Après Manu Dibango il y a deux ans et Anne Marie Nzié l’année dernière, vous organisez la célébration de vos 40 ans de carrière. Pourquoi ne pas attendre de le faire avec le soutien du gouvernement comme cela a été le cas pour les deux autres ?
Je crois que 40 ans de musique ce n’est pas rien. Ce n’est pas facile de faire autant d’années dans la chanson et c’est pour cette raison que je pense qu’il est temps de marquer une pause et jeter un regard rétrospectif sur mon travail. Je le fais non seulement pour la fête mais surtout pour permettre à la jeune génération de camerounais de mieux me connaître en tant qu’artiste. Pour cela, j’ai préparé des documents que je présenterai à tous ceux qui ont aimé ce que j’ai fait. Pour cela, j’ai sorti trois best off de mes anciens titres à succès. J’ai le stock de mon nouvel album et un ouvrage de 120 pages dont je travaille encore le titre mais il parle du quotidien de la musique camerounaise. J’ai eu la chance de côtoyer les aînés. Je suis quand même de la deuxième génération des artistes camerounais et j’ai coiffé la nouvelle génération. Ici, je parle de la musique en général parce que moi-même je n’ai pas que fait dans le bikutsi.
Quelles sont les articulations de cette célébration qui est prévue les 04 et 05 décembre à Yaoundé ?
Le 04, il est prévu une messe d’action de grâce à la Cathédrale Notre Dame des Victoires de Yaoundé. Cette messe est dédiée à tous les artistes camerounais et plus particulièrement à tous ceux que nous avons perdus. Cette date coïncide avec ma date de naissance qui est le 04 décembre. Le lendemain, la place sera faite aux festivités avec le méga concert au palais des sports.
Quels sont les artistes qui seront de la fête le 05 décembre au palais des sports de Yaoundé ?
Il y a mes collègues de ma génération que je ne peux tous citer. On retrouvera notamment Nkotti François, Sam Fan Thomas, Dina Bell, et plusieurs autres. Il y a également les jeunes de la nouvelle génération qui m’accompagneront. Le nombre d’artistes n’est pas encore fixé mais pour permettre à tout le monde de passer sur scène, on sera obligé de commencer à 17h car la salle ferme à minuit.
Vous semblez tout seul dans l’organisation de ces festivités…
Pas du tout. Déjà, il y a un comité d’organisation et je n’ai pas manqué de joindre les sponsors dont la réaction est attendue. L’affaire est déjà engagée et avec ou sans sponsor, je ne peux pas reculer. Les gens doivent comprendre que c’est quelque chose de spécial pour moi. Je tiens vraiment à le faire. Je n’attends pas que ce soit les autres qui le fassent pour moi. C’est avec émotion que j’organise cette célébration.
Pour reparler de ces quarante ans de carrière musicale, quels souvenirs en gardez-vous ?
Je me souviens encore du découragement qui m’a envahi lorsqu’à la sortie de mon premier 45T en 1976, il est passé totalement à côté de la plaque. J’étais vraiment mal. C’est après que mes aînés m’ont fait comprendre qu’il me fallait encore de l’expérience. A côté, je me souviens de la sortie de mon premier 33T avec «Enying bibon» (la vie de débauche) dans le studio 16 pistes de la radio nationale que j’ai inauguré. Cet album m’a révélé au public et les succès se sont enchaînés. Ce sont mes meilleurs souvenirs avec ma rencontre avec mon maître Tabouley Rochereau. Mon plus triste souvenir est la déviation de mon groupe «Ozima» par Jean Marie Ahanda qui était à l’époque journaliste à Cameroon Tribune qui l’a rebaptisé «les têtes brûlées» avec les gens comme Atebass dans le groupe en 1986. C’est un moment vraiment difficile de ma carrière d’autant que j’avais déjà fait près de huit ans avec eux et on se connaissait bien. J’ai voulu abandonner mais mes proches m’ont demandé de ne pas baisser les bras et je les ai écoutés. C’était d’autant plus déroutant qu’à la base, Ahanda était un ami mais le temps est passé et j’ai fini par laisser tomber.
Votre fils s’est également lancé dans la musique êtes-vous fier de son travail ?
Oui, je suis très fier de ce qu’il fait et comme tout jeune artiste, il a encore quelques notions à apprendre. Seulement, on dirait que des gens me découvrent à travers lui alors que j’en ai fait davantage pour d’autres que pour lui.
Et que pensez-vous de l’évolution actuelle de nos musiques ?
A priori, je n’ai rien à redire. Pour le makossa par exemple, certains diraient qu’il se meurt. Moi je dis non car, on ne peut pas le faire exactement comme cela se faisait en 1960. La preuve, la musique ivoirienne qui marche actuellement s’inspire grandement du makossa et ils ne s’en cachent pas. Pour ce qui est du bikutsi, je pense que les nouvelles sonorités sont améliorées par rapport à ce qu’on faisait il y a 20 ans. Personnellement, dans mes premiers disques, il n’y avait pas de bikutsi parce que j’en avais honte parce que je ne comprenais pas pourquoi il ne s’exportait pas il se dansait seulement dans les bars dancing. Plus tard, on m’a fait comprendre que je devais travailler cette musique. Quand je m’y suis mis, le bikutsi est progressivement sorti de Yaoundé pour aller dans d’autres régions du pays. Ce qui ne se faisait pas avant. J’étais le premier à l’époque à introduire les cuivres et clavier dans ce rythme. Cela a été bénéfique pour tous.
Propos recueillis par Dorine Ekwè
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