François Fillon répond aux questions de la presse


Image

Extraits de la conférence donnée jeudi dernier à l’Iric par le Premier ministre français.

Monsieur le Premier ministre vous avez beaucoup évoqué l’accord de coopération dans le domaine de la Défense, il est heureux de savoir ce qui a été fait par le passé, et pour savoir quel est le contenu réel du nouvel accord qui vient d’être signé.
L’accord, vous allez le connaître puisque comme je le disais tout à l’heure il sera public. C’est donc un accord qui sera à la disposition de chacun, c’est la transparence que nous voulons. C’est un accord qui pour l’essentiel est destiné à faciliter le soutien des forces françaises à la formation, à l’entraînement, à l’équipement des forces armées camerounaises, qui comprend des modalités d’exercices communs, qui comprend des modalités d’interventions communes et qui est un accord qui en aucun cas ne conduit à stationner naturellement des forces ou à s’ingérer de quelque façon que ce soit dans les affaires du Cameroun et c’est ça que nous voulons mettre en œuvre dans tous les pays africains pour l’avenir.
 
On aimerait bien savoir ce qui va se passer avec les victimes, disons collatérales, des imperfections ou de ce que vous avez appelé les "scories du passé" qui étaient contenues dans le précédent accord ? Et je pose la question parce que des Ong estiment qu’il y a plusieurs nationalistes camerounais notamment qui sont tombés, qui ont été assassinés par l’armée française. Ma deuxième question c’est au niveau de l’accord de coopération monétaire dénoncé par certains universitaires. Il y en a qui ont adressé une lettre ouverte au président français pour dénoncer le contenu de cet accord qu’ils estiment désavantageux et meurtrier pour les économies africaines. Est-ce que, comme pour l’accord de défense militaire, on peut s’attendre à une révision de l’accord de coopération monétaire dans un futur proche ?
Alors sur le premier sujet, je dénie absolument que des forces françaises aient participé en quoi que ce soit à des assassinats au Cameroun, tout cela c’est de la pure invention. Et naturellement lorsque je parlais de "scories" ce n’est pas à ça que je pensais. Quand je parlais de "scories" je pensais à une période pendant laquelle la coopération était une coopération, comment dirais-je, qui venait d’en haut, qui venait des pays développés vers les pays africains, qui n’était pas un partenariat, qui n’était pas partagée, qui ne faisait pas l’objet au fond d’une sorte de codécision pour prendre une expression que les parlementaires européens aiment beaucoup, d’une codécision entre l’Afrique et l’Europe. Voilà ce que nous voulons changer. Quand nous avons décidé avec le président de la République de lancer l’initiative de l’union pour la Méditerranée, c’est parce que nous pensons que les pays de la Méditerranée doivent se prendre en charge et constituer un ensemble régional comme l’a constitué en son temps l’Union européenne. Eh bien de la même façon désormais tous les accords de défense que nous aurons avec des pays africains, ce seront des accords qui seront transparents et qui correspondront à la demande de ces pays et qui respecteront naturellement intégralement leur souveraineté. Sur le deuxième sujet qui concerne le fonctionnement - si j’ai bien compris - de la monnaie et donc de la zone du franc CFA, c’est aux pays africains de prendre leur responsabilité. La France n’impose aucune règle. Et si des décisions monétaires doivent être prises elles doivent être prises par les pays de la zone. Il n’y a aucune tutelle, aucun contrôle de la France sur cette politique monétaire qui est une politique qui est conduite par l’ensemble des Etats qui partagent la même monnaie avec les instruments de la régulation. Et je pense que ceux qui émettent ces jugements d’abord le font un peu à l’emporte-pièce, mais surtout se trompent d’interlocuteur. Ce sont les chefs d’Etats africains qui ont la maîtrise de cette décision.
 
Monsieur le Premier ministre, est-ce que vous avez des précisions sur l’état de santé du président gabonais Omar Bongo ?
Ecoutez, pas plus que vous. Je sais que le président est soigné, je sais que ce matin sa santé était satisfaisante. Je formule des vœux de prompt rétablissement au président Bongo en espérant naturellement qu’il sera remis sur pied le plus vite possible.
 
