La compagnie aérienne, qui n’a pas volé depuis de nombreux jours, est au bord de la cessation d’activités.
Albert Biombi
Le vol Camair Douala-Yaoundé-Paris, traditionnellement programmé le dimanche depuis de nombreuses années a pas pu être effectué hier. Exceptionnellement, dit-on à la Camair, davantage pour régler des cas sociaux de personnes bloquées au Cameroun depuis de nombreux jours et dont certains étaient simplement en transit. Mais la tension est restée perceptible au sein du personnel qui ne sait plus si Camair pourra encore voler de façon continue.
C’est depuis deux semaines en effet que Camair connaît de grosses perturbations sur ses vols internationaux, en particulier sur sa ligne principale et rentable qu’est Douala-Yaoundé-Paris et retour. Les quatre vols par semaine ont été annulés en cascade, les passagers étant à chaque fois prévenus au dernier moment et la compagnie, qui voyait venir, évitant aussi de prendre de nouveaux engagements en vendant des places dans des vols qu’il était difficile de programmer avec certitude.
A l’origine, la relation de plus en plus tendue avec les fournisseurs à qui la compagnie aérienne n’arrivait plus à assurer, au rythme convenu, le paiement des arriérés de prestations. Principal client, le fournisseur de carburant, Total Cameroun à qui Camair devait, il y a deux semaines, près d’un milliard de francs Cfa au titre d’arriérés de consommation du carburant. La compagnie de distribution de fuel, qui est peu rassurée par les tribulations de la Camair et redoute à tout moment une cessation d’activités, en plus du remboursement de ces sommes dues, exigeait pour les prestations à venir le paiement cash.
Après deux vols annulés, le ministre des Finances a consenti à payer une partie des arriérés, 500 millions de francs Cfa, le temps de voir venir. Mais Camair vole vite et, selon des sources internes à la Camair, un vol vers Paris coûte à chaque fois près de 25 millions Cfa et en deux semaines de consommation de carburant, avec quatre vols par semaine, cela fait déjà autour de 200 millions d’arriérés qui viennent s’ajouter. Sans compter les autres lignes, et notamment la côtière qui fait la majorité des capitales d’Afrique de l’ouest.
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BricolageLa situation est encore plus noire à partir de Paris où le fournisseur de carburant hors du Cameroun, Shell, exige aussi désormais le paiement cash des prestations et n’engage donc plus de crédit, alors même que pour diverses autres situations contentieuses que traîne la compagnie aérienne, les recettes de la Camair sont directement saisies et ne peuvent donc pas profiter à la résolution de ses problèmes.
Que faut-il donc faire de cette compagnie qui coûte toujours autour de 3 milliards de francs Cfa par mois au budget de l’Etat, et dont les tribulations et le bricolage posent de plus en plus des problèmes de crédibilité et même de sécurité des passagers ? Les avis sont partagés au sein du gouvernement qui a multiplié, au cours de la semaine dernière, des réunions de crise sans jamais prendre de décision définitive.
Le ministre des Finances, sachant le regard des institutions financières internationales sur les dépenses réelles du budget de l’Etat, supporte de moins en moins l’incidence financière du fonctionnement de cette entreprise, et souhaite ardemment arrêter la saignée tandis que le représentant de la présidence de la République, plus soucieux des effets politiques qu’économiques, souhaite continuer à accompagner la Camair jusqu’au lancement de Camair Co. Pour ne pas écorner davantage l’image du pays à l’international.
Le problème, selon un responsable du ministère des Finances proche du dossier et qui regrette toutes les sommes versées chaque fois par l’Etat pour la Camair, " c’est que techniquement Camair Co ne peut pas être opérationnel avant six mois, si les démarches étaient engagées aujourd’hui et que, de toutes façons, les problèmes ne seront guère différents puis que la nouvelle compagnie devra tourner à perte au moins deux ans avant d’espérer engranger les premiers bénéfices."