Affaire Diboulé : Fru Ndi plaide non coupable



Le procès de l'assassinat d'un militant du Sdf s'est rouvert hier à Yaoundé et le " Chairman " a nié y avoir pris part.
Jean Baptiste Ketchateng

Le président du collège des trois juges du tribunal de grande instance du Mfoundi à Yaoundé, M. Schlick, a rapidement convenu avec le procureur de la République et les autres parties au procès que la liste des exceptions soulevées par les avocats de la défense était suffisamment longue pour justifier un report. Aussi, hier lundi 13 octobre à 17h, le juge a-t-il suspendu l'affaire qui reprendra le 27 octobre prochain. Mais le procès a bel et bien commencé. Sa deuxième audience, après celle du mardi 19 août, a duré cinq heures.

Durant ces moments de discussion sur les subtilités de la procédure juridique pénale devant le tribunal, les avocats des 22 personnes accusées - lesquelles ont toutes plaidé non coupables - d'avoir pris part, en co-action ou en complicité, à l'assassinat de Grégoire Diboulé le 26 mai 2006 à Yaoundé et d'avoir blessé d'autres personnes, ont fait valoir une dizaine d'exceptions tendant à annuler la procédure ou à retirer du dossier quelques uns de ces éléments essentiels parmi lesquels le rapport d'enquêtes préliminaires de la gendarmerie. La plus émouvante d'entre elles concernait le cas de l'accusé Justice Mbah, sourd et muet.

" Peut-on dire que le droit pour mon client d'être inculpé a été respecté ? Sinon comment et où a-t-on consigné ses déclarations ? Le juge d'instruction a dit que Mbah Justice semblait vouloir dire qu'il vient de loin et qu'il ne savait pas pourquoi on l'avait arrêté. Mais il a fait un travail pour lequel il n'était pas qualifié… Le juge d'instruction a dit qu'il n'avait pas été à l'école [des sourds] et que même si un spécialiste avait été appelé, il n'aurait pas pu faire des déclarations. Pourtant, l'ordonnance de renvoi dit que ses dépositions sont contredites par ses propres déclarations ! Et il vient de discuter avec l'interprète [requis par le tribunal ! " Aussi ses avocats ont-ils demandé la mainlevée du mandat de dépôt qui l'a fait écrouer à la prison de Kondengui.

Pareillement, le banc de la défense a aussi sollicité la nullité de la procédure au regard de " multiples violations " des règles de procédure. Les accusés auraient en effet été torturés par une longue exposition au soleil avant d'être entendus sous la menace d'armes. " Le colonel Tchinda ne me laissait pas le temps de parler, il me menaçait de son arme. […] Le gendarme Geneviève Ngono nous a menacés avec une machette ", ont notamment souligné les avocats des accusés en lisant leurs déclarations. Bien plus, la langue utilisée pour entendre les accusés, en majorité anglophones, semble avoir été le français. " Imaginez-vous, un illettré, qui répond à des questions d'enquête criminelle dans une langue étrangère ?", s'est indigné Me Francis Sama.

Au sujet des règles de procédure violées, l'on a encore entendu des perles tirées du dossier des avocats de la défense. La garde à vue des accusés a duré 48 jours en réalité, résume Me Joseph Tsapy. Bien plus que les quatre jours nécessaires et limitativement prévus par la loi à l'époque des faits. Et pour en rajouter à l'embrouillamini, le préfet du Mfoundi Joseph Beti Assomo a signé le 26 mai, un arrêté de garde à vue administrative d'une durée de 15 jours. Seulement, la demande du commandant de groupement de gendarmerie de Yaoundé qui saisit le préfet à cette fin est daté du…30 mai.

" Avait-on besoin d'un arrêté préfectoral puisque le rapport de l'enquête préliminaire [celle des gendarmes, Ndlr] indique qu'ils ont été gardés à vue durant six jours et qu'ils ont été déférés le 31 mai ? ", s'interroge Me Tsapy qui relève également que deux noms des accusés n'existent point dans l'arrêté préfectoral : Dieudonné Fopa et Fonke Nganje. Dès lors, pourra-t-il conclure, comment peut-on légitimement prétendre juger des justiciables dont les premières déclarations ont été "grossièrement tronquées ". L'enquête préliminaire devait donc être retirée de l'acte d'accusation. Ce qui fragiliserait aussi l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction qui s'y adosse.

Il reste que, rétorque Me David Tamo, avocat de la partie civile, la défense aurait pu se plaindre devant la cour d'appel du Centre ou la chambre de contrôle des actes des juges d'instruction sont sanctionnés. Le pire, ajoute Me Mangwa, " c'est que le dossier n'est pas encore sur votre table monsieur le président, comment pourriez-vous annuler un acte que vous ne connaissez point ? " Tandis qu'il parle, John Fru Ndi, qui n'a pas esquissé le moindre geste depuis cinq heures, au contraire des autres accusés qui ont demandé à aller aux toilettes, lui a jeté un regard indéfinissable. L'air un peu perdu dans sa saharienne grise au devant d'une salle d'audience pleine comme un oeuf.

