
Aucun visage sur la pochette de l'album. Qui est donc ce Negus Ekotto ? Tout le monde en parle. Le succès est assuré. Des années durant, les différents titres de l'album se perchent au sommet des hits parades. Quelques temps plus tard, un autre jeune loup fait son apparition dans la musique. Ndedi Dibango, il s'appelle. Curieusement, on reconnaît dans son timbre vocal, les mêmes aptitudes que celles découvertes chez Negus Ekotto. En fait la voix est la même. Les milieux culturels sont en émoi. On s'interroge. Avant de se rendre à l'évidence…
En fait Negus Ekotto, qui avait quelques problèmes avec sa voix, avait, pour l'enregistrement de son album, emprunté celle de son jeune "frère" Ndedi Dibango. On ne rentrera pas dans les clauses du contrat qui les a liés à l'époque. On n'en sait d'ailleurs pas grande chose. Ce qu'on a fini par comprendre cependant, c'est que le premier était un simple auteur compositeur et le second, un interprète ! Et, comme Negus Ekotto, plusieurs autres compositeurs prêtent ou cèdent ainsi leurs œuvres musicales à leurs confrères. Certains sont connus, et d'autres pas du tout. C'est le cas d'un certain Hugo Nyamè, que Sergeo Polo cite régulièrement dans ses chansons. Les milieux culturels disent en effet de ce jeune homme habitant le quartier Deido à Douala, qu'il est un véritable monstre de la composition. "Le mari d'autrui", tube du duo Sergeo Polo et Njohreur, serait ainsi l'une de ses nombreuses créations !
Arrangements
Certaines informations non vérifiées affirment par ailleurs que Hugo Nyamè est demeuré l'un des principaux "fournisseurs" de textes dans les différents albums à succès de Sergeo Polo. Notamment les titres chantés en langue Ewodi comme "Fanny". S'il s'est montré relativement peu créatif au début de sa carrière, Sergeo Polo, lui-même, n'arrête pourtant pas de "dépanner" ces confrères en terme de chansons. "Persévérance", le dernier album de Grâce Kama compte ainsi pas moins de quatre titres dont l'auteur est "le président de Deido à Paris" !
De l'avis des professionnels de la musique, il y a, pour ainsi dire, trois éléments clés pour qu'une chanson soit réussie : les textes, l'interprétation et l'orchestration. Mais le texte est à la base de tout et, généralement, c'est l'élément qui séduit et reste dans la tête des mélomanes qui fredonnent les refrains en pensant que c'est le chanteur qui l'a composé. Et pourtant ! Bien que chanté par Charlotte Mbango, "Konkaï Makossa", le célèbre titre de Makossa, a par exemple été composé par Guy Lobé. "Fais attention" de Rosy Bush, lui, est une création de Ndedi Eyango ; tout comme le très prisé "Sponsor" de Nicole Mara, qui a été composé par Alain Mboulé. Idem pour "Mama", l'un des titres à succès de Nadia Ewandé, qui a été écrit par Moïse Mbangtéké ; et le mémorable "Bieya Mum'ango" de Henri Njoh, qui n'est autre que la propriété intellectuelle de Jeannot Ekwalla. Le même qui se cache derrière les paroles de "Pardonne moi", chanté par Sergeo Polo.

Cependant, le destin qui lie éternellement un artiste et son auteur compositeur ne se fait pas au hasard. Joly Priso, par exemple, qui a composé entre autres pour Rantanplan et Claudia Dikosso, précise que "C'est une question d'affinité, mieux de sensibilité. Pour que j'écrive une chanson pour une personne, il faut que je la connaisse. Ses qualités vocales, ses habitudes et le thème sur lequel elle veut s'épancher sont autant de critère. Il faut être rigoureux dans son travail. C'est pour cela que beaucoup d'artistes font l'appel dans leurs chansons car ils ne peuvent pas composer".
Conflits
Les femmes sont ainsi les principales bénéficiaires des auteurs compositeurs, qui les trouvent plus sensibles et "moins brutales dans leur façon de chanter", indique Jeannot Ekwalla. Lequel, qui a composé pour Pierre Moussy, Bébé Manga et bien d'autres ; passe d'ailleurs pour un authentique professionnel de la composition musicale au Cameroun. La relation conflictuelle avec les artistes masculins naît d'après lui "du fait que les hommes sont orgueilleux et suffisant. Ils ne veulent pas reconnaître les qualités des autres. J'ai d'ailleurs décidé de ne plus donner mes chansons, parce qu'il n'y a plus beaucoup de bons chanteurs. Ils ne sont pas honnêtes quant à la paternité des chansons qui les propulsent souvent vers les cimes de la gloire", se plaint-il.
On se souvient encore du litige qui avait opposé Jeannot Ekwalla à Henri Njoh pour l'album "Bieya Mum'ango". Le second se plaignant de n'avoir rien perçu pour ses droits d'auteurs alors que tous les textes avaient été composés par lui. Ces litiges sont souvent la résultante de la négociation du départ.
Ce sont ses expériences malheureuses qui ont conduits certains auteurs compositeurs à revoir les contrats, très souvent verbaux, qui les lient à leurs confrères artistes. Pour Jeannot Ekwalla, qui avoue ne vivre que de l'argent qui provient de ses droits d'auteurs, "toutes mes chansons sont enregistrées à la Cameroon music corporation (Cmc). Je suis à l'abri des malhonnêtes et je perçois mes droits sur les titres qui marchent".
Cependant, il y en a d'autres, comme l'explique Moïse Bangtéké, "qui préfèrent s'entendre autour d'un prix pour leurs œuvres. Il oscille entre 50.000 Fcfa et 300.000 Fcfa ou plus. Mais le regrettent toujours plus tard quand l'une de leurs chansons devient un tube".
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