Politique : Lettre ouverte a monsieur le president de la Republique


Le député Sdf interpelle le chef de l’Etat sur sa responsabilité face aux dénonciations du Ccfdt.

Monsieur le président de la République,
Le rapport 2009 sur les "Biens mal acquis" du Comité catholique contre la faim et pour le développement (Ccfd) a fait ressortir des faits extrêmement graves susceptibles, s'ils sont avérés, de briser le maigre fil de confiance qui semblait encore vous lier à certains de nos compatriotes. On y évoque essentiellement les mauvais rapports à l'argent que vous entretenez.
- Vous posséderiez des châteaux en France et en Allemagne
- Vous auriez offert le 02 mars 1990 un don de 280 millions Fcfa à une secte dénommée Osti par le biais de la Snh
- Entre 1992 et 1996, toujours par le biais de la Snh, vous avez offert à cette même secte 1,12 milliards d'euros.

- Vous auriez accordé à Raymond Bernard un prêt sans intérêt d'un montant de 40 millions de FF pour la construction du siège de l'Osti
Si ces informations sont vraies, je ne peux qu'être ébloui- sans pour autant vous dédouaner- de l'immensité de la richesse que l'on vous attribue en seulement 27 ans de pouvoir. Contrairement à vos proches qui ont atteint le paroxysme de la caricature en proclamant toute honte bue que cela ne représente rien pour le président du "Pays Pauvre et Très Endetté" que vous êtes.
Par ce que vous vous enrichissiez de façon incompréhensible pendant que le Cameroun passait du stade de pays à revenus intermédiaires à celui de "Pays Pauvre et Très Endetté", j'ai le devoir, en tant que député de la nation, de ne pas me contenter de voir ce que vous vous obstinez à montrer au peuple depuis la publication du rapport du Ccfdt et, si vous le voulez bien, de vous prodiguer quelques modestes conseils

Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de revisiter brièvement votre passé.
Quand vous êtes arrivé au pouvoir en novembre 1982, le peuple se disait : "Voilà enfin un homme qui, de par ses origines très modestes, a dû connaître bien des souffrances. On peut lui faire confiance. Il est comme nous. Contrairement à d'autres collègues, il n'a rien amassé malgré sa longue et prestigieuse carrière dans les hautes sphères de l'administration. Les différents séminaires qu'il a fréquentés durant sa jeunesse ont forgé son jugement et son caractère et lui ont certainement appris la prudence et la sagesse."
Cette euphorie fut malheureusement de courte durée. Très rapidement et plus précisément le 16 mars 1983 nos compatriotes ont très vite déchanté après la publication d'un article dans le très sérieux journal Le Canard enchaîné faisant état de ce que disposeriez de deux acquisitions en France : l'une avenue Foch à Paris, l'autre sur la Côte d'Azur, à Cagnes-sur-Mer. Nos compatriotes s'étaient alors indignés de cet enrichissement rapide. Dans les salons et dans les chaumières, on pouvait les entendre murmurer sous cape : "Quelle erreur. On s'était trompés !! "

Vingt sept ans après, ans après, le sentiment est le même. Il s'est accentué depuis la publication du rapport du Ccfdt. Ce volte face du peuple tient sans doute au fait que tout au long de votre règne, la gabegie, la corruption, les détournements de deniers publics et le népotisme érigés en méthodes de gouvernement ont eu des effets dévastateurs de très forte amplitude sur le pays au point où chaque camerounais porte aujourd'hui et portera encore pour longtemps les stigmates de votre règne.
Le nombre de chômeurs n'a jamais cessé de progresser. Des usines ont fermé partout dans le pays. Les agriculteurs ont été abandonnés à eux-mêmes. Les cadres sont exaspérés.
Le "ben skin" est devenu le mode de transport le plus utilisé dans le pays. Les étudiants devenus furieux sont aux frontières de l'insurrection da fait de leur mal vivre. Vous qui aviez pourtant fréquenté gratuitement et obtenu des bourses tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays grâce à l'impôt de leurs parents refusez aujourd'hui de retourner l'ascenseur à ces jeunes compatriotes qui, quoique vous fassiez, seront et feront le Cameroun de demain.
Comme vous le constatez, monsieur le président, sous votre règne, la précarité n'a pas seulement frappé les déshérités et les plus démunis. Elle a aussi frappé et continuera de frapper aussi les couches dites moyennes qui éprouvent de plus en plus de mal à boucler leur fin de mois.

Comme si cela ne suffisait pas, vous avez décidé depuis 1990 de mener une offensive violente contre les libertés démocratiques. Le peuple refuse de participer aux élections par ce qu'il estime que les résultats sont connus d'avance du fait des tripatouillages et des achats multiformes de conscience. Ce peuple ne dort pourtant pas. Vous en êtes conscient. Vous savez mieux que quiconque que malgré les manipulations des différents charcutiers qui vont se succéder au Minatd, malgré les sous Préfets qui sont devenus de grands électeurs au point de déclarer électeurs les fantômes et les zombies, malgré le pilonnage de la Crtv qui est devenue votre principal organe de propagande, malgré les pressions diverses de certains lobbies ténébreux, malgré les menaces circonstanciées et les chantages assortis, malgré la mise sur pied d'Elecam qui n'est qu'une antichambre du Bureau politique et du Comité central de votre parti minoritaire sur le terrain, le verdict de ce peuple finira par triompher.

