Mutualisation : Un feu de paille des artistes camerounais

Leurs tentatives de regroupement se sont soldées par un échec du fait des guerres intestines.

 



Jeudi 22 juillet dernier, l’annonce du décès de Jean Bikoko Aladin, le bien connu chanteur d’assiko, a plongé la communauté artistique dans le désarroi. Des élans de cœur se multiplient actuellement parmi ses confrères, pour lui garantir des obsèques dignes de sa renommée. Un élan qui, visiblement, ne se manifeste chez les artistes que lors du décès de l’un des leurs. Certains sont d’ailleurs connus pour être des initiateurs plénipotentiaires des collectes de fonds en prélude à l’enterrement. Hormis cette mobilisation sporadique, un regroupement d’envergure des artistes reste problématique malgré les initiatives qui sont prises ça et là. Les associations ou mutuelles qui ont vu le jour jusqu’ici, n’ont pas fait long feu. Parmi elles, l’on cite essentiellement la Mutuelle des artistes camerounais (Mac), le syndicat des artistes du spectacle (Sap), l’association « Sol’ art » et l’association des artistes camerounais (Ada).

La Mac voit le jour en 1986. L’idée de cette première mutuelle d’artistes camerounais fait suite au décès tragique du chanteur de makossa Bebey Black (auteur du titre «aimer, aimer»). «Sa mort des suites d’accident de circulation nous a d’autant plus touchés qu’il revenait de ses fiançailles à Nkongsamba», confie Joe Mboule (auteur du tube «malabar»). Sous le choc d’une si triste fin, les artistes se mobilisent et trouvent bon de fédérer leurs énergies autour d’une association. Sous la houlette Joe Mboule, la Mac a pour objectif de «garantir les intérêts de ses quelque 2000 membres». Outre les chanteurs, la Mac compte parmi ses adhérents, des danseurs, comédiens et instrumentistes. En dix ans, l’association se déploie sur plusieurs régions du Cameroun. Les réunions se tiennent régulièrement, notamment au domicile de Beko Sadey à Douala. «On s’acheminait vers l’assurance maladie des membres», mentionne Joe Mboule. La forte représentativité de l’association lui donne le statut d’un interlocuteur sérieux auprès du gouvernement. «C’est grâce à nos revendications que la Société civile nationale de droits d’auteurs (Socinada) est créée en 1990», argue Joe Mboule. Mais après ce succès, le loup entre manifestement dans la bergerie.

Pesanteurs
Bien qu’un récépissé lui donne encore le droit d’exister, la Mac a cessé ses activités en 1992. La démission de Joe Mboule du poste de président de l’association laisse éclater des divergences, apprend-on. «Généralement, les guerres de leadership constitue la principale pesanteur dans les associations d’artistes», constate Théodore Kayesse, critique d’art, par ailleurs observateur averti du paysage culturel camerounais. «Certains artistes dits confirmés ne supportent pas d’être logés à la même enseigne que des artistes amateurs ou de l’ombre pour parler des instrumentistes ou des chanteurs de cabarets. C’est de ces exclusions que sont les pommes de discorde», déplore M. Kayesse. Joe Mboule confie par ailleurs que l’ouverture de la Socinada a suscité des guerres de positionnement entre les membres de la Mac. L’artiste a par la suite initié la création d’un mouvement syndical. Mais les activités du Syndicat des artistes du spectacle (Sap) ne connaissent pas une longévité.

Un échec que son initiateur attribue au manque de culture syndicale et artistique de ses membres. «Les chanteurs par ignorance, croyaient qu’ils étaient les seuls artistes», affirme Joe Mboule. Au-delà de la faute imputée aux membres des associations défuntes, des artistes tel, Gaby Shunt, pense plutôt que «le poisson pourri par la tête». « Il n’y a rien de sérieux dans toutes ces initiatives. Chacun ne pense qu’à ses propres intérêts ». Ex membre de la Mac, Marco Mbella, dit le rassembleur, se risque à un bilan de la mutuelle des débuts de sa carrière. «On peut imputer la faible participation de ses membres, le découragement des uns et les détournement d’argent». Pourtant le regroupement des artistes semble toujours préoccuper «Le rassembleur».
S’inspirant de son expérience malheureuse avec la Mac, il crée en 2001, l’association «Sol’art». Elle compte 30 membres, essentiellement des musiciens. «Les adhérents étaient des artistes en herbe, qui venaient surtout dans le but de s’intégrer dans le milieu artistique», renseigne Marco Mbella. « Longuè Longuè a d’ailleurs fait partie de la Sol’art, mais après le succès de son premier album, il a déserté les rangs », déplore l’ex président de la «Sol’art». La désertion des uns et des autres, sonne le glas de l’association.

Tel est le destin que connaît l’Ada, l’association fondée en 2006 par Devis Mambo, Nadia Ewandè et compagnie.
Le seul fait d’arme qu’on connaît à l’Ada reste manifestement la visite des détenus à la prison centrale de New bell à Douala. Malgré la cessation d’activités des unes, les associations ou mutuelles d’artistes restent la préoccupation de certains artistes. Marco Mbella est résolu à développer des synergies. D’aucuns créent des mutuelles d’un autre genre. Des mutuelles ethniques ou régionales. Sur ce point, Moïse Bangtéké confie que la mutuelle des artistes du Nkam (l’un des quatre départements de la région du Littoral) verra bientôt le jour sous le nom «Kaba». «Je suis chargé de la mettre sur pied. Henry Njoh est pressenti pour être le président», révèle-t-il. Regrouper les artistes sur le long terme, est visiblement la mer à boire. La chanteuse Rachel Tchoungui a manifestement du pain sur la planche, elle qui vient de lancer la «Mama», la mutuelle des artistes musiciens et associés.

Monique Ngo Mayag


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