Manu Dibango et Anne Marie Nzié, deux musiciens de qualité, ont ouvert le bal des récompenses alors que leurs collègues espèrent que le mouvement va s'étendre à d'autres disciplines.
Dorine Ekwè

A cette occasion, il a partagé la scène avec des artistes du terroir. Pour les artistes camerounais, l'heure de la reconnaissance avait sonné. A cet effet, Paul Fouda, comédien membre du groupe Keguegue international confiait dans nos colonnes : " c'est une avancée significative dans le paysage culturel camerounais. Nous attendons ce genre d'évènement depuis de longues années et nous avions fini par ne plus y croire. On espère que le renouveau du paysage culturel, avec madame le ministre de la Culture, Ama Tutu Muna, a sonné. Il fallait bien commencé et on a commencé par Manu. Le choix n'est pas mauvais ". Euphorique, Bassek ba Kobhio, lançait : " […] Ce n'est pas seulement l'attente du grand frère et ami Manu Dibango qui me remplit de joie, c'est un de ces moments de reconnaissance de la grandeur d'un homme que je m'apprête à vivre à qui m'excite. […]".
Presqu'un an plus tard, c'est au tour de la " maman " de la musique camerounaise, Anne Marie Nzié, de recevoir l'hommage de la nation décidé par le président de la République. Une initiative qui est accueillie avec le même enthousiasme que lorsqu’il s’agissait de Manu. Lundi dernier, lors de la conférence de presse de lancement de ces activités, plusieurs artistes locaux tels Sam Fan Thomas, Ange Ebogo Emérant et autres Déesse Binta ont tenu à rendre hommage à leur maman qui leur a par ailleurs prodigué quelques conseils. Expositions, galas et spectacles sont annoncés tout au long de la semaine pour rendre hommage, de la plus belle des manières à la " maman " nationale. L'apothéose est annoncée pour le week-end avec un spectacle à l’esplanade du musée national ce vendredi. Au ministère de la Culture, on explique ces hommages par la seule envie de reconnaître le travail effectué par un artiste. C'est d'ailleurs le parcours de ce dernier qui est salué.
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Ces hommages nationaux interviennent après ceux qui ont reconnu en janvier 2001 Manu Dibango et Roger Milla en tant que figures emblématiques du siècle écoulé. Meilleurs ambassadeurs du Cameroun de tous les temps, en fait, puisque personne d'autre, de l'avis commun, n'a jamais porté aussi haut et aussi loin l'étendard du pays que ces deux-là. Doit-on s'arrêter à cela ? Non affirment, comme un seul homme, les artistes, tout bord confondu. Alors qu'en 2007, Paul Fouda précisait dans nos colonnes : " Seulement, je pense qu'au-delà des hommages, l'on doit s'intéresser aux problèmes de la culture camerounaise de façon générale. Il y a quelques années, on parlait des Etats généraux de la Culture.
Depuis on n'en parle plus alors que c'est au cours de ce genre de manifestations que l'on peut vraiment discuter et trouver des solutions aux problèmes que l'on rencontre". Pour Roméo Dika, chanteur et candidat au poste de président du conseil d'administration de la Socam en juin dernier, il ne fait pas de doutes : "ces initiatives sont à encourager dans le sens qu'un hommage est une reconnaissance que l'Etat et le peuple accordent à une personnalité de la culture. Seulement, ce qui me gêne dans l'organisation actuelle, c'est qu'on y met beaucoup d'argent alors que la récipiendaire en a besoin. On pourrait essayer d'ajuster ce côté des choses. Par ailleurs, il faut penser à ouvrir ces hommages et reconnaissances aux autres artistes d'autres disciplines artistiques car, il n'y a pas que la musique au Cameroun".
Des propos que corrobore Jean Claude Awono, président de la Ronde des poètes du Cameroun. Selon lui en effet : "Il est tout à fait normal que ces êtres exceptionnels soient célébrés pour tout ce qu'ils ont apporté au pays mais je trouve qu'on en fait trop pour un seul art. Depuis longtemps, nous n'avons pas connu la reconnaissance d'un homme de Lettres au Cameroun alors qu'il y a des personnes comme René Philombe, Mongo Beti et Jeanne Ngo Mayi qui est en train de mourir sans soutien alors qu'elle est malade. Il faut penser à diversifier les choses".
Leur aîné, Ambroise Mbia, organisateur des Rencontres théâtrales internationales du Cameroun (Retic) tient tout de même à remettre les choses à leur place : " reconnaître le travail qu'a fait quelqu'un. C'est une motivation supplémentaire que l'on leur donne pour qu'ils poursuivent le travail qu'ils font et qu'ils continuent de servir d'exemple. Pour le moment, il y en a eu deux et on ne peut contester ce casting. Le plus important c'est de savoir que ce sont des artistes qui sont récompensés par le ministère de la Culture. Il faut arrêter avec le sectarisme. Il n'est pas à encourager dans notre contexte".