Le métier de conducteur de mototaxi, habituellement appelé benskin, va connaître une mutation profonde en 2009. Le Premier ministre chef du gouvernement, chief Inoni Ephraïm, a en effet signé le 31 décembre 2008 un décret faisant de cette activité qui se déroulait jusque-là dans l’informel une profession réglementée. Le texte primatural légalise la profession en fixant un certain nombre de conditions que les benskineurs devraient désormais remplir pour exercer leur activité. Pour être en règle, chacun devrait débourser pas moins de 60.000 Fcfa, c’est-à-dire la recette de tout un mois de travail. Certains devraient carrément abandonner le travail pendant au moins six semaines, le temps d’aller se former à l’auto-école pour obtenir un permis de conduire de catégorie “ A ” avant de revenir travailler. Si cette condition (l’obtention d’un permis de conduire) est fondamentale, il faut relever que les benskineurs qui entretiennent leurs familles grâce aux revenus journaliers de la moto auront du mal à en assumer les implications.
En tout cas, le gouvernement qui vient de reconnaître officiellement que le benskin remplit une fonction économique et répond à une demande sociale a ainsi ouvert un foyer de contestation qui va s’animer en 2009. Avant, les conducteurs de mototaxis étaient soumis à des “ réglementations ” communales ou préfectorales. Celles-ci n’avaient pas toujours une force de contrainte suffisante pour les faire plier. Beaucoup échappaient ainsi aux mesures communales et préfectorales. Au plus haut niveau, le gouvernement vient de remettre aux chefs de terre la chicotte “ légale ” pour fouetter les benskineurs entêtés. Mais on risque une confrontation sociale forte, d’autant plus que certains benskineurs aiment souvent se définir eux-mêmes comme des hors-la-loi. Cette perception qu’ils ont de leur activité vient de ce que faire le benskin semble être un signe d’échec social et professionnel. En effet, ce métier est le refuge de tous ceux qui n’ont pas trouvé mieux ailleurs. Quand un jeune est désœuvré au village, on l’amène en ville pour faire le benskin. Quand un diplômé de l’enseignement secondaire ou supérieur n’a pas pu trouver du travail, il se débrouille d’abord avec le benskin en attendant. Quand quelqu’un a perdu son boulot, il s’achète d’abord une moto pour “ attaquer avant de voir ”, etc.
Cette activité qui s’est d’abord développée de façon marginale au nord et à l’est-Cameroun à l’orée des années 1990 s’est répandue partout dans le pays. Elle recrute désormais des milliers de jeunes aux profils les plus divers mais qui partagent tous le sentiment d’échec du fait, selon eux, d’une mauvaise gouvernance de ceux qui dirigent. Quand ils doivent payer des impôts ou des taxes, ils ont toujours l’impression que le gouvernement qui est responsable de leur condition de misérable veut davantage abuser d’eux. Cette attitude n’est pas étrangère aux nombreuses échauffourées entre ces derniers et les forces de l’ordre. Ce qui aboutit très souvent aux troubles les plus graves. On se rappelle les émeutes du 09 juillet 2003 à Douala, où les benskineurs, ayant appris que l’un d’eux avait été tué par des éléments de la force de l’ordre, avaient pris la ville en otage, brûlant des commissariats et postes de police, organisant la chasse aux policiers, coupant des routes et saccageant des commerces et stations services. Des faits similaires sont récurrents à Bertoua, Bafoussam, Bamenda, Garoua, Maroua, etc.
Maintenant que la profession qui était jusque-là officiellement niée par le gouvernement vient d’être légalisée, il faut craindre que le contrôle de conformité à la réglementation – de laquelle beaucoup tenteront de se soustraire – n’aboutisse à de nouvelles émeutes. Sur cette question, les maires, sous-préfets, préfets, gouverneurs, … doivent user de beaucoup de tact pour éviter la dérive, quand on sait que des benskineurs boudent déjà le décret primatural. Qui vivra verra !
mboasawa
3713 Blog des postes