Musique : L'éphémère bonheur des lauréats du concours de la chanson

Après leur sacre, ils sont confrontés aux dures réalités de la promotion de leur carrière d'artiste.
Marion Obam

Les présélections du Concours national de la chanson Mützig (Cncm) édition 2007 ont commencé le 26 mars 2007 à Douala. C'est à Pk 10 que le comité d'organisation pour le Littoral a planté le décor. Le car podium des Brasseries du Cameroun, aux couleurs de la marque Mutzig, accueille les prestations des candidats qui viennent de Kribi, Mbanga, Edéa, Nkongsamba et Douala. "Chacun a trois minutes pour prester. Ils sont jugés sur quatre critères que sont la voix, la mélodie, le message et la prestation scénique. Sur un total de 20 points, nous ne retenons que ceux qui ont la moyenne la plus élevée. Car nous avons besoin après la finale provinciale d'avoir deux candidats pour la finale nationale qui réunit les dix meilleurs", explique Jean Marie Fozet, président du comité d'organisation du Cncm 2007 pour le Littoral. Cette année encore, ils sont des milliers à s'inscrire dans les centres des Brasseries de leur ville mais aussi par Sms pour participer à cette compétition nationale qui a entre autres objectifs de découvrir, promouvoir de nouveaux talents et créer une star annuellement mais aussi de participer à l'essor de la musique au Cameroun. Interrogé, un candidat qui a participé aux présélections livre qu'il "rêve de devenir comme Longué Longué ou Belka Tobis qui sont passés par ce concours et qui sont des stars aujourd'hui".

C'est dire combien cette compétition annuelle est courue depuis 1990. Le Cncm est en fait la continuation du concours des meilleurs orchestres des établissements scolaires qu'organisait toutes les années Nkotti François dans le cadre des la Foire musicale artistique industrielle et commerciale (Fomaric). Le Cncm est devenu un rendez-vous incontournable que des milliers des jeunes Camerounais attendent impatiemment pour s'inscrire et espérer devenir un artiste confirmé, une star médiatisée. Mais combien y parviennent ? Dans quelles conditions ? Avec quels moyens ? Il est clair aujourd'hui que le Libérateur, celui qui a fait danser les Camerounais avec l'album "Ayo Africa", est un exemple de réussite, qui a su rester constant dans sa production avec "Privatisation" et "Trop d'impôts tuent l'impôt", après avoir été lauréat du Cncm en 2000. Njohreur, Benji Matéké, Rosy Bush, Belka Tobis, Manu Bocker… ont pu également tiré leur épingle du jeu. Mais combien de personnes connaissent Dina Michou lauréat 2005 du Cncm, Nicole Obélé lauréate en 2002 ou encore Anicet Kane, qui a eu le trophée de l'édition 2006 ?

Difficultés
C'est dire que la période après sacre est chargée de réalités auxquelles les différents lauréats ne s'étaient pas attendus, ou, mieux, n'avaient pas été préparés. Aggee-X Nama'b, 3ème lauréate du Cncm 2004 à la voix suave et jazzy témoigne : "je croyais que tout serait merveilleux. J'avais reçu mes lots normalement et il avait indiqué que la production de mon album serait prise en charge par Mutzig. J'ai dû batailler très dur, mettre du mien, pour que Bilaratchotcho soit sur le marché". Titulaire d'une licence en droit privé francophone obtenue à l'Université de Yaoundé II, l'artiste a su exploiter ses filons pour entrer au studio Makassi et enregistrer avec Sam Fan Thomas. Aggee-X Nama'b a pu mettre son opus de six titres sur le marché en 2005, au prix de beaucoup d'efforts financiers et abandon de ses activités professionnelles. "Il faut soi-même s'investir dans la recherche des financements, des espaces d'expression et des plates formes culturelles pour se vendre et continuer d'exister", confie l'artiste. D'autres, par contre, ont préféré tout laisser tomber.

"Je suis une personne exigeante. Je ne pouvais pas accepter de mettre un mauvais produit à la disposition du public, cela aurait faussé le début de ma carrière d'artiste. Quand j'ai écouté les mixages qui ont été faits sur mes chansons, j'ai failli pleurer tellement c'était nuls. J'ai demandé au responsable de la marque qui sponsorise le concours de tout arrêter. Pour moi le contrat n'avait pas été respecté. Ils n'avait pas suivi le lancement de ma carrière comme promis", livre Nicole Obélé, qui, aujourd'hui, s'est tournée vers le jazz avec la création du groupe Quartet. Elle a participé avec plusieurs artistes, dont le contrebassiste français de renom Gildas Scouarnec, accompagnateur de Steve Gross Man, Archie Shepp, David Murray, à plusieurs éditions du festival Jazz sans frontières.
Le sponsor a démontré l'envie d'encadrer ces jeunes artistes qu'il a personnellement contribué à découvrir. Il invite régulièrement les anciens lauréats à participer aux évènements qu'il organise, mais aussi à la tournée des fans Mutzig. Les candidats bénéficient du coaching d'un aîné pendant la caravane qui s'arrête dans les dix provinces du pays. Ils ont notamment bénéficié de l'expertise de Nguéa Laroute, Sergeo Polo et Aladji Touré. Tout comme les finalistes figurent dans le Best of (Cd et cassettes) que produit Mutzig à la fin du concours. Les trois lauréats ont un traitement particulier, car ils ont une enveloppe allant de 200.000 à 500.000 Fcfa, avec la production et la réalisation de l'album du vainqueur.

Projets inachevés
"J'ai bénéficié du Cncm, car j'ai été médiatisé en 2005, à travers des affiches 4X3M, j'ai été plusieurs fois à Tam-tam week-end sur la Crtv et deux de mes clips sont déjà disponibles. J'ai eu mon cachet qui m'a permis d'acheter des motos pour assurer le quotidien", reconnaît Dina Michou. Laquelle précise néanmoins, à l'attention des futurs lauréats, "qu'il ne faut pas attendre des millions du sponsor. Jusqu'aujourd'hui par exemple, mon album n'est pas toujours sorti. Pourtant je l'ai enregistré en août 2005 au studio Dobell avec Joly Priso. La pression familiale n'a pas baissé car certains pensent que je suis devenu riche avec ce concours".

Malgré tout, le Cncm remplit pleinement son rôle premier, qui est de découvrir de nouveaux talents. Le volet promotion reste encore insuffisant dans la mesure où, après leur sacre, les lauréats qui enregistrent parfois leurs albums, ne le voient jamais sur le marché. Pour Ebénézer Manga, organisateur de spectacles et manager d'artistes, les candidats devraient avoir une démarche responsable. "A partir du moment où on est finaliste, il faudrait s'entourer des compétences requises et avoir un manager. Il pourra mener les négociations avec le sponsor et construire une carrière avec un plan de promotion. Le mérite qu'on reconnaît à Mutzig c'est d'organiser ce concours, qui est national. Après c'est aux lauréats de travailler en s'organisant pour garder le statut d'artiste", conclut Ebénézer Manga.

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