
Contrairement à ce que d'aucuns pourraient penser, cette distinction, une de plus dans ma carrière musicale, après plus de trente-cinq ans, me donne raison de continuer à faire de la musique. C'est dire que sur ce plan, je peux encore apporter dans le développement de mon pays. Par le passé, j'ai eu à remporter trois fois successives des concours à l'échelle provinciale sur le Sida. Jamais, je n'avais entendu parler du Grand prix du président de la République et pourtant il existe depuis des années et se tient tous les deux ans. Seulement, soyons plus sérieux dans son organisation. De telles initiatives sont à perpétrer à l'avenir car elles créent entre les artistes une saine émulation.
Le thème choisi portait sur l'Unité nationale. Pouvez-vous nous dire un mot sur votre composition?
Déjà c'est au hasard que j'ai été informé le 8 mai dernier, soit deux jours avant le délai de clôture de recevabilité des dossiers. Informé du concours et en bon professionnel, je me mets à l'œuvre compte tenu des délais accordés. C'est dans cette ambiance de dernière minute que j'écris et compose rapidement la chanson. Celle-ci avait pour titre "Diversité et unité", car l'unité ne s'appréciant mieux que dans la diversité. Pour les paroles de la chanson, je me suis inspiré de quelques voyages à travers le pays, du vécu quotidien. C'est pourquoi dans la chanson, je reviens abondamment sur les particularités des principales régions du pays tant sur le plan culturel que culinaire en passant par bien d'autres. Ceci pour exprimer l'unité des Camerounais même si, dans certains coins, on noterait des dysfonctionnements de cette unité.
La jeune génération vous connaît comme arrangeur et pourtant sur le marché du disque, vous comptez de nombreux albums. Qui est réellement Manuel Guysso?
Je fais de la musique depuis trente-sept ans. A mes débuts, j'ai eu l'opportunité de côtoyer et de travailler avec quelqu'un comme Nellé Eyoum, un monument. A ses cotés, j'ai beaucoup appris. Ce qui m'a d'ailleurs guidé tout au long de ma carrière. C'est ainsi qu'en 1971 j'obtiens ma carte professionnelle d'auteur compositeur délivrée à cette époque à Douala par la Sacem. Et, la même année, je sors mon premier 45 tours avec, sur une face, "Sunga mba ", et de l'autre, " Mbusa to boso ". Un an après, je refaisais surface sur le marché du disque avec un deuxième 45 tours. Dans ma carrière j'en ai environ sept et deux 33 tours… Après une tentative de carrière à l'étranger, j'ai pensé, pour des raisons personnelles, revenir au pays pour la suite. Je ne me plains nullement pas d'être le gardien de la maison. Tout au long de ma carrière, j'ai composé beaucoup de chansons à succès pour d'autres artistes. Actuellement, je fais des enregistrements, des arrangements, et propose de temps à autre des compositions.
Actuellement, avec les moyens électroniques, les studios d'enregistrements pullulent dans nos villes pour des rendements en deçà de la moyenne…
La prolifération de ces studios ne me laissera pas un goût totalement amer. C'est chose normale pour une population qui se multiplie au quotidien. Avec l'informatique, c'est plus facile aujourd'hui d'avoir un studio avec peu de moyens et de réaliser de grandes choses. Seulement, ce n'est malheureusement pas le cas. Ces studios sont utilisés par des responsables qui veulent à tout prix se faire de l'argent. Je conseillerais donc aux uns et aux autres de beaucoup travailler dans le but de valoriser notre musique afin de la rendre plus compétitive.
Quel regard portez-vous aujourd'hui sur la musique camerounaise?
La musique camerounaise est à l'image du Cameroun tout entier. Actuellement c'est tout le monde qui s'y met ce d'autant plus que beaucoup pensent que la musique est un métier où l'on n'a nécessairement pas besoin de référence pour évoluer. Y a rien de plus poreux. De nos jours, les artistes ne travaillent plus à fond leurs œuvres. C'est autant de choses qui tirent notre musique vers le bas. La musique camerounaise bute sur le manque d'imagination et l'impréparation des artistes. Ajoutons à tout cela, l'épineux problème de la piraterie entretenue par des hommes d'affaires de connivence avec les hommes de lois. Tout leur semble permis. Voilà autant de raisons pour lesquelles notre musique piétine depuis quelques années.