Témoignage :
Siméon Kuissu raconte le congrès du parti nationaliste au sortir de la clandestinité en 1991.
Jean Baptiste Ketchateng
Pourquoi le secrétaire général de l'Upc le plus "court"-il n'a dirigé le parti que de décembre 1991 à avril 1992- de l'histoire a-t-il écrit cet essai qui est plus une histoire analysée des 17 dernières années de la vie du mouvement nationaliste camerounais? La réponse se trouve peut-être à la dernière page de couverture de l'ouvrage récemment publié à Paris par Menaibuc. "L'Upc, rappelle Simeon Kuissu, a été pensée par ses fondateurs comme un instrument au service d'une fin, la souveraineté du Kamerun et l'amélioration continue des conditions de vie et d'existence de ses populations". Mais à Bamougoum, village au cœur de l'Ouest, lors du congrès qui s'y tint du 19 au 22 décembre, les héritiers de l'acte du 10 avril 1948 l'ont oublié.
"Quel projet cet organe dirigeant est-il sensé mettre en œuvre", s'interroge l'auteur en parlant de la direction du parti qui est élue à ce rassemblement public des upécistes, contraints depuis 36 ans à la clandestinité. Celui qui écrit ces lignes dubitatives est pourtant le "dirigeant le mieux élu" de ce congrès. Pourtant, pense-t-il, "la lecture des minutes et des travaux donne le sentiment que le congrès de Bamougoum avait pour objet la prise de contrôle de l'Upc "Manidem" par des acteurs organisés impliqués dans sa préparation politique". Réunie à Bamougoum, l'Upc fidèle à la ligne de Um Nyobe, Ernest Ouandie, Félix Moumié n'avait donc pas pour seuls adversaires les "camarades" ralliés au régime de Yaoundé et les dirigeants de celui-ci. "Le congrès fut fêté comme un succès par les théoriciens de la rupture avec les anciens, (dont Ekane Anicet était le chef de file), parce que "nous sommes restés entre nous" comme ils voulaient”.
Batailles
“La plupart des anciens ne sont pas venus…", souligne par exemple l'auteur. En effet, certains acteurs politiques qui se réclament de l'Upc se réuniront quelques jours plus loin à Nkongsamba, avec la bénédiction de Yaoundé. Pour Kuissu, là est tout le problème. Et, il n'est pas étonnant que la question de "l'unité de l'Upc soit" demeurée entière au lendemain des deux congrès. D'après lui, il aurait fallu rapprocher les deux blocs, comme il essaya de le faire. La terrible bataille au sein du parti nationaliste, connue sous le nom de la "démarcation" avait commencé. Mais elle ne sera pas guidée, dans le camp des upécistes qui se voulaient continuateurs de l'ouvrage entamé par Ruben Um Nyobe et ses compagnons, par la volonté d'avancer ensemble vers le but originel. N'est-ce pas la raison pour laquelle, répondant à la démission de Siméon Kuissu, la direction de l'Upc qu'elle "luttait pour le contrôle du parti" et non pour l'avancement des idées upécistes, s'interroge par exemple l'auteur.
Qui écrit là, sa part de vérité dans l'histoire tumultueuse de la plus vieille organisation politique camerounaise. Pour autant, reconnaît-il, cette explication des quatre journées de Bamougoum et du contexte qui les ont précédées et suivies ne l'absout pas. Aurait-il pu en être différemment quand ces heures terribles qu'il conte mettent en exergue des hommes et des femmes qui ont fait trembler le régime de Yaoundé, aux prises avec de basses considérations tribales? Le tribalisme, une sorte de paravent que les upécistes ont porté durant ce congrès et qui les a empêchés de voir les fameuses "tâches urgentes" qu'à travers les décennies d'histoire du Cameroun ils ont pourtant su bien définir. Comble des paradoxes pour le parti qui voulait justement aller au-delà des tribus pour comprendre l'essentiel : l'instrument qui libèrera le Cameroun ne peut-être un sigle mythique, ni un conglomérat de dirigeants assoiffés de reconnaissance.
mboasawa
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