
La chanteuse camerounaise est décédée hier à Paris, des suites de maladie.

Avec Sissi Dipoko et bien d'autres chanteurs et musiciens, Charlotte Mbango fait partie de ce qu'on considère, à l'époque, comme l'équipe nationale du Makossa. Arrivée en Europe en 1979 alors qu'elle est encore mineure, elle va continuer à séduire par sa voix. De nombreux groupes musicaux de diverses nationalités vont ainsi la solliciter. Avant que Aladji Touré, le bien connu bassiste et producteur, lui propose de compiler un ensemble d'anciens succès d'artistes camerounais. En 1987, "Nostalgie", le premier album de Charlotte Mbango, est ainsi né, avec un titre, "dikom lam la moto", qui fait un véritable tabac. La mayonnaise prend. Et l'artiste remet ça. Sous le label Sonodisc, ses remix font danser les millions de mélomanes à travers l'Afrique. La notoriété acquise, Charlotte Mbango peut désormais oser un pari fou : composer et chanter ses propres chansons…
Konkaï Makossa
Pour son coup d'essai, elle se fait néanmoins assister par un vieux briscard, Guy Lobè. Nous sommes en 1991. A peine arrivé dans les bacs grâce à Toure Jim's Records, l'album "Konkaï Makossa" fait fureur. Un tube, qui lui vaut un disque d'or personnellement remis par un certain Paco Rabane. "Konkaï Makossa" est, en fait, une composition de Guy Lobè que Charlotte Mbango interprète avec un talent remarquable. Succès assuré. Le titre phare raconte l'histoire d'une jeune fille à qui les parents et aînés conseillent de mettre un terme à ses sorties nocturnes répétées. Dans le même album, on retrouve des chansons telles que "Ayo mbae", "Nguina mulema", "Yoma yoma" et "Bito", qui seront toutes adoptées par les mélomanes. "Bito" précisément, est une autre composition de Guy Lobè dans laquelle Charlotte Mbango conseille aux jeunes filles de laisser les maris d'autrui tranquilles.
Cinq ans plus tard, en 1996, l'artiste revient au-devant de la scène avec un nouvel album : "Massoma" (Merci). Charlotte Mbango avouera qu'il s'agit d'un message adressé à tous ceux-là qui l'ont aidée pendant la longue période de maladie, qui l'avait momentanément éloignée de la scène. "Massoma" fait surtout fureur aux Etats-Unis, où l'artiste aura également l'occasion d'offrir quelques spectacles. Charlotte Mbango y prône notamment la paix, "parce que les peuples à travers le monde s'entre-déchirent", soutenait-elle.
1998 marque le retour à ses premiers amours : le gospel. Elle enchaîne "Combines religieuses", "Sans papiers" (compil), "Mon combat" (2002) et un Best off sorti en 2003. La composition des titres "Bana O Topina", "Ya Na Mba" et bien d'autres contenus dans l'album "Essuw'am", boucle une année spéciale. Cette année-là, Charlotte Mbango reçoit en effet le "Tamani d'honneur" à Bamako (Mali), un prix qui récompense les meilleurs chanteurs africains. Entre-temps, elle prête sa voix au concept "Age d'or". Un succès tout aussi retentissant l'y attend, en duo avec le regretté Tom Yom's avec qui elle interprète "Senga To".
Admiratrice de Miriam Makeba, Charlotte Mbango a collaboré dans les albums et les spectacles de Manu Dibango, Tsala Muana et Paul Simon, entre autres. Mais, le dernier album de sa carrière et de sa vie, sera entièrement constitué de cantiques. "De la musique pour nourrir nos âmes, le chant par excellence…", qualifiera Charlotte Mbango elle-même. Comme pour boucler la boucle. Mère d'une fille unique aujourd'hui âgée de 21 ans, l'artiste a séjourné pour la dernière fois au Cameroun en décembre 2007. Elle était la promotrice de l'"Ecole maternelle et primaire les régals" à Bonamouang (Douala), qui a malheureusement fermé ses portes l'an dernier pour cause de mauvaise gestion. La famille de la défunte n'a pas encore arrêté un programme pour les obsèques de Charlotte Mbango. Mais la communauté des artistes camerounais annonce, à Douala et à Paris, de nombreuses concertations en vue de lui rendre un hommage des plus mérités.
REACTIONS
Beko Sadey, musicienne
Charlotte Mbango et moi étions en symbiose. On était dans un groupe avec le feu Tom Yoms, Ottou Marcellin et les autres, qui luttait contre ceux qui voulaient détruire la culture camerounaise. Je garde d’elle le souvenir d’une combattante qui a beaucoup œuvré pour notre culture, en particulier le makossa. Mais, on voit que Charlotte n’a pas reçu, par exemple, une médaille pour tout son travail. Je déplore l’état de l’artiste camerounais qui tombe sur le champ de bataille sans honneur. Peut-être qu’on nous attend tous au tombeau pour cela.
Isidore Tamwo, musicien

Sam Fan Thomas, musicien

Joe Mboule, musicien
Charlotte Mbango était une femme persévérante qui allait toujours au bout de ce qu’elle entreprenait. Une vraie battante. Elle avait une très belle voix et se battait seule. J’ai découvert ses talents de l’extérieur. C'est-à-dire que malgré le fait que je sois son frère, elle demandait très rarement mon soutient. Je voyais simplement sa carrière internationale évoluée. Elle cherchait seule ses contrats et j’en étais fier. Elle a marqué de son empreinte le makossa. Dans la variété camerounaise à son époque, il n’y avait pas beaucoup de chanteuses qui avaient des voix qui portaient. Un peu comme du temps des Anne Marie Nzie et Rachel Tchoungui. Dans sa génération, il y avait par exemple Annie Anzouer, mais elles n’étaient pas nombreuses.
Propos recueillis par Christian Nounkeu ( LEJOUR)
Eugène Dipanda
Eugène Dipanda

Charlotte Mbango en compagnie de Sissy Dipoko


Longuè Longuè , CM, Nazaire

Avec Bisou Bass

Avec Sissy Dipoko

A. Touré, C.Mbango, G. Nazaire, Mbida Douglas

Avec Annie Anzouert