un scénario hollywoodien.
De fait, le maître du «Je»  se trouve être un jeune garçon qui bouillonne d’imagination et déborde  d’énergie. Julien, Français, a un ego très poussé et une audace sans  bornes. Même si le temps et l’espace de ce récit ont tout, des  caractéristiques premières d’une nouvelle, ce roman de 198 pages, a de  la matière. L’on est en France et l’histoire se déroule dans un train  écologique (qui fonctionne avec l’énergie solaire) baptisé Euromanie. Il  s’agit d’un voyage d’essai de cette prouesse technologique, de Paris à  Paris avec des arrêts à Bruxelles, Berlin, Amsterdam, Londres. Gestes et  attitudes pas toujours comprises, mais surtout des conversations aux  élans variés. 
Sans parties ni chapitres, ce roman est découpé  par des phrases qui résument généralement les paragraphes qui vont  suivre. Le choc des idées avec les passagers est animé par Julien  Déparnacieux, qui a vite fait de transformer le wagon A7904 en une salle  de conférence mobile. Le clash avec les générations antérieures  s’affiche aussitôt. Sa rage pour les parents qui donnent une éducation  très rigoureuse à leur progéniture, est visible. Mamie, une Belge  sexagénaire, s’en offusque et ne manque pas de déplorer le respect pour  l’argent, l’insouciance, l’arrogance et l’excès de liberté que se  permettent les jeunes d’aujourd’hui. Une liberté que Julien revendique  et exprime sans se faire prier. Il s’adresse à tout le monde n’importe  comment, parfois avec des mots choquants, il n’en a cure.
Tenez :  après la chute du contrôleur du train dans le wagon, alors que Julien  se secoue de rires, Mamie  est scandalisée. « Chez nous en Belgique, on  ne rit pas de ces choses là. Nous sommes sages et honnêtes - sans blague  ! Vous devez être tristes là-bas si vous n’avez pas de style de vie -  Je vois que tu es ouvert à tout y compris à l’ânerie» Toutefois, si  l’union n’est pas consommée avec les adultes et les vieillards, Julien  trouve parmi son auditoire de passagers, quelques-uns qui arrivent à  l’admirer. Son charisme, son optimisme et sa soif de réussir jouent en  sa faveur. Julien vient d’obtenir son baccalauréat et souhaite devenir  un expert en finances internationales. 
Des scènes et épisodes qui aboutissent enfin à la révélation du suspens, à «l’impensable».
Une  jeune passagère, Klein Brooks est arrêtée par la police de Londres.  Elle était  accompagnée de deux infirmiers. Celle qui se faisait passer  pour une princesse du Lichtenstein roulant sur de l’or, est démasquée.  Anna Popolovki de son vrai nom est une malade mentale qui aurait tué et  mutilé ses propres enfants. Après l’euphorie causée par cet incident,  l’Euromanie met le cap sur Paris. Le temps d’un voyage, plusieurs sujets  égrenés. Protection de l’environnement, politique, l’union européenne,  conflits de génération, l’auteur, à l’image de son personnage, n’est  certainement pas prêt de s’arrêter.
Gertrude Guimatsia (stagiaire) 