On entend ici un peu de déception de la part des Camerounais du fait que Nicolas Sarkozy n’ait pas honoré une de ses promesses de venir ici dans ce pays à l’occasion de ses différentes tournées. Est-ce que vous pouvez nous dire s’il viendra ou pas ?
Je pense, monsieur Jeudy [Le Figaro, auteur de la question], que la déception c’est d’abord la votre. Il me semble d’ailleurs que la semaine dernière ou il y a quinze jours, alors que je me déplaçais en Slovénie, vous m’avez posé la même question. Donc vous devez avoir les oreilles qui sont un peu déformées parce que vous entendez des déceptions partout que moi je n’entends pas. Je n’ai pas vu de déception autour de moi tout au long de cette journée. Naturellement, j’imagine que le peuple du Cameroun, le Premier ministre du Cameroun, le président Biya seront très heureux d’accueillir le moment venu le président de la République française, pour l’instant c’est le président Biya qui viendra en visite officielle à Paris au mois de juillet et nous allons tout faire pour lui donner un accueil qui est l’accueil qu’il mérite parce que le Cameroun est un grand pays, c’est un pays stable, c’est un pays qui a fait beaucoup d’effort dans la construction d’institutions démocratiques, d’institutions stables, c’est un exemple qui est à suivre, et nous ferons tout pour le montrer au président Biya. Pour le reste, essayez d’être moins déçu, faites preuve de moins de déception monsieur Jeudy parce que ça doit vous gâcher la vie d’être déçu tout le temps.
 
Monsieur le Premier ministre nous savons que la lutte contre l’immigration clandestine passe par la création au Cameroun prioritairement d’un environnement social viable. Alors des chefs d’Etats africains ont été mis en cause chez vous en France pour avoir pillé les biens de leur peuple, pourquoi est-ce que votre Etat a demandé que la procédure soit arrêtée ?
Non, l’Etat français ne se mêle pas du fonctionnement de la justice, il y a des instances qui sont en cours, le parquet est amené à juger de chaque plainte pour vérifier que ces plaintes sont fondées, il le fait s’agissant des plaintes qui ont été formulées à l’encontre de certains chefs d’Etats africains, de la même façon qu’il le fait lorsqu’il traite n’importe quelle autre plainte. Quand les plaintes sont fondées il y a des poursuites, quand les plaintes ne sont pas fondées, quand elles ne sont pas fondées en droit je veux dire il n’y a pas de poursuite. Pour le reste c’est la justice française qui est indépendante qui conduira le cas échéant ces instructions et le gouvernent français n’y prendra aucune part.
 
Pardonnez moi, je ne voudrais pas parler de déception mais de mauvais souvenir qui est peut-être celui laissé ici en Afrique par le discours du président de la République à Dakar. Qu’est-ce que vous pourriez dire puisque c’est votre première visite ici en Afrique Subsaharienne pour tenter d’effacer ou d’atténuer ce mauvais souvenir ?
D’abord ce n’est pas le sentiment que m’a donné le président Biya. Ce n’est pas le sentiment que m’avait donné le président Mbeki lorsqu’il avait écrit au président de la République française pour le féliciter du discours de Dakar. Je pense que le discours de Dakar a été mal lu par un certain nombre d’observateurs qui en ont extrait une phrase et qui ont essayé de donner avec cette phrase la couleur d’un discours qui était très différent. Sans doute, de tous les chefs d’Etat français, Nicolas Sarkozy est celui qui a dénoncé avec le plus de clarté et le plus de vigueur dans le discours de Dakar le colonialisme et la pratique de l’esclavage. Et donc je pense que ce discours a été amputé d’une grande partie de son sens, que beaucoup d’Africains ne l’ont pas ressenti comme vous venez de l’indiquer. Pour ceux qui l’auraient ressenti comme cela, je les invite à le relire et à constater que c’est au contraire un discours qui propose à l’Afrique enfin un vrai partenariat. Parce que c’est ça la réalité. La réalité c’est que nous voulons construire avec les pays africains un partenariat d’égal à égal. Chaque pays africain est souverain, il a des dirigeants qui sont des dirigeants désignés par les peuples des pays africains, et c’est avec eux que nous voulons construire l’avenir. Pour autant nous n’oublions pas l’histoire, Nicolas Sarkozy l’a rappelé dans ce discours et je constate, des entretiens que j’ai eus avec monsieur le Premier ministre, avec le président Biya, que chacun a très bien compris l’état d’esprit dans lequel est le président de la République française. Nous voulons renouveler les relations de la France avec l’Afrique, nous voulons construire avec l’Afrique, et c’est à cela que nous nous employons.

mboasawa

3713 Blog des postes

commentaires