Des malades jetés dans la rue à Douala

Ils ont été arrachés de leurs lits par une cinquantaine de gros bras

Clinique Le Berceau à Akwa, non loin de la direction générale de Mobile telephone network (Mtn) à Douala. Il est un peu plus de 12 heures ce mardi 28 octobre 2008. Portail grand ouvert, la scène laisse penser qu’un tsunami est passé dans l’immeuble. Sur le pavé, s’entremêlent matelas, bureaux, classeurs, lits, civières, chaises, dossiers médicaux, factures, etc. Du matériel médical vient compléter le tableau apocalyptique. Tout autour, des curieux se mélangent au personnel médical et administratif de la clinique. « Il faut arrêter ce genre d’agissements, sinon ce pays va imploser », s’inquiète quelqu’un dans la foule.
A l’intérieur de cet établissement hospitalier, la désolation se lit sur tous les visages. Les malades sont prostrés. Certains sont des hypertendus. D’autres viennent de subir une intervention chirurgicale. Pourtant, les gros bras n’ont pas hésité à les débarquer de leurs lits, en retirant les perfusions, sans se soucier de leur état de santé. « Ils sont entrés en disant qu’ils avaient un ordre d’expulsion. Nous avons tenté de les retenir. Ils ont forcé et ont commencé à mettre tout dehors », explique le directeur administratif de la clinique. Il a fallu l’intervention des populations alentour, des vendeurs situés au carrefour hôtel Le Ndé et de quelques éléments de la gendarmerie pour stopper leur ardeur.

Scandale
Le Dr Roger Ngoula, médecin chef de la clinique Le Berceau, ne décolère pas au téléphone. « Ne m’appelle plus Roger. Appelle-moi Dr Ngoula... Ce que vous faites, c’est du faux… », lance-t-il à son invisible interlocuteur. Après information, nous apprenons qu’il s’adressait à Me Mbami, avocat au Barreau du Cameroun et conseil de M. Ngapanou, directeur général de Hygiène et salubrité du Cameroun (Hysacam). Ce dernier serait en conflit avec la famille du propriétaire de l’immeuble qui abrite la clinique Le Berceau. Alors que M. Ngapanou dit en être le propriétaire, la famille de feu Tchinou affirme qu’elle avait bénéficié d’une ordonnance de justice rétablissant ses droits sur la propriété.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas « l’affaire » du Dr Roger Ngoula. « Nous sommes locataires de cet immeuble. Je n’ai rien à voir dans le litige qui oppose les deux parties. Ce que je défends, c’est l’inviolabilité d’une institution sanitaire comme la nôtre. C’est un scandale. Et à la limite, que la justice me dise à qui je dois payer mon loyer », lance le médecin chef. Selon ses explications, la clinique a reçu une note d’huissier vendredi dernier (24 octobre 2008) les prévenant d’une expulsion imminente de l’immeuble. « Nous avions 8 jours pour réagir à cette note. Mais, avant le délai, regardez ce qu’ils ont fait », se plaint le Dr Roger Ngoula.
L’expulsion a été « exécutée » par Me Ndoumbé, huissier de justice à Douala. Mais, d’après le personnel de la clinique, il n’a pas présenté le mandat d’expulsion. D’ailleurs, rattrapé par la foule alors qu’il tentait de s’enfuir pendant les échauffourées, cet huissier a ensuite été conduit à la gendarmerie où il a été entendu. Pour l’administration de la clinique, il n’est pas question d’en rester là. Le médecin chef compte en effet porter plainte contre ceux qui sont « venus semer du trouble dans [sa] clinique ». En attendant de voir plus clair dans le litige qui oppose les deux parties, le calme est quelque peu revenu dans l’institution sanitaire. Tout ce qui avait été jeté dans la rue a été remis en place. L’on espère que les malades, choqués, se remettront de cette lamentable épreuve.
 

Par Alain NOAH AWANA

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