La liste des accusés
1) Nembot Zacharie, né le 14 janvier 1955 à Bafoussam de feu Kamdem Samuel et de Tsewe, domicilié à Emombo-Yaoundé, agent de sécurité au Pmuc
2) Mbah Elias, né le 19 avril 1944 à Moghamo de Tita Aloys et de Ibatu Mary, militaire retraité, domicilié à Etoug-Ebé-Yaoundé
3) Asaah Philippe Che, né le 28 décembre 1949 à Santa (Bamenda), fils de Philip Che et de Emilia Azoh, militaire retraité, domicilié à Essos face Elise-Bar-Yaoundé
4) Simo, né le 1er janvier 1958 à Bayangam, fils de Foguem et de Kuisseu, vendeur à la sauvette, domicilié à Okillio Messa-Assi-Yaoundé.
5) Fonke Nganje, né le 14 décembre 1949 à Mbeba, fils de Nganje Aloys et de Nguenda Julienne, agent des postes et télécommunications domicilié à Obili.
6) Sama Asanji Christopher, né le 09 janvier 1968 à Mbengui de Nganje Aloys et de Nguenda Julienne, planteur domicilié à Bamenda.
7) Godheart Siyen, né vers 1956 à Jakiri (…), fils de Ibrahim Tarla et de feue Adiba Bongwun, maçon domicilié à Jakiri.
8) Ngu Mbahaning John, né vers 1945 à Njidom, fils de feu Mbahaning et de Anwi, planteur domicilié à Njindong.
9) Nwah Fomujang Emmanuel, né le 22 décembre 1981 à Tiko de Fomujang Jonathan et de Bertha Ngu, domicilié à Mbengwi
10) Bayong Abraham, né vers 1952 à Ku (Mbengwi), fils de feu Anyam et de Akui, planteur, marié, 05 enfants.
11) Touoyom Jean, né vers 1949 à Bamessingue de feu Tchinda et de Keuleye Marie, manœuvre, domicilié à Melong, marié, 08 enfants.
12) Edward Mokam Ndi, né le 02 decembre 1958 à Mbei (Santa) de feu Ndi Ngufor John et de Neh Hellen, électricien, domicilié à Santa, marié, 07 enfants.
13) John Nchinda, né vers 1957 à Santa (Bamenda) de Foba John et de Monica Nkeubeu, sans profession, domicilié à Santa, marié, 11 enfants.
14) Kom Mokto Innocent, né vers 1964 à Bayangam de Mokto Michel et de Mopo Elisabeth, ethnie bamiléké, maçon, domicilié à Bayangam, marié, 09 enfants.
15) Tarete Robert Asawji, né vers 1964 à Mbengwi, fils de Tarete Philip et de Alice Salomé, sans profession, domicilié à Mbengwi (Bamenda), marié, un enfant.
16) Tedongmo David, né vers 1940 à Matessong (Mbouda), fils de Yemeli et de Madiewe, planteur, domicilié à Melong, marié, 11 enfants.
17) Kenah Joseph, né le 06 août 1972 à Achem, fils de Lucas Degha et de Estha Chucha, menuisier, domicilié à Bonakouma Essimbi, marié, 03 enfants.
18) Chi Ngafor James, né le 27 novembre 1940 à Akum, fils de Ngafor et de Affah Christian, colonel retraité, domicilié à Mbog Abang-Yaoundé, marié, 03 enfants.
19) Fopa Dieudonné, né le 25 avril 1967 à Kumba de Tedonzong Marcus et de Marcelline Mafor, sans profession, domicilié à Carrière-Yaoundé, marié, 03 enfants.
20) Agwanja Mathias Ajetoh, né le 14 mars 1969 à Itwdy, fils de Atonga Agwanje Mathias et de Paulina Agwanje, menuisier domicilié à Emana, marié, 03 enfants.
21) Kughong Chia Johnson, né le 02 février 1966 à Abuh, fils de Kughong Chia et de Tisiwuni, tôlier, domicilié à Nkongsamba, marié, 06 enfants.
22) Fonsoh Peter Fon, né le 06 juillet 1956 à Nindom (Mbengwi), fils de Fowsoh et de Atam, planetur domicilié à Mbengwi, marié, 05 enfants.
23) Mbatt Justice Mbah, né le 09 janvier 1966, fils de Mbatt Levis Tibong et de Francesca Mben Mbatt, tailleur, sourd et muet.
Tous inculpés de coaction d'assassinat, blessures simples et blessures légères et détenus suivant mandat de dépôt du 11 juillet 2006, prorogé suivant ordonnances des 31 janvier 2007, 30 juillet et 30 janvier 2008.

24) John Fru Ndi, né le 07 juillet 1941 à Baba II Santa (Bamenda), fils de feu Joseph Ndi et de feue Susanna Angob, homme politique et agriculteur, domicilié à Ntarikon (Bamenda), veuf, 08 enfants. Il est avec Chi Ngafor James accusé de complicité d'assassinat, de blessures simples et de blessures légères.

mboasawa

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