Dakar : Chez les Ahidjo aux Almadies

 

Rencontre avec Fatimatou Ahidjo, à la veille du 19è anniversaire du décès de l'ancien président du Cameroun.

ImageSur la route des Almadies, un quartier huppé et résidentiel à Dakar au Sénégal, la maison du défunt président du Cameroun, El Hadj Ahmadou Ahidjo, se dresse majestueusement. Il faut montrer patte blanche pour accéder à la demeure.

Un service de sécurité discret veille sur les lieux. Vu le statut de réfugiés de la famille au Sénégal, tout journaliste sénégalais doit  passer par le filtre de la sécurité de la gendarmerie sénégalaise, téléphoner à quelques officiels pour avoir le droit de parler politique avec les Ahidjo. Passé cette étape, la famille du tout premier président du Cameroun, décédé à Dakar, est accueillante, voire adorable.

Ahmadou Ahidjo  vécu ici aux Almadies pendant six ans. Après son départ volontaire du pouvoir le 6 novembre 1984, il entra rapidement dans une brouille avec  son successeur, Paul Biya, et fut condamné  à  mort par contumace pour tentative de coup d'Etat, avant  d'être réhabilité en décembre 1991.

A la place de la veuve Germaine Ahidjo, malade, c'est sa fille aînée qui nous reçoit. Elle se nomme Fatimatou Ahidjo. Boubou finement brodé en wax de couleur marron, lunettes bien visées sur le nez, la fille  est la reproduction de la mère. Fatimatou parle avec calme et sérénité, comme feu son père dont elle se prépare à commémorer le 19è anniversaire de la mort : "Nous allons faire des prières et réciter le coran sur sa tombe avec la famille et les amis. Ce sera une cérémonie simple et sobre", confie-t-elle.

Sur la question du  rapatriement du corps de l'ex-président du Cameroun, enterré au cimetière public de Dakar, elle précise. "Le gouvernement sait bien ce qu'il a  à faire. C'est à lui de prendre ses responsabilités sur cette question. Jusqu'ici, il  n'a fait aucun signe". Et d'ajouter, après un regard en direction de Germaine qui, quoique malade, contrôle  les propos de sa fille: "Ahmadou Ahidjo est un patrimoine du Cameroun et des Camerounais, cette question va au-delà de nous. Peut-être que le peuple camerounais veut que son défunt président repose définitivement dans son pays, mais c'est au gouvernement d'assumer cette volonté".

La famille d'Ahmadou Ahidjo  ne semble vouloir en dire plus.  Elle ne semble guère avoir des contacts avec les autorités camerounaises actuelles. Quid des démarches attribuées à l'ancien président béninois Emile Derlin Zinsou? Ce proche ami des Ahidjo  avait pris langue avec le président Biya pour essayer d'aplanir les divergences avec le gouvernement camerounais. "Nous n'avons aucune information sur cela, nous ne savons pas la suite qui a été donnée. C'est au gouvernement de dire ce qui s'est passé", insiste Fatimatou.

Dans la communauté camerounaise de Dakar, les avis sont partagés sur la question du retour  au bercail de la dépouille de l'ancien chef de l'Etat. Pour Guy Ekani, étudiant en journalisme à l'Institut supérieur d'enseignement et de gestion de Dakar, "c'est au gouvernement de le faire. Je pense d'ailleurs que ce sera tout bénéfice pour le président Paul Biya, une manière de redorer son  blason après les conditions dans lesquelles il avait lâché son mentor d'alors". Selon lui le Président Paul Biya pourrait rallier à sa cause, tout le clan de l'ex-président Ahmadou Ahidjo.

Arouna Nyayou, étudiant à la Faculté de médecine à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar et président de l'Association des étudiants camerounais au Sénégal, estime que c'est du ressort de la famille du défunt. "C'est elle la première concernée. Je pense que le gouvernement avait manifesté sa volonté mais qu'il y a eu des couacs entre les deux parties ",  révèle-t-il. A son avis, le gouvernement pourrait aussi en  tirer bénéfice. Mais il souligne que le retour de la dépouille  de Ahmadou Ahidjo peut aussi être gênant pour le président Paul Biya et donner lieu à une exploitation politicienne. Arouna Nyayou confie que beaucoup de Camerounais de passage au Sénégal se font le devoir d'aller prier sur la tombe de leur ancien président. "C'est une manière de lui rendre hommage pour ce qu'il a fait pour la nation".

 

Alassane Samba Diop, RFM Dakar

(Correspondance particulière)


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