Femme camerounaise : Le scanner instructif de Marie-Rose Abomo-Maurin

L'écrivaine revient en librairie avec une œuvre qui ressort la difficile condition du "deuxième sexe".

 



C'est par la poésie que Marie-Rose Abomo Maurin s'est signalé aux lecteurs de son pays natal. C'était il y a quelques années à travers le recueil Mikul mi nem qui reçut un bon accueil de la part de la critique. Pour sa deuxième sortie éditoriale, celle qui enseigne les lettres françaises en France tout en y effectuant des recherches sur le langage et les langues et cultures d'Afrique noire a surpris son lectorat. En s'essayant à la prose, elle a sans doute fait montre de ce que l'écrivain peut à volonté user des différentes cordes qui constituent son arc.

Et pour une création littéraire, elle a fait mieux qu'une première. Dans cette oeuvre finalement difficile à classer, elle a posé, du moins dans l'environnement littéraire national, les jalons du roman post-moderne. C'est ainsi qu'elle a abandonné les fameux principes romanesques du héros victorieux, de la thématique unique ou encore de l'objectif à atteindre malgré les obstacles pour mettre en exergue la difficile condition de la femme camerounaise. Et cela bien qu'elle se garde de nommer les contrées de son pays que le lecteur n'a cependant aucun mal à reconnaître sous sa plume.
Une plume qui se veut simple, sans être simplet. Et qui peint avec une écriture dépouillée et directe les vies multiples du "deuxième sexe" qui a encore du mal à bien se sentir dans sa peau.

Et dans cet exercice qui s'apparente finalement à une analyse sans complaisance de la société dans son ensemble, elle offre en même temps à voir les pesanteurs qui travaillent le quotidien de celle dont le cours de la vie a du mal à se muer malgré les progrès de la société en général.
Dans la foulée, sa description de cette vie de chien frise parfois le surréaliste sans pourtant l'être tant il suffit de regarder autour de soi pour s'apercevoir des souffrances dans lesquelles est engluée la femme camerounaise. Et qui confine parfois à l'absurde si ce n'est au drame. Avec en arrière plan le rejet des valeurs qui sont au fondement même de toute vie humaine. Bien sûr que l'homme est souvent à la source des malaises de la femme. Mais cette dernière elle-même n'est pas en reste. Se révélant même plus redoutable comme on le voit à travers Marilou qui est forcée à la prostitution par sa propre sœur, l'obligeant ainsi à abandonner sa scolarité.

Les six histoires racontées ici ne sont pas sans rappeler ceux qui ont participé à construire l'image romanesque d'un Séverin Cécile Abega. Notamment avec ces Bimanes dont l'actualité a résisté au temps. Et si l'éditeur a voulu, et on le comprend, classer cette œuvre dans l'escarcelle des nouvelles, il reste que lecteur camerounais, voire africain, y trouve nombre de rudiments qui en font des contes contemporains. Mais la bagarre de genres ne saurait effacer la force qu'exhale cette œuvre définitivement inclassable.
Une œuvre dont la portée exhale un parfum de fatalisme tant les personnages ont du mal à s'extirper d'une situation à eux imposée et qui ne leur donne aucun espoir d'en sortir malgré leur bonne volonté. D'aucuns pourraient y trouver une critique d'un environnement très masochiste où la classe dirigeante ne laisse aucune chance à ceux des citoyens qui se veulent vertueux et qui finissent par tomber dans le vice de l'enrichissement dont les contraintes sont au-delà de toute morale.

Parfait Tabapsi


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