Pour ceux qui suivent attentivement l'actualité musicale, "Connexion", le dernier album de Guy Manu, n'est pas aussi récent que cela. Il date de plus d'un an. Et l'un de ses titres, "ça va se savoir ici", qui a connu un succès certain, a longuement été diffusé sur les ondes de radios locales et au cours des programmes de détente Tv. Mais, plusieurs mois plus tard, l'album est revenu au-devant de la scène, à la faveur d'un thème d'actualité qui y est abordé : l'immigration.
Le sujet et notamment évoqué dans "Pays des Blancs", le sixième titre d'un album qui en totalise une douzaine, dont deux reprises en instrumental. Dans le fond, "Pays des Blancs" parle des tribulations des immigrés africains, dans ces pays européens qui s'avèrent ne plus être, finalement, le paradis dont ils ont tant rêvé. "Milan, Paris, c'est pareil. Genève, Bruxelles, c'est pareil. C'est chacun pour soit, Dieu pour tous. Pas de papa, maman, où es-tu ? Frère et sœur n'existe plus. Il n' y a que problème sur problème…", chante Guy Manu.
Pour s'être installé en Hexagone depuis quelques années pour la poursuite de sa carrière dans le show-biz, l'artiste semble d'ailleurs parler d'expérience. "Je préfère Abidjan à Paris. Je préfère Brazza à Genève. Je préfère Douala à Milan. Je préfère Dakar à Bruxelles…", clame-t-il. Et de s'interroger, comme pour décourager ceux des jeunes qu seraient toujours tentés par l'expatriation, "Cousin, ton projet pour l'Europe, est-ce que ça tient toujours ?"
Le rythme, le makossa, y est aussi dansant que dans "ça va se savoir ici", la chanson devenue célèbre à travers le thème, l'infidélité, qui y est abordé. Extrait du texte : "Je ne voulais pas du tout croire aux 'on dit' du quartier, jusqu'à ce que je découvre un jour…" Plus rien à faire, quel que soit le temps qu'il fait dehors, qu'il pleuve ou qu'il neige, c'est la séparation aujourd'hui, semble indiquer un Guy Manu apparemment exaspéré, déçu. Une déception joliment accompagnée par les grincements de guitare du "Japonais" de l'orchestre, qui rappelle ces sonorités soukous qui ont bercé les premiers pas de l'artiste dans le show-biz.
Evolution
De manière générale dans l'album "Connexion", Guy Manu et son équipe ont tenu à mettre un accent particulier sur les roulements de batterie. Occasion pour Dodi d'étaler sa maestria en la matière, appuyé pour la circonstance de quelques éléments du Quartier Latin de Kofi Olomidé. En fond sonore, les percussions de Charly en rajoute au charme de la musique. Laquelle, d'un bout à l'autre, sent la touche personnelle de Karim Louisard alias K-reem-L. En véritable homme-orchestre, on retrouve en effet ce dernier autant à la programmation, qu'à l'arrangement, en passant par les claviers, la bass et… le chant ! De quoi rivaliser avec les chœurs assurés par une Charlotte Dipanda manifestement au faîte de son art.
Souvent voluptueuse, quelquefois mélancolique, la voix de cette jeune fille révélée par le regretté Jeannot Hens est davantage mise en exergue dans "Pourquoi je l'aime", un titre concocté à la sauce caribéenne ; ou encore dans "La camerounaise", un makossa fusionné au soukous, entrecoupé de quelques interventions d'un rappeur de circonstance : K-reem-L, et où Guy Manu tente de donner quelques conseils aux jeunes filles qui semblent de plus en plus perdre le sens de l'amour. "Toute la nuit tu m'as tourné le dos, alors qu'il faut donner en amour autant qu'on vous donne", se plaint notamment l'artiste.
On retrouvera K-reem-L dans "victime", un rap dans lequel Guy Manu chante en featuring pour décrier la misère des hommes, "prisonniers de la haine". Un souci permanent pour la condition humaine, que l'artiste réitère dans "tolérance", makossa moins cadencé, plus mélancolique, traduisant au mieux les lamentations de Guy Manu. "Seigneur notre Dieu, explique à nos peuples l'avantage de l'amour.
Il y a trop de haine entre nous. Je suis Africain du Nord eu Sud, de l'Est à l'Ouest. De coeur et de sang. Je n'ai pas d'ethnie. Faites comme moi, Guy Manu… Que de guerres, que de souffrances, le monde entier pleure. Pourquoi Seigneur ?", lâche-t-il.
Mais, la cerise sur le gâteau de "Connexion", c'est certainement "Jardin secret" et "Souviens-toi", deux titres, authentiques hymne à la femme, où l'on a bien du mal à reconnaître l'auteur de "Sous-préfet" (premier album de Guy Manu sorti en 1998), apparemment plus mature. Dans le second titre notamment, le mélomane croirait écouter l'un des meilleurs makossa love de Petit-Pays ! Et puis, Guy Manu ne se contente pas que de se fondre dans ce style langoureux. La longueur de ses chansons aussi, cinq minutes en moyenne, rappelle aisément l'avocat défenseur des femmes. En attendant le succès populaire…
Mutations
mboasawa
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