Compte d'affectation spéciale : Où est passé le milliard ?

Le compte n'étant pas approvisionné par l'Etat, la ministre de la Culture a suspendu les activités de la commission avant de la réhabiliter mardi ; les artistes se disent inquiets.




C'est finalement mardi, le 1er septembre dernier que la ministre de la Culture, Ama Tutu Muna a signé une note abrogeant la décision prise au mois d'avril. Dans cette lettre circulaire, la ministre de la Culture annonçait en effet la "suspension des activités de la Commission des arts et lettres [dont l'objectif est d'évaluer les dossiers soumis au compte d'affectation spéciale pour le soutien de la politique culturelle au vu] du retard considérable [observé dans le] déblocage de la dotation de l'Etat". La note signée hier quant à elle annonce la reprise des travaux de ladite commission.
Dans l'esprit des artistes et des personnes proches du milieu culturel camerounais, les questions se bousculent. Doit-on y voir l'imminence de la reprise des aides aux artistes dans le cadre du compte d'affectation spéciale pour le soutien de la politique culturelle? "Oui", affirme, optimiste, le nouveau secrétaire de la commission des Arts et Lettres, Nöel Ambara installé à ce poste le 17 août dernier. "Je pense effectivement que la note de la ministre indique très bien que nous reprendrons bientôt les activités de la commission d'autant qu'il y a quelques temps, elle a relancé le ministre de Finances à qui revient le pouvoir d'ordonner l'approvisionnement du compte", soutient-t-il.
Et si du côté des artistes c'est avec soulagement que l'on accueille cette reprise d'autant qu'ils disent n'avoir reçu aucune aide depuis l'année 2007, des doutes persistent cependant. Ce d'autant que c'est en 2008 qu'ont été payées les aides pour le compte de 2007. Annie Tchawack qui coiffe la casquette de chorégraphe, metteur en scène et organisatrice de festival dit continuer d'attendre sa dotation de 2007 et confie : "contrairement à ce que l'on a l'habitude de dire, le problème ne réside pas au niveau des sommes perçues ou promises. Le problème qui se pose est que, le plus souvent, c'est au lendemain de l'évènement que nous sommes payés. Ça pose un véritable problème dans l'organisation et c'est dommage que cela se passe ainsi".

Dans les bureaux du compte d'affectation spéciale pour le soutien de la politique culturelle installés au musée national à Yaoundé, on évoque des "tensions de trésorerie. C'est pour cela que jusqu'ici, rien n'a été réparti. Il n'y a pas d'argent dans les caisses du fait des tensions de trésorerie générale que connaît l'administration ces derniers mois", affirme M. Ambara. De fait, donc, jusque-là, ce ne sont que des appoints qui ont été faits pour l'organisation de certains festivals dont "Ecrans noirs et le Ngouon entre autres. De toute façon, la plupart des festivals qui se tiennent ces derniers temps bénéficient du soutien du ministère de la Culture. Ceci même s'il est vrai qu'en 2008, nous avons davantage payé les reliquats de 2007", confie sous le sceau de l'anonymat un autre responsable du ministère de la Culture.

Fonctionnement
De ce fait, plus que le financement des œuvres individuelles qui avaient jusque-là retenu l'attention des responsables de ce compte, c'est davantage des aides directes qui sont privilégiées. "La plupart des manifestations culturelles d'envergure qui se tiennent au Cameroun sont financées par l'argent provenant du Compte d'affectation spéciale. La preuve, depuis lors, la Commission nationale des Arts et Lettres n'a tenu aucune session alors qu'en 2008, elle en a tenu une vingtaine", tente-t-on d'expliquer au Mincult avant de poursuivre : "la somme de un milliard cent mille francs Cfa qui est souvent annoncée ne l'est qu'à titre indicatif. Tout est fonction du degré d'exécution du budget de l'Etat. Souvent ça peut être cela, souvent ce n'est pas ça et il faut bien que l'on puisse faire avec".

Seulement, bien que les artistes disent comprendre que les tensions de trésorerie peuvent être à l'origine des retards observés dans l'attribution de cette aide, ils se plaignent de ce que le favoritisme reste la règle dans l'attribution de cette aide. Bien qu'elle refuse de croire que tout se passe ainsi, Annie Tchawack de susurrer: "ce n'est pas systématique que les pourcentages soient demandés. Je pense que si quelqu'un répond aux critères, cette personne pourra bénéficier de l'aide". Dans la même occasion, plusieurs artistes regrettent qu'une partie de cet argent soit souvent utilisée dans le cadre du budget de fonctionnement du ministère de la Culture. "C'est notre argent. C'est pour nous aider à créer nos œuvres. Le ministère n'a pas à y toucher. De plus, comment on ose nous dire que le compte n'est pas alimenté mais on continue d'octroyer de l'aide à certains?", insiste l'un d'eux sous anonymat.

Une sortie qui fait sourire du côté du ministère ou on tient à rappeler que l'octroie de l'aide sera désormais plus difficile. "Nous sommes tout à fait d'accord, cet argent est destiné à l'aide à la création mais comme son nom l'indique, ce compte aide également au soutien de la politique culturelle du pays. C'est de ce fait que de temps à autre, nous pouvons appuyer un évènement d'importance grâce à cet argent comme cela a été le cas pour le Fenac en décembre 2008. Mais il faut également que les artistes bénéficiaires sachent que désormais, on sera plus regardant sur le niveau d'exécution des projets qu'ils nous présentent pour solliciter de l'aide" affirme-t-on au ministère de la Culture.
Pour étayer cette sortie, notre interlocuteur cite la décision prise par la ministre de la Culture de ne plus octroyer d'aide au musicien Ferdinand Din Din, alias Papillon. A l'origine de cette décision ministérielle, le fait que pour la célébration de ses 20 ans de carrière, l'artiste a sollicité de l'aide sans tenir ses engagements.

Dorine Ekwè


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