Ekanè Anicet, président du Manidem
“ Nous avons tous un devoir de mémoire ”Comme tous les ans, Ekanè Anicet, le président du Manidem prend part aux Ecrans noirs. Pour cette 10ème édition l’homme politique patriote qui a animé une discussion sur le film de “ Félix Moumié ” du Suisse Franck Garbely. Il s’est confié au Messager.
Quel est l’enjeu d’un film sur le regretté Félix Roland Moumié ?
Je dois vous le dire clairement. L’enjeu de ce film qui est un documentaire est celui de la mémoire. Voyez-vous, la preuve que ce documentaire était important est que tout le monde était ahuri à la fin de la projection, d’apprendre que le corps de Félix Moumié n’existe plus. Il faudrait savoir que 70 % de la population a moins de 30 ans. C’est-à-dire que 70 % des Kamerunais sont nés après 1973. Ainsi lors de l’assassinat de Moumié, 70 % des Kamerunais n’existaient pas. Pour connaître la vie de cet homme il fallait avoir à peu près 15 ans en 1960. Combien sont-ils donc ? Très peu. Il fallait donc ce témoignage de l’histoire que nous apporte ce merveilleux film de Franck Garbely. Cela est vrai pour Moumié mais aussi pour Um Nyobè, Abel Kingué, et Ernest Ouandié qui lui a été assassiné en 1971. Ce film, s’il est bien diffusé, rendra service à tous les patriotes de ce pays.
Le problème est que, on a l’impression que c’est un documentaire qui a été fait à la va-vite. C’est dire qu’il manque des détails importants sur la vie de Félix Moumié notamment au Cameroun. Comment réagissez-vous ?
Oui c’est vrai. Mais ce qu’il faut comprendre est que le réalisateur lui-même s’en explique. A l’occasion d’une rencontre avec lui à Paris, Franck Garbely qui est de nationalité suisse m’a affirmé qu’il s’est intéressé au sujet lorsqu’il a découvert le procès sur l’assassinat de Félix Moumié. C’est là qu’il a décidé de faire ce documentaire. Ce n’est pas une œuvre historique. C’est un témoignage rassemblé pendant quelques mois. Mais c’est déjà cela. Pourquoi les Kamerunais n’ont-ils jusque-là rien fait ? C’est la question que nous devons nous poser. Nous avons affaire à un public jeune. Comme il a été rappelé, c’est vraiment un moment historique que de parler de Félix Moumié dans l’enceinte de l’ancien palais présidentiel où a habité Ahmadou Ahidjo dont la mémoire est redoutable. On sait aujourd’hui, selon la volonté de Paul Biya, Félix Moumié et Ahmadou Ahidjo ont été réhabilités au titre de héros nationaux. La victime et le bourreau. La multiplication de la diffusion de ce film rendra service à notre jeunesse.
On sait que Pierre Mesmer et Delaunay, les deux acteurs du crime contre les nationalistes sont encore vivants. Peut-on penser à un procès contre eux et par là contre la France, l’ex-puissance coloniale ?
C’est possible. Du fait que l’implication de la “ mer rouge ” qui était une branche des services secrets français est établie, ont peut effectivement envisager des actions. On sait que Williams Bechtel, qui était Suisse a bénéficié d’un non lieu et a été relâché. La Suisse est très peu impliquée au Cameroun. La France davantage. Mais, le seul hommage que nous pouvons rendre à Félix Moumié et aux autres patriotes morts pour la patrie, c’est de poursuivre son œuvre. Personnellement, je suis un exemple vivant de l’héritage de Moumié. Nous sommes ainsi nombreux, des cadres qui continuons à nous battre pour respecter sa mémoire. C’est notre manière à nous d’être reconnaissants à la mémoire de Moumié. Tout nous laisse croire que nous allons redresser ce pays qui marche sur la tête afin qu’il marche sur ses jambes.