Yaoundé :
Des verdicts ont déjà été rendus contre des personnes interpellées lors des manifestations.
Lindovi Ndjio (Stagiaire)
Coaction d’activités dangereuses, destruction de bien publics, destruction de bien d’autrui, barricades et vagabondages, défaut de pièces d’identité…Telles sont entre autres les chefs d’accusation retenus contre les personnes interpellées lors des manifestations qui ont émaillé la vie sociale au Cameroun ces derniers jours. Des centaines de jeunes dont des adolescents, des étudiants, des élèves, des chômeurs,…paient les frais des casses orchestrées lors de la crise. Ce 29 février 2008 à Yaoundé, on en est au deuxième jour des procès et la justice camerounaise fait preuve d’une diligence qu’on lui a rarement reconnue. Diverses sanctions sont déjà prononcées : deux ans de prison à ceux jugés jeudi dernier au palais de justice d’Ekounou, 15 mois de prison pour certains, des «délibérations prorogées au 3 mars 2008» pour d’autres. Jusqu’ici, aucun accusé relaxé. Tous sont reconnus coupables.
Les avocats tirent la conclusion avant la fin du marathon judiciaire : c’est une «parodie de justice». Me Abia explique : « lors de ces enquêtes préliminaires et même à l’ouverture des procès, on n’a permis à aucun accusé de se faire assister d’un conseil, ni de se constituer une défense. Nous les avons donc surpris en intervenant cette mi journée. C’est pourquoi les peines commencent à baisser». Pour Me Armand Bitha, «nous avons sollicité des renvois que l’on a rejetés catégoriquement ».
Les accusés dénoncent des actes de tortures dont ils ont été victimes. «Avec le fusil, ils m’ont cogné la nuque quand ils m’arrêtaient », se plaint Noël Fokam, la vingtaine. «Nous avons demandé à lire les procès verbaux avant de signer, ils ont refusé», ajoute-t-il. Presque tous reconnaissent qu’ils étaient en possession de leurs pièces d’identité au moment des arrestations. On les a retirées lors des enquêtes préliminaires, mais devant le tribunal, on leur reproche la non possession de la pièce.
Témoins
On aura tout vu et entendu à l’occasion de ces procès. Des audiences fortement militarisées, des délibérations qui durent plus d’une heure de temps, de nombreuses suspensions d’audience, des témoins qui n’existent pas sur les procès verbaux ou que le procureur n’a pas à l’ouverture des procès mais qui entre temps surgissent. Excédé, Me Abia, avocat, a demandé au procureur de la République : « d’où sortent ces témoins que vous venez d’affirmer n’avoir pas?».
Les débats ont très souvent achoppé sur la signification de témoin. Quand les différentes parties s’accordent à dire que « le témoin c’est celui qui a vu et entendu une scène », il devient difficile pour ces derniers (policiers et gendarmes) de dire avec exactitude qui ils ont vu en action. Le deuxième adjoint au commissaire de Mendong avoue qu’ « il pouvait arriver qu’on arrête des innocents parce que quand on arrivait les casseurs fuyaient, et d’autres faisaient les faux courageux». Egalement, Alain Assamba de la brigade terre de Mélen reconnaît avoir «personnellement arrêté un curieux qui regardait une bagarre à la Chapelle Obili».
Ils se sont plusieurs fois contredits. Confondu par les avocats, le même Assamba a avoué qu’un accusé « était à bord de son véhicule quand on l’a interpellé », alors que son collègue vient de dire qu’ «il était parmi ceux qui posaient des barricades ». Joseph Nguefack a été interpellé au même moment au Cradat et à Mélen par deux gendarmes différents.
Ce qui n’a eu aucun impact sur le sort de ces jeunes qui, à entendre les témoins, sont pour la plupart des innocents. De quoi donner raison à une source bien informée qui révèle que «les procès sont suivis depuis les hauts lieux d’où viennent des instructions fermes».
mboasawa
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