Camille Mouté à Bidias

Camille Mouté à Bidias : Nous ne créons pas d’emplois
Le directeur général du Fne évalue l'incidence de l’institution sur le chômage au Cameroun.
Propos recueillis par Dorine Ekwé

Le 27 avril dernier, le Fonds National de l'Emploi (Fne) a fêté ses 18 ans. Quel bilan faites-vous des activités menées par cette structure que vous dirigez?
Je pense que notre action est encourageante car, le contexte dans lequel le Fonds national de l'emploi a été crée était un contexte difficile, étant donné que nous étions en pleine crise économique jamais connue dans notre pays. Et le FNE avait pour mission de faire face à toute cette masse de licenciements de personnes dus à des compressions, et des liquidations des entreprises dans le cadre du Programme d'Ajustement Structurel. Nous avions à faire face aussi au chômage des jeunes et bien sûr à celui des déperdus du système scolaire. Donc, tout ceci a constitué un gros défi à relever, et notre environnement ne connaissait pas bien ce que c'est qu'un Service d'Emploi Public (SPE). Il a fallu travailler dur et aujourd'hui nous trouvons que le chemin parcouru est non négligeable même s'il reste beaucoup de choses à faire.

En dix huit années d'existence, combien de chômeurs avez-vous accueilli et combien ont pu être insérés?
A ce jour, nous avons reçu 260.244 personnes enregistrées et parmi lesquelles 168.533 personnes ont été insérées, dont 115.980 en emplois salariés. Ceci veut dire que, plus de la moitié des personnes enregistrées chez nous ont trouvé à un moment ou à un autre du travail. A ce jour, nous avons formé 56.350 personnes et avons financé 30.691 projets dans tous les domaines d'activités. Nous avons organisé trois bourses de l'emploi, deux forums nationaux de l'emploi en 1993 et en 1996. Nous avons aujourd'hui mis en place de nombreux programmes et outils au service des demandeurs d'emplois et des chefs d'entreprises. Nous occupons aussi une place de choix parmi les SPE du monde et d'Afrique, avec la Vice-présidence de l'AMSEP (Association Mondiale des Services d'Emplois Publics), et la Présidence de l'Association des SPE africains (AASEP).

Parlant de la bourse de l'emploi pensez-vous vraiment qu'elle a un impact quelconque sur l'éradication du chômage?
Au cours des bourses d'emplois que nous avons organisées, nous avons proposé 1.500 demandeurs d'emplois et sur les 1.500, nous avons pu insérer directement près de 771 personnes. Nous pensons que c'est quelque chose de bien d'organiser ce type de marché physique où se rencontrent des gens qui offrent du travail et ceux qui en demandent. Nous allons continuer à le faire. Mais ce n'est qu'une mesure parmi d'autres dans ce combat contre le chômage.

Quels sont les écueils que vous rencontrez dans la mise en œuvre de vos activités?
Le premier handicap que nous rencontrons est celui que connaît tout notre pays. C'est le handicap des ressources financières. Parce qu'un Service d'Emplois Publics consomme beaucoup d'argent. Chaque chercheur d'emplois doit être reçu, écouté et pour chacun d'eux on doit faire un bilan professionnel débouchant sur un projet professionnel du chercheur d'emploi. Etant donné que nos services sont tous gratuits, nous n'avons pas les moyens d'offrir ce service là à tous. Il faut d'ailleurs dans ce cadre là saluer l'action du gouvernement sans l'appui duquel nous n'aurons pas pu faire ce que nous avons fait jusque là.
Le deuxième handicap est l'étroitesse des offres compte tenu de l'environnement économique. Car, on ne peut pas traverser une crise économique comme celle que nous avons traversée, et avoir toutes les entreprises en santé.
C'est un gros handicap dans la lutte contre le chômage dans notre pays alors que des opportunités existent. La création d'entreprise n'est pas suffisante pour absorber la demande qui vient sur le marché de l'emploi. En plus, les entreprises qui existent ne se développent pas suffisamment pour avoir des dimensions permettant d'accroître le volume des emplois.

Certains jeunes se plaignent souvent de mettre beaucoup de temps au FNE sans trouver d'emplois…
Il s'agit là d'un autre handicap que nous traînons dans la mise en œuvre de notre action. La méconnaissance par les jeunes de ce que nous faisons. Ils ne savent pas exactement quel est notre rôle. Notre rôle n'est pas de créer des emplois. Lorsqu'un jeune vient chez nous et dépose un dossier, il va et attend que nous l'appelions. C'est vrai que nous les convoquons lorsqu'il y'a des offres, mais l'entreprise est la seule susceptible d'offrir ces emplois, et nous n'imposons pas des choix aux entreprises. Si les jeunes sont souvent déçus d'attendre des années, c'est parce que, soit leurs profils ne correspondent pas aux offres que nous recevons, soit le choix de ces entreprises ne se porte pas sur eux. C'est pour cette raison que je souhaite leur dire de ne pas se décourager car, nous sommes là pour les aider et les accompagner dans cette quête d'insertion qui doit être permanente.

Qu'en est-il du programme pour jeunes immigrés camerounais que vous avez mis sur pied?
En plus ce programme, nous en avons d'autres répondant à chaque segment de chômeurs. Parmi ceux-ci, on retrouve par exemple le Programme Emplois Diplômés (PED) qui vise à placer un jeune au sein d'une entreprise pour qu'il puisse apprendre un métier pendant un an et si le jeune est recruté à la fin du stage, le FNE paie la moitié des trois premiers mois de salaire. Quant au programme PARIC, destiné aux camerounais de l'étranger qui souhaitent rentrer s'installer au Cameroun, il concerne pour le moment les camerounais d'Allemagne. Nous avons déjà conseillé, suivi, et orienté près de 1 200 jeunes, et 132 ont pu être insérés en emploi salarié ou indépendant. Nous fêtons d'ailleurs le 10ème anniversaire de ce programme en octobre prochain et avons déjà commencé les préparatifs de cet évènement.

mboasawa

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