Sortir la langue bafoussam de l’oralité

Pour ce faire, Dieudonné Toukam propose un système d’écriture de ce parler de l’Ouest Cameroun.


Son livre ne pouvait pas mieux tomber qu’au moment où l’appropriation des langues nationales intéresse les pouvoirs publics. Intérêt qui a abouti à la création, cette année, d’une filière langue nationale à l’Ecole normale supérieure de Yaoundé. Dans cet ouvrage de 255 pages paru en 2009 aux éditions l’Harmattan, Dieudonné Toukam ambitionne de codifier à la fois le parler et l’écrit de la langue qu’il appelle le « bamiléké-bafoussam ».

Pour justifier le choix de cette langue comme objet d’étude, Dieudonné Toukam écrit que « le bamilélé-bafoussam est la langue bamiléké de base », elle a engendré des ramifications dialectales qui constituent les cinq sous-groupes dialectaux que sont le gham’a-lah, le medumba, le yemba, le ngoma’a et la fè-fèè. Avant d’entrer dans la linguistique proprement dite, l’auteur fait une brève présentation de cette langue parlée par le peuple du même nom, dans la région de l’Ouest du Cameroun. 
Pour lui, cette langue est née d’une « langue bamiléké unique » que parlaient les premiers Bamilékés qui se sont installés dans la plaine Tikar vers les années 1200, en provenance d’Egypte. Malgré sa primauté, le bamiléké-bafoussam demeure dans l’oralité car manque de système d’écriture codifié. C’est dans contexte que, dans le premier chapitre de son livre, l’auteur propose une graphie et une grammaire harmonisée de ce parler. Alphabet de 33 lettres, vocabulaire accompagné d’une transcription phonétique, ébauche de grammaire, conjugaison des verbes, sont autant de leçons destinés au lecteur. Enseignements agrémentés ici et là par des contes et proverbes.
Pour Dieudonné Toukam, le bamiléké-bafoussam n’est pas un patois (« parler propre à une région limitée, à l’intérieur d’un dialecte »), loin s’en faut. Il n’est pas non plus un dialecte (« variété régionale d’une langue »). Mais une langue qui possède un « ensemble de signes constituant un système de forme et de sens et servant de véhicule à la communication ». Pour convaincre de l’opportunité de son étude, l’auteur martèle : « Imaginez-vous un village dont les natifs ne comprennent ni ne parlent la langue du terroir. Inéluctablement, ce village perdra, au fil de nombreuses décennies, ce qui est sa marque distinctive avec d’autres villages : sa langue et, avec elle, sa culture ». Aussi est-il temps que « la langue bamilélé-bafoussam ait désormais une écriture et que le natif du village en question exprime enfin mieux ses particularités culturelles ».
En conclusion, Dieudonné Toukam recommande l’«élaboration d’un dictionnaire et d’une grammaire pour chaque dialecte bamiléké, puis un dictionnaire et une grammaire harmonisée pour toutes ces langues constituées en groupe », pour que naisse de ses cendres le « bamilélé ». Né à Bafoussam en 1972, Dieudonné Toukam est titulaire d’un master en traduction obtenu à l’Advanced school of translators and interpreters de l’université de Buea.

Dieudonné Toukam
Parlons Bamilélé : langue et culture de Bafoussam
Ed. L’Harmattan
Paris, 2008
255 pages.





Stéphanie Dongmo

mboasawa

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