“ Les manifestants sont des militants du parti du

Pauline Biyong

“ Les manifestants sont des militants du parti du désespoir ”

Membre de la société civile, elle analyse les derniers événements survenus au Cameroun.

Comment réagissez-vous face à la révolte du peuple ?
Pour comprendre la situation actuelle, il est nécessaire de remonter à l’histoire. La première grève qu’a connue le Cameroun date du mois de septembre 1945. Celle-ci a été à l’origine de la création des premiers partis politiques camerounais dans la mesure où elle a fourni tout le personnel politique qui les a par la suite constituée. Il faut rappeler que Ruben Um Nyobé, le père de l’indépendance du Cameroun était un syndicaliste. De même que Charles Assalé, le Premier ministre du Cameroun et bien d’autres. En 1966 avec l’instauration du parti unique, Ahmadou Ahidjo a aboli tous les syndicats de l’époque et a donné naissance à un seul : l’Union nationale des travailleurs camerounais (Untc), dont le président était membre d’office et statutaire, du comité central de l’Union nationale camerounaise, Unc, le parti unique du Cameroun, son parti politique. En 1992, avec le retour de la démocratie, le syndicalisme s’est mis à renaître timidement sans une loi qui le régit. La réussite de la grève des taximen vient le mettre de nouveau au zénith. Le grand enseignement qu’il nous semble important de tirer des évènements en cours au Cameroun, est celui du retour, en force, de la société civile dans le débat économique et politique national. La constatation est menée, de nouveau, non pas par les partis politiques, mais bel et bien par la société civile dans son ensemble (les jeunes, la presse, les gens de la rue, monsieur et madame le monde). En plus d’être pire qu’en 1991, cette société civile constitue une donnée essentielle qu’il faudra, désormais, intégrer dans l’analyse politique et sociopolitique de notre pays.

Comment avez-vous appréciez la sortie du chef de l’Etat ?
Mercredi 27 février 2008 au soir, le Président de la République, lors de son discours à la nation, s’est bien gardé de pointer du doigt les syndicats camerounais, comme étant à la base de la crise qui secoue, en ce moment, le Cameroun. Il s’en est plutôt pris aux leaders de l’opposition. Et pourtant, nous pensons que les jeunes normaux et jeunes casseurs, en action depuis le début de la situation actuelle, il faut le reconnaître, agissent pour une bonne partie de manière spontanée. Certains peuvent être instrumentalisés mais peut-être pas tous. Beaucoup sont mus par leurs conditions de vie difficile. Si l’on peut considérer qu’ils appartiennent à un parti politique, c’est pour une bonne partie d’entre eux, au parti du : désespoir, de l’incertitude pour l’avenir, du chômage, de la vie chère, de la rage au cœur, de l’impuissance face à la richesse insolente et ostentatoire d’une petite poignée de camerounais. Nous vivons un malaise profond et une crise dans l’évolution de notre pays. Il faut bien appréhender tout cela.

Comment sortir de l’impasse ?
Nous avons une classe dirigeante vieillissante qui doit prendre en compte, la nécessité de renouvellement de la classe politique. Les institutions de notre pays doivent être reformées pour s’adapter à la modernité. Un plan de développement nous permettrait d’avoir une meilleure lisibilité de l’avenir pour tous. Gouverner c’est prévoir. La démocratie est un régime politique dans lequel, le peuple exerce sa souveraineté lui-même, sans l’intermédiaire d’un organe représentatif (démocratie directe) ou par représentants interposés (démocratie représentative). L’alternance est un pilier de la démocratie. En l’absence d’un dialogue franc et direct entre la classe dirigeante et les citoyens, nous risquons de nous enliser dans une incompréhension suicidaire. Il est bon aujourd’hui de ne plus nous voiler tous les yeux. Il est nécessaire de mieux repartir les fruits de la croissance, en considérant les valeurs fondamentales qui sont le travail, le mérite, l’éthique, la compétence, la justice, la probité, le sens de l’intérêt général. Nous disons non à la destruction. Nous présentons nos très sincères condoléances à toutes les familles endeuillées par cette situation malheureuse. Nous apportons notre compassion à toutes les victimes de ceux qui ont perdu leurs biens. Revenons tous à Dieu pour que la paix si chère continue à régner dans notre beau pays. We shall over come (nous allons nous en sortir) avec la grâce de Dieu.
 

Par Entretien avec Souley ONOHIOLO

mboasawa

3713 Blog des postes

commentaires