Renc’Art :
La vitalité de la pensée philosophique au Cameroun est avérée.
Par Marcellin Vounda Etoa*
Le colloque international qui se tient du 13 au 16 novembre 2007 au palais des congrès sur le thème : la philosophie et les interprétations de la mondialisation en Afrique, à l'initiative du cercaphi que préside le professeur Njoh Mouelle, les publications anciennes, récentes et annoncées de penseurs camerounais viennent rappeler à l'opinion l'extraordinaire foisonnement de ce domaine de connaissance dans notre pays. Aucun autre champ du savoir ne peut se prévaloir d'autant de ressources humaines, actives et productives d'œuvres de qualité.
A la liste des penseurs dont la renommée est déjà établie, dressée par le Pr. Fame Ndongo dans son discours d'ouverture du colloque international de Yaoundé, le 13 novembre dernier, il faudrait au moins ajouter le jésuite Meinrad Hebga et Basile Juléat Fouda. Pour le premier cité, on peut expliquer la difficulté qu'il a à être philosophe chez lui par la complexité du champ qu'il explore : les phénomènes para normaux et par les inévitables querelles d'écoles qui sont heureusement un ferment de la pensée. Il est donc heureux de constater à son sujet que le débat se déplace progressivement des questions d'opinion aux questions de fond, sous tendues par des publications comme celle que le Pr. Eboussi Boulaga a cordonnée et éditée sous le titre : La dialectique de la foi et de la raison, hommage à Pierre Meinrad Hebga (Yaoundé, Terroirs, 2007). Le Dr Jacques Chatué de l'université de Dschang vient quant à lui de réhabiliter Basile Juléat Fouda qu'on tendait à oublier depuis son long exil sanitaire et familial en France, à travers un bel ouvrage intitulé : Basile Juléat Fouda, idiosyncrasie d'un philosophe africain (Paris, l'Harmattan, 2007).
Les épigones de ces pères fondateurs dont notre pays devrait être fier sont malheureusement moins nombreux et peu visibles. Mono Ndjana, Nkolo Foe, Ndebi Biya, Charles Dimi, Godefroy Tangwa, sans être exhaustif, sont de ce petit nombre. On pourrait expliquer leur déficit de visibilité par la faible diffusion de leurs ouvrages, parfois publiés à compte d'auteur ou par des éditeurs ne disposant pas d'une réelle capacité de diffusion. Car une chose est de s'autoéditer, de se faire éditer, une autre est de faire circuler sa pensée et ses productions. Heureusement, pour la tradition qui fait de Yaoundé une place forte de la pensée africaine et de la philosophie, les épigones des grands maîtres sont eux-mêmes talonnés de près par une génération qui leur brûle parfois la politesse par la qualité de ses publications, le courage de ses prises de position et la pertinence de ses vues. On compte ainsi une bonne quinzaine de philosophes et de penseurs qui montent progressivement en puissance, où qui sont au sommet de leur art : Achille Mbembe, Bidima Godefroy, Malolo Dissake, Lucien Ayissi, Jacques Chatué, Ludovic Lado, Nsame Mbongo, Charles Ossah, Emile Kenmogne, Emboussi Nyano sont quelques uns d'entre eux.
L'un des mérites de plusieurs des philosophes camerounais, c'est d'avoir pu rayonner à l'échelle globale par des publications faites à partir de leur terroir. Yaoundé d'où est partie la grande remise en cause de la pensée de Senghor, où se sont mises en place les lignes de résistance à l'irrationnel dans la gestion politique de nos pays, où s'est cristallisée la réflexion sur les conférences nationales en Afrique et où se sont posés les jalons du développement… apparaît ainsi comme l'une des principales places fortes de la philosophie en Afrique. L'autre mérite qu'on devrait reconnaître à plusieurs de nos " oracles des temps modernes ", selon l'expression du Pr. Fame Ndongo, c'est l'emprise avec la réalité quotidienne et les problèmes auxquels notre société fait face. Toutefois, par certains côtés, ce discours reste moralisateur, lorsque nos philosophes, adossés à l'illusion de la toute puissance des lumières, croient en la bonté naturelle de l'homme et mettent sur le compte de l'ignorance tous les errements de notre nature dont les causes sont pourtant plus profondes.
* Directeur des éditions CLE
mboasawa
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