Panique générale à Bakassi

Après l’attaque du 9 juin

La sécurité renforcée demeure insuffisante pour assurer la sérénité.

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Lieu-dit Main Beach à Ekondo Titi. Ce mardi 17 juin, il est 17 heures. Une chaloupe civile, conduite par un Nigérian, accoste. Les passagers à bord, des éléments de la gendarmerie nationale puissamment armés, en descendent. Les voyageurs en attente d’une embarcation. Les manutentionnaires et autres personnes présentes sur les lieux accourent vers les nouveaux arrivants. Tous veulent avoir les dernières nouvelles de cette mission de reconnaissance à Kombo à Bedimo et dans les autres îles (Idabato, Isangele) de Bakassi.
“ Mes frères, tout ce que nous pouvons vous dire, c’est que c’est très grave là-bas. L’insécurité est de taille. Dans la soirée d’hier, notre embarcation s’est retrouvée nez à nez avec une de l’armée nigériane. Ils étaient prêts à tirer quand nous nous sommes rapidement présentés ”, lance un gendarme, en empruntant une moto pour Okada Park à Ekondo Titi ville.
Ce gendarme et ses collègues soutiennent que l’identité des auteurs de l’assaut du 9 juin (attaque d’une embarcation camerounaise ayant fait des morts dont le sous-préfet de Kombo à Bedimo) reste toujours inconnue. Ils font partie d’une mission qui, la veille, s’est rendue dans la zone de l’incident dans le cadre d’une patrouille.
En effet, depuis le lendemain de cette attaque meurtrière, les éléments du 21è bataillon de fusilliers marins (Bafumar) à Ekondo Titi, du 22è bataillon de fusilliers marins (Bafumar) à Mudemba (chef-lieu du département du Ndian), de l’opération Delta à la base navale de Limbe, et de la gendarmerie nationale (surtout la brigade et le peloton de Ekondo Titi) sont sur le qui-vive. Ils sont constamment envoyés en mission dans la zone de conflit. Ils ratissent, dans l’objectif de savoir ce qui s’est réellement passé le 9 juin.
Par ailleurs, ces unités de l’armée camerounaise ont été renforcées en hommes. Mudemba et Ekondo Titi, les deux dernières villes camerounaises sur terre ferme à partir desquelles l’on emprunte des embarcations pour les îles de Bakassi, sont fortement militarisées. Les îles Idaboto, Isongele,… sont fréquentées par des visiteurs. Mais, Akwa (siège des institutions de l’arrondissement de Kombo a Bedimo), semble coupé des autres localités de Bakassi. Les populations ont peur d’y arriver. D’ailleurs, les militaires les en dissuadent. La raison ? L’hypothèse de l’insécurité formulée par ceux-là même qui sont chargés d’assurer la sécurité des habitants.

Les pêcheries désertées
A en croire certains éléments des forces de défense ayant patrouillé dans les îles de Bakassi depuis l’attaque du 9 juin, il ne fait pas du tout bon vivre dans ces lieux-là. “ Les éléments de l’armée nigériane, mieux armés que nous, multiplient aussi des patrouilles. Les populations des îles, en majorité des pêcheurs, ont presque tous fui pour se réfugier à Ekang, le premier village nigérian sur terre ferme, après les îles. Les quelques rares civils camerounais qui se rendent dans certaines de ces îles soit pour acheter du poisson ou pour besoin de service, se battent pour être de retour au plus tard à 17 heures. Nul ne souhaite que la nuit tombe quand il est encore dans une de ces îles en perpétuelle insécurité. Quand vous êtes dans une de ces pêcheries, vous êtes entre la vie et la mort. Parce qu’on ne sait plus qui est qui dans ces eaux. Une attaque peut venir de partout ”, révèle un élément du 21è Bafumar.
A l’instar des hommes en tenue, les civils (Camerounais et Nigérians) rencontrés à Ekondo Titi (Main Beach) et à Mudemba (Boulo Beach et Ndian Town Beach) ne cachent pas leur tristesse. Car, disent-ils, la cohabitation entre les deux peuples se déroulait sans problèmes dans ces localités. Toutes les pirogues et chaloupes sont pilotées par les Nigérians. “ Nous vivons et faisons beaucoup de choses ensemble, sans problème. Ici chez nous, il y a plusieurs Nigérians qui ont pour épouses ou copines des Camerounaises ”, lance Albert Netongo, originaire de l’île d’Isangele, qui croit dur comme fer que l’attaque du 9 juin est l’œuvre des originaires de la tribu nigériane Bayassa. “ Les Bayassas ont tellement développé Kombo à Bedimo et ne cessent de dire à qui veut les entendre qu’ils ne sauraient abandonner toutes leurs richesses. Ils y contrôlent la pêche là-bas de même que toutes les autres activités ”, révèle Stanley Okey, un Nigérian aide pilote dans une chaloupe reliant Ekondo Titi à Ekang.
L’hypothèse d’une attaque menée par les Bayassas est aussi soutenue par les militaires et gendarmes camerounais. “ Pour les attaques de novembre 2007, l’on continue de croire que c’était des Camerounais. Mais, cette fois-ci, tout porte à croire qu’il s’agit des Bayassas du Nigeria qui ne veulent pas quitter la zone ”, lance un gendarme. Il pense que l’attaque du 9 juin se serait déroulée avec des complicités camerounaises.
En tout état de cause, malgré les mesures prises par le gouvernement camerounais, ceux qui sont restés sur place (militaires comme civils) vivent dans la peur d’essuyer d’autres attaques. Ils semblent attendre, pour tout dire, la guerre.
 

Par Honoré FOIMOUKOM Envoyé spécial dans le Ndian
Le 20-06-2008


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