
I. E.
En l'espace de 12 jours (19 et 31 octobre 2007), M. Barroso a écrit à M. Biya, président du Cameroun, et à M. Bongo, président du Gabon. Le propos de M. Barroso ne s'encombre pas de périphrases. Il expose clairement aux dirigeants de la sous-région les dangers auxquels leurs pays seront exposés au cas où ils ne signeraient pas les Accords de partenariat économique (APE) ce mois de décembre : " A défaut d'un compromis qui interviendrait dans les prochaines semaines, les droits de douanes du système de préférences généralisées (SPG) s'appliqueront automatiquement à partir du 1er janvier 2008. Je puis vous assurer que c'est une situation que je regretterais profondément. Il en résulterait un impact négatif direct sur le Cameroun, le Congo Brazzaville et le Gabon, qui ne pourront pas bénéficier des avantages du régime "Tout sauf les armes" destiné aux seuls pays moins avancés. "
M. Barroso interpelle directement les dirigeants de la Cemac : " Vous constaterez comme moi qu'une tension grandissante s'est emparée de ce dossier important et qu'il convient certainement d'y apporter l'arbitrage des chefs d'Etat.
" Le dirigeant européen balaie du revers de la main la demande de prorogation exigée par les ministres d'Afrique centrale (V. déclaration des ministres) : " Je puis déjà vous dire que nous ne pouvons pas répondre positivement à votre demande concernant une prorogation de la dérogation OMC en cours (…) Tant d'un point de vue politique que juridique, une demande de prorogation est exclue. "
Mais le président de la Commission européenne adoucit son propos jusque-là rude, en suggérant qu'en cas d'impossibilité de signature d'un accord global, il faudrait privilégier un "accord d'étape".
En réponse, le président Paul Biya, mesuré comme de coutume, s'est montré favorable à cette dernière proposition : " Je pourrais donner mon approbation à un accord d'étape (…) couvrant notamment l'aspect commerce des marchandises et les questions de développement qui y sont liées, en incorporant l'engagement de traiter les autres sujets au courant de l'année prochaine. " Le chef de l'Etat a enfin rassuré M. Barroso de ses bonnes dispositions sur les APE : " Je reste toujours favorable au principe de la signature d'un Accord de partenariat économique. " Précisément ce que M. Barroso attend avec impatience.
Ces échanges épistolaires montrent la détermination de la partie européenne à pousser l'Afrique centrale dans les cordes afin qu'elle finisse par baisser la garde. Au regard des derniers développements, il semble en effet que les négociateurs de la sous-région ont mis de l'eau dans leur vin. Des émissaires européens sont actuellement à Yaoundé où ils marquent les nôtres à la culotte. Loin des regards. C'est probablement le dernier round au cours duquel ils espèrent mettre l'Afrique centrale KO. D'autant que des rumeurs savamment entretenues prêtent au Gabon l'intention de vouloir " jouer perso " en négociant individuellement avec les Européens…
Pendant que l'Afrique centrale tergiverse, les autres ensembles sous-régionaux ont une position claire et rangée. L'Afrique de l'Est a signé les APE. L'Afrique de l'ouest, par la voix de M. Ablassé Ouedraogo, un des cadres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cedeao), vient d'annoncer que les APE ne pourraient pas être signés d'ici 12 à 18 mois par l'entité ouest-africaine. La Cedeao pose trois conditions : Prévoir le s mesures d'accompagnement et leur financement ; préparer le calendrier de l'accès aux marchés ; élaborer le texte de l'accord proprement dit. On n'est sorti de l'auberge.