Le 4 décembre dernier, le site d’information Mediapart révélait l’existence d’un compte en suisse, appartenant au ministre du Budget français, Jérôme Cahuzac. Le ministre démentait illico, menaçant de poursuivre tout qui répandrait cette « calomnie » qui portait atteinte à son « honneur ». Aujourd’hui, on ne peut que blâmer cet homme politique qui se réfugie, comme un enfant, derrière une lamentable « spirale du mensonge ». Mais on a surtout très envie de louer ce bastion du journalisme, Mediapart, qui, comme le dit son cofondateur et président, Edwy Plenel, a « simplement fait son travail ».
On psychanalysera à l’envi le comportement de ce grand professionnel arrogant qui se dit aux prises avec une « lutte interne taraudante pour tenter de résoudre le conflit entre le devoir de vérité auquel il a manqué et le souci de remplir les missions qui lui ont été confiées » (sic). Alors qu’il y avait juste à dire la vérité. Tout autre comportement assassine non seulement sa crédibilité mais surtout celle de tout un gouvernement, déjà en plein naufrage et qui avait fait de l’exemplarité son label.
Ce que cette affaire nous rappelle, c’est, non pas que le mensonge est lié à l’exercice du pouvoir – quoi de neuf, en fait ? –, mais que le pouvoir exécutif ne peut exister qu’assorti des contre-pouvoirs que sont la presse et la justice. Plenel a tout entendu depuis décembre – comme Albert Londres à son époque –, rappelle-t-il dans Le droit de savoir. Traité de métèque, d’antisémite, parce qu’il avait révélé les exactions coloniales de la France, Albert Londres avait déclaré : « Aimer son pays, être un vrai patriote, c’est un amour critique, c’est vouloir élever. La France grande personne n’a pas peur de la vérité. »
Et Plenel de rappeler l’unique mission qu’il a donnée à ses vingt-cinq journalistes :
« Produire de l’information d’intérêt public pour que nos citoyens soient libres et autonomes. Si on ne leur dit pas ce qui se passe, comment peuvent-ils l’être ? » Son journalisme d’intérêt public n’est pas que numérique : il a notamment rapporté 70 millions aux Finances publiques françaises, via le rapatriement et l’imposition de la fortune de Liliane Bettencourt.
L’indépendance journalistique est essentielle à la réussite d’une telle mission : les mises en examen, de Nicolas Sarkozy comme de Cahuzac, ont une seule signature, celle d’un site sans lien, proche ou lointain, avec les pouvoirs. La gauche, qui se croyait protégée, vient d’en faire l’amère expérience. Cette leçon-là aussi est universelle
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