Ape intérimaire : Le Cameroun perdra 13 000 milliards Fcfa en 20 ans


Selon une étude du ministère des Finances, c’est la conséquence de l’accord signé le 15 janvier dernier avec l’Union européenne.

Le 15 janvier dernier, le gouvernement camerounais et l'Union européenne (Ue) ont signé un accord de partenariat économique d'étape (Ape d'étape). En l'absence d'un Ape avec tous les pays de la zone Acp, le document signé la semaine dernière à Yaoundé codifie les échanges commerciaux entre l'Ue et le Cameroun. En attendant que les négociations sur la signature d'un accord global entre l'Ue et les pays Acp aboutissent. Selon l'accord intérimaire dont il est question, le Cameroun va continuer d'exporter nombre de ses produits agricoles ou transformés vers l'Ue en franchise des droits de douane. Ce qui est certainement une bonne nouvelle pour les producteurs camerounais de la banane (qui sont en majorité des occidentaux), lesquels, en l'absence d'un tel accord, et en vertu des règles de l'organisation mondiale du Commerce (Omc), devaient être obligés de combattre d'égal à égal sur le marché européen avec "la banane dollars américaine", plus compétitive. Mais en contrepartie de ces préférences commerciales que l'Ape intérimaire signé entre le Cameroun et l'Ue permettent de maintenir en faveur de notre pays ; le Cameroun s'est engagé à son tour, à "libéraliser 80% de ses importations en provenance de l'Ue sur une période de 15 ans". Ce qui signifie un chut quasi complète des barrières douanières à l'entrée du Cameroun pour tous les produits provenant de l'Union européenne. Une situation qui va déboucher sur l'envahissement du marché camerounais par les produits en provenance d'Europe, au détriment de l'industrie locale.

Impact
C'est ainsi, par exemple, que le fabriquant de bougies de Mvog-Ada, qui squatte un pan de la maison familiale pour son activité, sera obligé d'affronter la concurrence d'un industriel français produisant des bougies plus compétitives et à grande échelle ; lesquelles seront en plus quasiment exonérées de droits de douane une fois arrivées au port de Douala. Dans ces conditions, il est fort à parier que les bougies venues de France seront vendues moins chères au Cameroun que celles produites localement. Au grand bonheur des consommateurs camerounais, certes. Mais malheureusement au grand dam du producteur local. Qui va fermer boutique au bout du compte. Et renvoyer plusieurs employés. Cet exemple est transposable à toutes les autres entreprises camerounaises. Et pousse à s'interroger si l'accord intérimaire signé le 15 janvier est avantageux pour le Cameroun ? La réponse à cette question est mieux véhiculée par une "étude d'impact budgétaire de l'Ape intérimaire", commandée par le ministère des Finances l'année dernière, et restituée le 7 août 2008 au cours d'un séminaire organisé à l'hôtel Mont Fébé à Yaoundé.

A en croire cette étude confiée à un groupe de travail du Minfi auquel a collaboré Arnauld Christian Emini, chercheur et enseignant à l’Université de Yaoundé II, à cause de cet accord d'étape régissant désormais le commerce entre le Cameroun et l'Union européenne, l'Etat camerounais, qui ne peut pas démentir le besoin impératif de mobilisation de fonds publics ; va perdre entre 4 et 129 milliards Fcfa de recettes fiscalo-douanières entre 2010 et 2023. De quoi construire un millier de salles de classes et autant de centres de santé dans les zones reculées du pays. Ces pertes sèches vont même atteindre 233 milliards Fcfa en 2030.

Selon la même étude, les statistiques de l'impact de cet accord sur la période 2010-2030 pour l'économie camerounaise en général sont ahurissantes : manque à gagner de 29 milliards de Fcfa en 2010, avant d'atteindre un cumul de 7.000 et 13.000 milliards Fcfa respectivement en 2023 et 2030. Même si le rapport de l'étude sus mentionnée prévoit d'exiger des compensations à l'Union européenne. Cette communauté n'avait-elle pas déjà refusé de considérer comme partie intégrante des Ape le financement par ses soins de la remise à niveau des entreprises africaines, condition alors posée par nombre de pays africains pour la signature d'un Ape définitif avant le 1er janvier 2008 ?

Brice R. Mbodiam

mboasawa

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