La défense du président du Sdf a fait cette demande hier lors de l'audience qui a dévoilé les derniers instants du défunt. Les trois juges qui composent le tribunal de grande instance du Mfoundi ont rejeté hier jeudi 5 mars la demande de relaxe des 21 personnes accusées du meurtre du militant du Sdf Grégoire Diboulé le 26 mai 2006 à Yaoundé. Cette demande avait été formulée par la défense des accusés à travers Me Francis Sama qui a estimé qu'en l'espèce, et au regard de la tradition judiciaire anglo-saxonne appliquée dans les deux régions anglophones du Cameroun, le tribunal pouvait juger que les faits et les éléments de preuve rapportés jusqu'alors n'étaient pas suffisamment solides pour continuer les poursuites.
Mais John Fru Ndi, le président du Sdf est accusé de complicité de meurtre dans cette affaire. D'après le tribunal, la loi en la matière est claire : après l'audition des témoins, le procureur de la République doit présenter ses réquisitions ; et la partie civile effectuer des observations. "C'est ce que nous ferons la prochaine fois", a dit le juge Gilbert Schlick, président du tribunal, tout en indiquant, face à l'insistance des avocats de la défense, qu'il s'agissait de respecter la loi et non les usages observés par d'autres tribunaux en dépit de l'harmonisation de la procédure pénale dans les deux zones linguistiques du Cameroun. Les juges ont dès lors fixé la poursuite de l'audience suspendue hier à 18h, après quatre heures de débat, au 26 mars prochain.
Durant les débats, l'un des témoins a raconté devant la cour les circonstances dans lesquelles Grégoire Diboulé est mort. Tout au moins, les derniers instants qui ont précédé la découverte de sa dépouille étendue sur le macadam, non loin du Mess des officiers à Yaoundé. Selon ce témoin, Alexandre Ndehe, un quart d'heure avant 6h ce fameux 26 mai 2006, alors qu'il s'apprêtait à participer au congrès de son parti le Sdf (convoqué par une branche opposée à celle de John Fru Ndi qui se réunissait le même jour à Bamenda), il avait quitté la permanence du Sdf à Olezoa.
" Puisque nous habitions le même quartier, a témoigné M. Ndehe, nous sommes allés nous apprêter ensemble à la maison. Diboulé a stoppé deux taxis et leur a proposé notre destination : Mimboman Liberté. Ils ne nous ont pas acceptés. Aussi, il a proposé que nous marchions jusqu'à la poste centrale comme nous le faisions souvent, afin d'emprunter un taxi plus facilement. Mais peu après, nous avons vu passer un groupe de quatre personnes sans y prêter attention. A leur suite, j'ai vu le camarade Mathias Angwejang qui dirigeait un groupe plus nombreux. J'ai alors dit à Diboulé: nous sommes morts. Il m'a demandé : et pourquoi ? Ne vois-tu pas Angwejang… "
La décision de rebrousser chemin s'impose alors pour les deux camarades car selon le témoin, Mathias Angwejang était armé d'un gourdin, tout comme les hommes avec lesquels il se serait présenté : " Ils avaient des flèches, des gourdins, des machettes et Angwejang a crié : catch him [arrêtez-le]. J'ai fait volte-face. Diboulé aussi. Dans ma fuite, les quatre personnes qui nous avaient rencontrés quelques minutes plus tôt ont essayé de m'arrêter, je suis passé en force. " Plus tard, sur la suite des événements au siège du parti, Alexandre Ndéhé a expliqué ce que nombre de ses camarades ont dit hier et aujourd'hui.
Une pluie de pierres s'est abattue sur la permanence. Une fois le portail défoncé, les assaillants ont administré une violente bastonnade à tous ceux qu'ils trouvaient sur place. Mais, à la différence des autres témoins, M. Ndéhé reconnaît s'être défendu. Il a en effet déclaré avoir frappé, d'un coup de machette qu'il avait trouvée dans sa fuite, un assaillant qui le menaçait d'un gourdin. " Nous avons renvoyé les cailloux qu'ils nous jetaient jusqu'au moment où la barrière est tombée. J'ai alors dit aux camarades qu'il était préférable de se disperser, pour qu'il y ait au moins un témoin qui racontera ce qui s'est passé. ", a-t-il encore confié.
A la fin, il y aura bien plus d'un témoin pour dire ce qui s'est passé. Mais personne ne saura, à moins que les auditions futures des accusés ne révèlent des faits inédits, ce qui s'est passé après que Alexandre Ndéhé se soit enfui. Cette zone d'ombre a d'ailleurs servi aux avocats pour dire que le témoignage " capital ", selon la défense, du dernier témoin ayant vu Diboulé n'exclue pas la possibilité qu'il ait été agressé par… " D'autres personnes " qui lui en voulaient ou même " un taxi " qui passait par là.
Jean Baptiste Ketchateng
mboasawa
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