D’un bout à l’autre des 94 pages qui composent le texte, l’auteur analyse les deux hymnes avec des grilles de lecture différentes. Il montre qu’au Cameroun, il existe deux hymnes juxtaposés en anglais et en français qui n’ont en commun qu’un seul ver. En plus d’une introduction bâtie sur des « faits littéraires à interpréter », le livre comporte quatre arguments : « Dans le giron d’un nationalisme en tutelle », « A la manière d’Anatole France », « Une écriture étrangement idolâtrique », « La stérilité de l’intertexte idéologique et critique ». En guise de conclusion, l’auteur propose à lire « un patrimoine exclusif des lettrés francophones ». Pour mieux étayer sa pensée, Thomas Théophile Nug Bissohong publie en annexes, une série de plusieurs traductions des deux hymnes en des versions différentes. Tout en étant un tissu de nœuds paralysant qu’il faut défaire, le livre montre bien que les Camerounais vivent un malaise depuis 1957, date de la signature du décret faisant du chant des élèves de Fulassi, l’hymne national du Cameroun.
Devoir de conscience
La pertinence de la thématique et son caractère poignant suscitent une série de questions : un décret peut-il conférer le sacré à un texte ? Le Cameroun qui n’était pas indépendant à 1957 avait-il en urgence l’obligation de disposer de symboles de souveraineté ? Lorsqu’on a demandé à Bernard Fonlon de traduire l’hymne du Cameroun, pourquoi a-t-il écrit un autre texte ? Comment peut-on s’amuser ou laisser prospérer l’illusion d’un chant patriotique national, alors qu’il n’en est rien? A travers sa démarche, l’auteur démontre là que nous sommes dans une cacophonie d’incantation qui interpelle la conscience collective. Il suscite une remise en cause des fondements de la nation camerounaise, de même qu’il explore le risque le plus grave qui est celui de la banalisation du socle de notre patriotisme. En le lisant entre les lignes, on comprend que nous avons été des victimes « consentantes » qui doivent prendre conscience qu’en matière d’hymne, le Cameroun n’en a pas. L’auteur propose une relecture systémique de l’histoire du Cameroun. Celle-ci doit prendre, intégrer les réalités camerounaises et essayer de les conceptualiser. Au-delà de cette relecture critique, la recherche des perspectives suggère une réflexion sur la grammaire de l’hymne national du Cameroun comportant des éléments d’identification communs et invariants. Nous vivons dans le faux et le mensonge.
Thomas Théophile Nug Bissohong, « L’hymne national du Cameroun, Un poème-chant à décolonialiser et à réécrire », Editions Clé, 2009, 94 pages. Prix : 2500Fcfa