Révision
Certaines dispositions du projet de loi sont sujettes à modification alors qu’elles n’ont jamais été actées. “ L’on attendait le chef de l’Etat Paul Biya sur la modification de l’article 6, alinéa 2 au sujet de la durée du mandat présidentiel, mais l’on se rend compte en lisant entre les lignes du projet de loi, qu’il cache une volonté pernicieuse d’enrober l’actuel président de la République (c’est-à-dire lui-même) d’une camisole imperméable de sécurité ”. Ces propos d’un député du Rdpc ayant requis l’anonymat, un jour après le dépôt du projet de loi, sont révélateurs du malaise qui pourrit l’ambiance à l’hémicycle. La sérénité a foutu le camp, même au sein des 153 députés du parti au pouvoir. “ A en juger par tout le tintamarre qui a été organisé ces derniers temps, l’on savait que le chef de l’Etat Paul Biya allait dérouler sa manoeuvre sur son désir d’éternité au pouvoir. Nous ne resons pas surpris que cette pâte qui a été concoctée de toutes pièces soit adoptée. Le devoir d’astreinte à la discipline du parti et la tendance au clientélisme des députés Rdpc dénotent d’une volonté à rendre le séjour de Paul Biya, définitif à la magistrature suprême ”, affirme Abiloko Roger, commerçant au marché central de Yaoundé. Comme lui, ils sont nombreux à penser que le président Paul Biya veut assurer son “ après lui-même ”.
“ Le chef de l’Etat renforce son pouvoir en durcissant son règne. Il cherche une certaine immunité qui va le mettre à l’abri d’éventuelles poursuites judiciaires. Il a verrouillé l’article 53 en y injectant deux alinéas (2 et 3) qui font de lui un souverain intouchable à vie. Le reste n’est que décoratif ” commente Rigobert Balamba. Le projet de loi évacue les principales revendications des partis politiques de l’opposition. En plus de confirmer Elécam de façon implicite, il n’y a aucune trace d’une élection à deux tours. Aucune disposition du projet ne fait mention de la nécessité d’améliorer ou de rendre crédible le système électoral camerounais.
Des dispositions pour le décor
La mort dans l’âme, deux structures font une énième apparition dans le projet de loi et sont susceptibles d’être modifiées, alors qu’elles n’ont jamais fonctionné. La lecture de l’article 51, alinéa (1) nouveau par exemple, laisse entrevoir certes que le nombre des membres du conseil constitutionnel reste à onze (11). Mais contrairement à la Constitution de 1996 prévoyant un mandat de neuf (9) ans non renouvelable, le projet de loi de vendredi dernier prévoit un mandat de six (06) ans non renouvelable. L’article 53 (nouveau) du titre VIII, sur “ de la haute cour de justice ” apparaît aux yeux des juristes comme dangereux et provocateur. Les alinéas 2 et 3, visent à constitutionnaliser la monarchie présidentielle. En plus de consacrer l’immunité du président, ils le rendent irresponsable et intouchable. “ Le titre VIII, ne devrait pas exister. Il faut clarifier l’article 53 en l’accompagnant d’une loi d’application. Il y a lieu de définir ce que l’on entend par “ haute trahison ”. Il serait également impossible de réussir le pari de voir l’Assemblée nationale et le Sénat, “ statuer par un vote identique, au scrutin public et à la majorité des quatre cinquième des membres les composant ” ” explique un enseignant d’université. L’exposé des motifs de ce projet de loi nous apprend que : “ à ce jour, cette réforme institutionnelle a conduit à l’élaboration, à l’adoption, à la promulgation et à la mise en œuvre totale ou partielle des lois prévues par la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972. Il en est ainsi notamment : des lois fixant les conditions d’élection des députés, des sénateurs, des conseilleurs municipaux ou des conseillers régionaux ; de la loi fixant l’organisation judiciaire ou celles relatives aux tribunaux ; de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement du Conseil Constitutionnel ; des lois relatives aux collectivités territoriales décentralisées ”. Pourtant certaines de ces lois n’ont jamais été mises en œuvre. Aucun Camerounais ne peut brandir de faits palpables sur la mise en œuvre, ne serait-ce que partielle, des lois sur les conditions d’élection des sénateurs et des conseillers régionaux. Les lois relatives aux collectivités territoriales décentralisées sont aussi très avares en faits irréfutables si l’on considère sa mise en œuvre. Tout cela demeure en somme… de simples fétiches constitutionnels.