La cuisine camerounaise cherche ses marques

Gastronomie : La cuisine camerounaise cherche ses marques
Malgré leur diversité, les mets camerounais peinent à se faire connaître au plan international.
Bertille M. Bikoun

Combien de mets compte le Cameroun ? Difficile à dire, mais il convient de noter que la gastronomie camerounaise est aussi variée que les aires culturelles présentes dans le triangle national. Ainsi, si l'on recense plus de 200 groupes ethniques au Cameroun, on pourrait en dire autant sinon plus, des mets. Ceux-ci ont la particularité de réunir de grands ensembles qui se reconnaissent à l'évocation de l'une de ces spécificités culinaires. Chaque région a, en effet, un plat qui lui est propre. Alors que la notoriété du Ndolè, un plat essentiellement consommé par le peuple duala a traversé les frontières de cette aire culturelle et nationale, le Koki se partage aussi bien à l'Ouest, au Centre (Mbam et Inoubou) qu'au Littoral. Le Nnam Ngon (mets de pistache) se mange aussi bien au Centre, au Sud qu'à l'Est, alors qu'au Littoral, on connaît le même plat sous le nom de Ngondo Mukon.

Face à cette diversité culinaire, Bénijour Tchuingwa, président de l'Association pour le développement et la promotion de la cuisine camerounaise (Adpc) pense qu'il faudrait, au préalable, "effectuer un recensement des recettes locales afin d'évaluer le patrimoine culinaire camerounais, ensuite identifier lesdites recettes, puis les codifier". Ce d'autant plus que Jean-Marie Leroy, restaurateur basé à Douala, pense que le Cameroun est en train de perdre son identité culinaire.
En effet, malgré cette diversité de mets que l'on rencontre, les restaurateurs camerounais sont d'avis que la cuisine locale ne se vend pas autant que ses homologues ivoiriennes ou encore sénégalaises. Pourtant, poursuit Bernard Akoa du restaurant "Aux Fines herbes" situé à la nouvelle route Bastos à Yaoundé, "La cuisine camerounaise peut mieux se vendre". D'après ce dernier, "Le Cameroun est naturellement riche. Nous avons des produits très variés. Il ne dépend que des techniciens chimistes que nous sommes pour faire des recherches et avoir une cuisine de bien meilleure qualité".

Traçabilité
Bénijour Tchuingwa de l'Adpc poursuit que la recherche scientifique permettrait en effet de mieux connaître la cuisine camerounaise et les apports calorifiques des mets. Ce qui, pour le moment, n'est pas encore codifié. Il propose de favoriser l'expression des éléments qui facilitent la traçabilité de cette cuisine. Ce n'est que lorsque ces éléments seront répertoriés que la gastronomie et la cuisine d'ici pourront être valorisées.
"Ainsi, selon Bénijour Tchuingwa, à la place de Poulet Basquaise, on devrait avoir sur une carte d'un restaurant de Douala ou Yaoundé, Poulet de la Lékié. Au lieu de Bœuf Strongonhoff, avoir Bœuf aux épices du village", par exemple. Un point de vue que ne partage pas Bernard Akoa. "Quand on parle de mondialisation, la cuisine n'est pas exclue. La nouvelle cuisine internationale veut qu'on prenne la méthodologie culinaire des Blancs et nos produits et en ressortir quelque chose d'unique, de singulier. Une chose est de produire. L'autre est de commercialiser. Quand je dis Ndomba Kabat, on sait bien que c'est le Ndomba de chèvre. Mais quelqu'un de curieux va vous poser la question : -il s'agit de quoi ?- Cela va permettre au maître d'hôtel de s'expliquer. C'est aussi là une autre façon de vendre".

La promotion est également un autre écueil de la gastronomie camerounaise. Et ceci, parce qu'il manque des informations sur notre cuisine. Les recettes de nos plats ne sont pas toujours connues. Parfois même, elles n'existent pas. Voilà pourquoi, disent les restaurateurs, nous n'avons pas une identité culinaire. "Le 20 mai devait être, par exemple, le jour par excellence où la présidence de République offre une variété de mets camerounais comme le font les Français le 14 juillet. Mais ce n'est pas le cas", suggère Bénijour Tchuingwa. Ce qui fait dire alors à Bernard Akoa que "il n'existe pas du tout une promotion de la cuisine camerounaise. Et bien même quand c'est le cas, elle se fait à tatillon".
Malgré ce clair obscur, des initiatives sont néanmoins mises sur pied. Certains défenseurs de l'identité culinaire camerounaise se sont réunis en Association pour le développement et la promotion de la cuisine camerounaise (Acdp). Il s'agit d'un groupe de professionnels de la gastronomie, des arts de tables, des industries agroalimentaires et des esthètes, tous animés de la même passion pour "le métier et fervents défenseurs de ce qui est l'un des piliers de leur culture. Car il ne fait aucun doute que la cuisine est un rayon phare du tourisme. "Il n'y a pas de tourisme sans gastronomie", défend alors M. Tchuingwa.

Initiatives
2007 va marquer un tournant décisif pour l'Adpc. L'association entend organiser plusieurs actions de promotion de la cuisine camerounaise. Deux des temps forts de ce calendrier seront "La grande popote", en février et les "Marmites d'or 2007". Ce dernier événement que l'Association annonce grandiose est, en réalité, la vitrine du programme d'action de l'association et vise à "créer l'émulation de la compétition et décerner les trophées de la cuisine et de la restauration aux professionnels", déclare Bénijour Tchuingwa.
Concrètement, les "Marmites d'or" commenceront par un échantillonnage d'établissements dans les secteurs de la restauration et de l'hôtellerie, établissements observant les normes en la matière. Ensuite, une qualification des établissements sera effectuée pour la sélection finale et ce, sur la base d'une enquête menée auprès d'un échantillon de consommateurs choisis.

45 maisons seront nominées et seront passées au crible par quelques membres du jury de la compétition. Neuf trophées seront remis au cours d'une soirée de gala d'ores et déjà prévue le 7 avril 2007.
Des initiatives similaires ont également vu le jour il y a quelques années. Celles-ci sont l'œuvre de la tenancière du restaurant l'Agora, Marie-Thérèse Atedzoe, plus connue sous le nom de Maïté. Depuis plusieurs années, celle-ci œuvre pour la promotion de l'art culinaire camerounais. C'est ainsi qu'elle a créé le concept "La nuit des restaurateurs". Comme son nom l'indique, cet événement regroupe, le temps d'une soirée, les professionnels des métiers de la bouche. L'objectif de cette manifestation est de valoriser et faire la promotion de la gastronomie camerounaise auprès des décideurs, du corps diplomatique...

mboasawa

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