Monsieur le président, revenons sur le dossier des "Biens mal acquis"
Bien avant le rapport du Ccfdt qui vous incrimine, vous avez personnellement été mêlé à plusieurs affaires de détournement de deniers publics.
J'ai encore en mémoire l'affaire de la défunte Société camerounaise de banque.
J'ai aussi en mémoire les déclarations dans un journal bien respecté de la place d'un de vos anciens ministres, ex-Sg/pr qui se trouve aujourd'hui en prison, faisant état de ce que vous êtes de loin le camerounais le plus riche.
L'Evènement du jeudi avait par ailleurs évoqué par le passé que Elf aurait prêté en 1992 plus de 80 millions d'euros à la Snh à votre profit, via une banque des Iles Vierges.

De même qu'un journal respecté de la place indiquait déjà en 1992 que vous possédiez une résidence au lieu dit " de la Ferme des bois " d'une valeur estimée à 06 millions d'euros soit 3,9 milliards Fcfa
Pour ce qui concerne le rapport du Ccfdt, il fait état de ce que vous auriez fait des dons et des prêts à une nébuleuse sectaire dans l'Hexagone. Un des responsables de cette secte ne nie d'ailleurs pas la transaction encore moins le montant indiqué. Si cette information est vraie, sur quelle ligne budgétaire avez-vous prélevé cette somme colossale ? Puisqu'il s'agit de dons et de prêts, leurs montants colossaux supposent que vous disposeriez de plusieurs dizaines de milliards dans vos comptes personnels.

Faites attention, monsieur le président !
Jusqu'au moment où j'écris ces lignes, vous n'avez toujours pas comme à l'accoutumée jugé utile de donner des explications au peuple. Dois-je rappeler que vous avez l'obligation constitutionnelle de lui rendre compte ?
Par votre silence, vous croyez prendre de la hauteur, l'air des altitudes.
Le rapport du Ccfdt, associé aux frustrations accumulées, peut créer une déflagration sociale de forte amplitude. Votre entêtement à ne pas apporter des clarifications sur votre fortune laisse croire au peuple qu'il y a aujourd'hui deux catégories de camerounais. Ceux qui vivent du Cameroun et qui ne rendent pas compte, une minorité. Et ceux qui la font vivre et qui sont impunément spoliés, une majorité. Vos compatriotes qui avaient juste 01 an en 1990 lors des périodes chaudes ont déjà atteint l'âge de la majorité.
Le mur de silence que vous avez érigé autour de votre personne vous desservira à coup sûr. Notre pays n'a plus besoin de postures creuses chargées de tam-tams de griots qui ne ratent jamais l'occasion d'exprimer l'immensité du néant. Vos grands prêtres du matérialisme feraient mieux d'épargner le peuple de leurs incantations indigestes.

Vos laudateurs inefficaces et corrompus- vous l'avez d'ailleurs reconnu le 03 juillet dernier lors du Conseil des ministres du nouveau gouvernement- qui nous font assister à un spectacle hideux de fourmis ivres grouillant de tous côtés, avaient pour la plupart adopté la même posture avant les évènements de février 2008. Le résultat est connu de tous.
De grâce, M. le président, demandez aux thuriféraires enragés de votre parti- que le peuple écoute avec horreur- de cesser leurs provocations. Ils font preuve de la pire des maladresses. Leurs interventions pathétiques vous propulsent au " hit parade" de l'indignation nationale et du grand dégoût collectif. Vous n'en avez certainement pas besoin en ce moment. La faiblesse nerveuse de ces prébendiers bavards et palabreurs en discours et écrits qui ne manqueront certainement pas de vous lâcher quand vous ne serez plus au pouvoir, administre la preuve que le calme et la sérénité ont foutu le camp dans votre entourage.

Leurs propos illusionnistes et comiques ne participent que d'une stratégie malsaine de positionnement politique qui vous "aveugle" malheureusement.
En nommant par exemple M. Biyiti bi Essam à un autre poste au sein du Gouvernement, vous avez achevé de renforcer la position de ceux qui pensent que vous êtes en fait un Président méprisant dont les bévues et les erreurs de jugement ont coûté la prospérité et la dignité à notre pays. Rassurez-vous d'une chose : sa sortie médiatique pathétique a produit l'effet inverse en ce sens qu'elle a plutôt crédibilisé le rapport du Ccfdt aux yeux de l'opinion qui n'a pas encore oublié les 130 millions qu'il a "logés" dans son compte personnel durant la visite papale.

Par Jean Michel Mintcheu*
* Député Sdf à
l’assemblée nationale

(A suivre)


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