Enquête : Biyiti Bi Essam et l’argent de la visite du pape

Comment l’argent public s’est-il retrouvé dans un compte bancaire du ministre de la  Communication ?

ImageProtos, redoutable propagateur de rumeurs, personnage de Gide dans Les Caves du Vatican, a-t-il élu domicile au ministère de la Communication?

L’entourage de Jean-Pierre Biyiti Bi Essam, en est convaincu, depuis que l’affaire dite de détournement des fonds alloués par le gouvernement  à ce département ministériel pour la visite de Benoît XVI s’étale dans la presse. «On a organisé un lynchage médiatique contre le ministre. Tout se passe comme si, face à l’impossibilité d’obtenir sa tête, on en appelle à la justice populaire pour faire tomber le ministre».

Ce «on» a un nom que l’on se refuse à prononcer au cabinet du  Mincom. On  renvoie le reporter aux articles publiés sur l’affaire, notamment aux deux papiers de Radio France international (Rfi). «Quand vous écoutez attentivement, quand vous connaissez certains antécédents avec le ministre, vous pouvez imaginer qui est l’informateur de la presse et qui la manipule». Au  Mincom, comme d’habitude, le bouc émissaire est donc tout trouvé : les médias et ces collaborateurs «à qui le ministre a retiré la gestion de certains crédits parce qu’ils les consommaient sans rien produire». A ce stade de notre enquête, on n’en dit pas davantage au Mincom.

Pour  en savoir plus sur les 130 millions de Fcfa retrouvés dans un compte de Jean-Pierre Biyiti Bi Essam, il faut aller Place Repiquet de Yaoundé, à l’agence Société générale des banques du Cameroun (Sgbc). Un cadre de la banque qui a requis l’anonymat se souvient avoir reçu un coup de fil du ministre, un soir de février 2009. «A une heure assez tardive », reconnaît-il, sans plus. L’illustre interlocuteur a besoin d’un coffre-fort pour, dit-il, «sécuriser des fonds d’un montant élevé». Impossible, à cette heure, d’accéder à la requête ministérielle. Après un moment d’hésitation, le banquier propose une autre solution: encaisser l’argent dans le compte du client Biyiti Bi Essam.

L’historique de ce compte fait apparaître plusieurs retraits pendant la période des préparatifs de la visite papale, ainsi que deux versements d’un montant total de 130 millions, avec pour libellé : «Versement pour arrivée pape». Le premier, d’un montant de 60 millions de Fcfa, intervient le 27 février 2009.  Le second, 70 millions Fcfa, le 10 mars 2009. «Nous avons encaissé cet argent sur insistance du ministre, qui nous a promis les justificatifs pour plus tard», explique-t-on à la Sgbc. La banque se défend d’avoir enfreint la réglementation. Celle-ci fait obligation à la banque de signaler à l’Agence des investigations financières (Anif) tout dépôt suspect ou d’un montant important. Ce qui a été fait, si l’on en croit notre source à la banque.

Fort des informations reçues à la banque, retour au ministère de la Communication. Le Jour arrive enfin à délier la  langue à un proche collaborateur de Biyiti Bi Essam. Il confirme en partie les informations du banquier. «Oui, le ministre a quelque peu  transgressé la réglementation qui interdit aux fonds publics de dormir dans un compte privé. Mais c’était par mesure de prudence». Ce même jour, explique-t-il,  le conseil de cabinet s’est réuni à l’Immeuble Etoile, avec pour sujet à l’ordre du jour l’insécurité dans les édifices publics. «Comme par hasard, c’est ce même jour que l’argent nous est livré en sacs». Que n’aurait-on pas dit si on avait cambriolé cette nuit-là ?…On attendait de l’argent fiduciaire et non des sacs d’argent ». Il précise également que tous les justificatifs réclamés  par la  banque, c’est-à-dire la lettre du ministère des Finances qui n’était pas encore disponible au moment de recevoir les fonds, ont été remis à la banque. Et le collaborateur de Biyiti de se marrer à l’idée  qu’un ministre qui veut détourner associe ses services financiers, en l’occurrence la Direction des affaires générales. «Sauf à prendre le ministre pour un Belge», se gausse-t-il.

Les arguments du ministère ne semblent pas avoir convaincu les enquêteurs de la Pj. A ce jour, dame Chantal Ndzié, Dag du Mincom, et Janvier  Mvoto Obounou, directeur de la communication privée, ont été entendus à la Direction de la police judicaire.  En principe, le Dg de la Crtv, ainsi que ceux de la Camtel et de la Sopecam devraient suivre. Sur les 770 millions affectés au ministère de la Communication, ils en auraient empoché respectivement  450, 140 et 40 millions de Fcfa.

Le ministre Biyiti Bi Essam,  si prompt à pontifier dans les médias, semble subitement se fermer à ses confrères. Convaincu qu’il est, qu’un Protos tapis dans les caves du Mincom,  en veut à son poste.

Xavier Luc Deutchoua


mboasawa

3713 Blog des postes

commentaires