Obsèques: Le « vieux Nègre » dans l’Au-delà

Le temps est lourd ce samedi 26 juin 2010 à Ngoazip I. Il est 10 h 30. D’épais nuages étouffent le ciel. Le temps morose atténue l’éclat de la verdure habituellement flamboyante....

Le temps est lourd ce samedi 26 juin 2010 à Ngoazip I. Il est 10 h 30. D’épais nuages étouffent le ciel. Le temps morose atténue l’éclat de la verdure habituellement flamboyante. Entre fine pluie et brume sèche, la météo qui tente de s’imposer dans cette localité située à une trentaine de kilomètres de Yaoundé depuis une demi-heure, semble vouloir faire des misères aux populations et autres invités qui convergent vers le domaine où trône le somptueux château de Léopold Ferdinand Oyono qui surplombe le grand rocher du quartier Mebo’o tel une forteresse antique. C’est justement dans la vaste cour de ce domaine qu’ont lieu les funérailles de l’ex-ministre d’Etat en charge de la Culture. Le ballet incessant des limousines, des 4×4, des motards et l’imposant dispositif policier et militaire qui a été déployé dans le village natal du « vieux Nègre », suffisent à convaincre le visiteur que la cérémonie qui se prépare est celle d’un « grand homme ». En plus des palmes de raphia qui pavoisent la route qui va de Ngoulemakong jusqu’à Ebolowa, en passant par Ekoug, Keeke et Ebolowa, il y a cette ambiance morose qui s’est emparée de la capitale de la région du Sud. Pas besoin donc d’être un devin pour se rendre compte qu’apparemment, c’est le tout Ebolowa qui porte le deuil. Le deuil d’un « grand commis de l’Etat, d’un esthète, d’un héraut de la culture » et d’un « patriarche », pour reprendre les messages affichés sur des banderoles çà et là.

C’est une véritable marée humaine qui va prendre d’assaut le lieu de la cérémonie d’au revoir. Autour d’Amadou Ali, vice-Premier ministre, ministre de la Justice, garde des sceaux, représentant personnel du chef de l’Etat, on aperçoit le directeur adjoint du cabinet civil de la présidence de la République, le gouverneur de la région du Sud qu’accompagne le préfet de la Mvila et le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine d’Ebolowa. Dans la foulée, des ministres d’Etat, des ministres, un parterre des membres du corps diplomatique, des autorités administratives, des parlementaires des autorités religieuses et des élites intérieures et extérieures de la Mvila. Des responsables des sociétés de gestion de droit d’auteurs, des artistes… Bref, du beau monde venu faire ses adieux à celui là qui a servi pendant cinquante ans l’Etat du Cameroun.

Il y a aussi dans cette foule compacte, la famille du disparu. Abattue, consternée. Principalement Cécile Oyono, la veuve drapée dans un voile noir, tête baissée, pratiquement inconsolable dans sa douleur, soutenue par ses enfants. L’office religieux qui donne le ton à la cérémonie est conduit par Mgr Jean Mbarga, évêque du diocèse d’Ebolowa. La Voix du cénacle assure l’animation musicale religieuse, puisée dans les répertoires évoquant la mort et l’espérance. Dans son homélie, l’évêque célébrant va d’abord reconnaître que Léopold Ferdinand Oyono était un père, un frère, un époux, un ami qui restera à jamais gravé dans les mémoires de tous ceux qui l’ont côtoyé. Puis il va inviter la famille à prendre courage et garder la foi car « pour toux ceux qui croient en l’amour de Dieu, la mort n’est pas la fin de tout. Il y a toujours de l’espérance ».

La première lecture est tirée du livre de la sagesse ; comme pour montrer la dimension du disparu qui a toujours su « faire montre d’une sagesse humaine, mûrie au fil des ans, fleurissant dans les relations familiales, amicales et professionnelles. Léopold Ferdinand Oyono était un sage. Un sage qui a su faire de son talent et de son charisme un art de vivre, de servir et de fructifier ce qu’il avait reçu du très haut ». Et de conclure, « plus qu’un décès, c’est d’une apothéose qu’il s’agit. Celle d’un artiste chevronné, d’un administrateur ingénieux et d’un fidèle d’une foi christocentrée ».

Héritage

S’en suivra après la messe, le message de condoléances du chef de l’Etat à la veuve. Lequel message sera lu par Pierre Marie Mba, préfet de la Mvila. « Un grand serviteur de l’Etat, un grand écrivain, un fin diplomate, un homme politique avisé », dira Paul Biya de son ami dans son texte. La série des témoignages qui suit va donner l’occasion à Pierre Zang Zang, représentant des oncles maternels de Léopold Ferdinand Oyono de dire adieu à celui là qui était pour eux plus qu’un ami. Cet artisan de la paix, ce fils que tout le monde aimait. Charles Ayangma, le frère cadet de la veuve qui intervient au nom de la belle famille, garde de l’illustre disparu l’exemple d’une vie conjugale réunie, le modèle de la paix et de la réconciliation au service de la famille. C’est aussi, ajoute-t-il, l’incarnation de la générosité, de l’intégrité et du sens de l’humour dont savait faire preuve celui qu’il surnommait affectueusement « Pap’s ». « Le vide qu’il laisse est certes immense, mais avec la force de Dieu, nous saurons poursuivre l’œuvre qu’il a si bien commencée», promet-il. Pour Vincent Oyono Epa, le représentant de la famille du défunt, les mots ne suffiraient pas à traduire l’immensité de l’œuvre que laisse ce grand serviteur de l’Etat. Car, c’est un monument qui vient de s’éteindre. Oyono Etoa, le frère cadet du défunt parle d’un homme qui aura aimé les siens, un apôtre de l’union des cœurs dans la Mvila, mais aussi un chantre du développement de son village. Des qualités que va reconnaître Mgr Gérôme Owono Mimboé, intervenant au nom des patriarches de la Mvila. Pour l’évêque, Léopold Ferdinand Oyono par son patriotisme appartenait au Cameroun tout entier. C’était un rassembleur, un coordonnateur, un guide. Un peu comme Moïse. « Tu étais grand et beau comme ton père. Mais je te vois plus comme un grand esprit. Va ! Mais sache que c’est maintenant que nous saurons qui tu étais vraiment », lâche t-il.

Esthète

L’émotion va monter d’un cran lorsque Jean Paul Oyono, le fils du défunt va prendre la parole. D’une voix presque vacillante, ce dernier va carrément déclamer. « Un exégète, un être extraordinaire, passionné. Dans le tourbillon de la vie, haut était ton sourire. Tu aimais la vie et elle te le rendait bien. Tu avais une pensée et un amour collectifs. Même blessé, tu continuais de servir ton pays. Va, vers la lumière et ne te retourne pas. Salut l’artiste ! Et laisse moi t’applaudir pour une dernière fois », souffle t-il. Des mots profonds qui vont effleurer la sensibilité des populations qui fondent en larmes.


christian.tchapmi
Le Messager

 


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