Christophe Bobiokono

Ce rodéo judiciaire commence le 14 juillet 2005 par une plainte que Yves Michel Fotso dépose en justice contre Francis Nana. L’ancien Administrateur directeur général de la Camair reproche à l’expert financier d’avoir adressé à Charles Kooh II, le Commissaire aux comptes de la compagnie aérienne, le 12 janvier 2005, une correspondance dans laquelle étaient recensées des indélicatesses de gestion attribuées à M. Fotso. Il était notamment reproché à l’ancien Adg de la Camair d’avoir spolié la compagnie aérienne d’importantes ressources financières à travers la négociation des contrats de location d’aéronefs entachés de vices. La dénonciation de Francis Nana sera à la base de la procédure d’alerte déclenchée par Charles Kooh II, qui saisira le conseil d’administration de la Camair et le Procureur de la République pour dire, en sa qualité d’expert comptable, que la gestion de M. Fotso était de nature à conduire la Camair vers la banqueroute.
Chose curieuse, Yves Michel Fotso ne versera pas les frais judiciaires (consignation) demandés par le tribunal. Le 10 novembre 2005, Francis Nana bénéficiera donc d’un " non-lieu " avant même l’ouverture des débats. Le 29 septembre 2005 pourtant, Yves Michel Fotso avait déjà saisi le même tribunal par voie de citation directe pour la même affaire. Ni l’expert comptable, ni son avocat, ne sont informés de l’ouverture de ce nouveau front. Un peu plus de trois mois plus tard, en son absence et donc en dehors de tout débat contradictoire, Francis Nana est condamné à trois mois de prison avec sursis pendant trois ans et à trois milliards Fcfa de dommages et intérêts. La décision est rendue par le juge Tchatchouang.
Francis Nana, de nationalité française comme son nom ne l’indique pas, va s’émouvoir de cette décision et saisir par écrit autant le ministère camerounais de la Justice, l’ambassade de France à Yaoundé, l’Ordre national des experts-comptables du Cameroun ainsi que de nombreuses institutions pour crier au déni de justice. Sa société, Sygma Finance, rappelle-t-il, a été commise en mars 2004 par Thomas Dakayi Kamga, le successeur de Yves Michel Fotso à la Camair, pour aider la compagnie aérienne à renégocier ou à résilier les contrats de location de deux aéronefs (un Boeing 767 et le fameux Big-boss, le Boeing 747) signés à l’époque de M. Fotso.
Société écran
C’est dans le cadre de ce travail qu’il découvrira non seulement que les avions loués à la Camair avaient été acquis avec de l’argent sorti des caisses de la Snh, mais aussi que Gia International, le propriétaire supposé desdits aéronefs était une société écran. La Commercial Bank of Cameroon, dont Yves Michel Fotso est Pca, est accusée d’être la banque dans laquelle s’opèrent toutes les transactions douteuses entre Camair et Gia.
Fort de tous ces éléments, Francis Nana saisit la Cour d’appel pour attaquer la décision du juge Tchatchouang. Un collège de trois magistrats est constitué pour connaître de l’affaire. On croit alors que les débats contradictoires seront ouverts pour permettre à l’opinion de se faire une idée sur le fondement des accusations portées contre Yves Michel Fotso. Ce sera peine perdue. Après une stérile bataille de procédures au sujet de la comparution de M. Nana, un échange d’écritures sera organisé entre les parties en procès.
Le 1er novembre 2007, l’avocat général représentant le parquet demandera à la cour de confirmer la décision du juge Tchatchouang avec, tout de même, une réduction des dommages et intérêts. Le 8 novembre 2007, jour prévu pour la décision finale, on enregistre un nouveau coup de théâtre. Le même avocat général produira des réquisitions écrites demandant que M. Nana soit déclaré non coupable devant un collège de juges entièrement remanié. Les précédents juges ont-ils été soupçonnés de partialité ? En tout cas, si la cour d’appel décide d’aller dans le sens des réquisitions du parquet, le 2 janvier prochain, jour où le verdict est attendu, ce sera un coup dur pour la réputation du fils Fotso. Devenu un personnage controversé depuis son passage à la Camair, le Pca de la Commercial Bank of Cameroon s’est toujours servi de la décision du juge Tchatchouang pour redorer son blason et sauver certaines de ses affaires. Le temps semble peut-être arrivé de faire la lumière sur les fameux contrats d’aéronefs à problèmes.