Renc’Art :
Au risque de prêter le flanc à la critique facile des esprits simples ou malveillants, on ne peut, sous aucun prétexte, rester indifférent au débat autour du retrait de quelques livres de la liste des livres inscrits dans les programmes scolaire de l’enseignement secondaire au Cameroun.
Des mises au point sont nécessaires pour que, les leçons de la bourde de 2009 soient tirées.
Les fautes de l’éditeur incriminé sont avérées. Le reconnaître est assurément une preuve de professionnalisme, nul n’étant infaillible. L’intention de départ : offrir en un volume à des élèves le corpus d’étude augmenté de quelques textes du même auteur visait manifestement à les aider à élargir l’horizon de leurs connaissances sur un auteur dont les œuvres ne sont pas disponibles dans les libraires camerounaises. Mais Callicools n’est pas le titre d’une œuvre d’Apollinaire. Il aurait fallu dire «Alcools suivi de……». La deuxième faute professionnelle de l’éditeur est le plagiat manifeste du dossier pédagogique qui accompagne sa publication. Il suffit de taper sur le moteur de recherche «Google» le nom et les titres des œuvres d’Apollinaire pour constater que ce sont les commentaires de la vie et de l’œuvre d’Apollinaire disponibles sur la toile qui sont repris et signés des noms de trois enseignants camerounais réels ou fictifs. Plagiat flagrant !
Pour Le secrétaire intime, le seul reproche qu’on peut faire à l’éditeur, c’est d’avoir dénaturé le roman de Georges Sand en n’étant pas attentif aux coquilles qu’on y décèle ça et là. Il en va de même d’ailleurs pour les poèmes d’Alcools et de Calligrammes repris dans Calliccols. Mais les ouvrages proposés étant soumis à une sanction, les passages licencieux auraient dû être épinglés et le livre exclus de la compétition à temps.
Pour le troisième livre, Comme un singe en hiver, du même éditeur, il est clair là aussi qu’il y a faute et peut-être même délit d’initié. Car comment expliquer que c’est précisément peu avant son maquillage et son inscription dans les programmes scolaires que le vrai auteur reçoit l’offre de son éditeur de renoncer à ses droits moraux (c’est-à-dire à la paternité de son œuvre). Et sans être sorti auparavant en librairie, ce nouveau roman, «adapté du premier» sort des presses de l’imprimeur directement pour les programmes scolaires. Heureusement pour le premier auteur (le seul d’ailleurs !), aucun crime n’étant parfait, l’éditeur signale qu’il s’agit de la «seconde édition». Cette mention est un aveu éloquent !
Les manquements de l’éditeur des livres soustraits du programme dont la liste n’est pas exhaustive -comme le signale la «un e» et le dossier du journal Le Jour dans l’une de ses dernière éditions- sont donc clairs. Ne pas le reconnaître relèverait de la mauvaise foi ; le dire tout haut ne participe pas d’une cabale ou d’une quelconque concurrence déloyale. L’éditeur mis en cause aurait raisonnablement dû prendre les devants pour faire amende honorable. Mais là s’arrête sa responsabilité, qui n’est pas extensible à l’ensemble des éditeurs locaux dont le professionnalisme, pour la majorité d’entre eux, est avéré.
Des explications fournies par plusieurs responsables en charge de la question au Ministère des Enseignements secondaires, on constate que les inspecteurs étaient exclus du circuit de la prescription des livres scolaires sur les listes officielles; à juste raison peut-être, plusieurs d’entre eux s’étant reconvertis à la rédaction des manuels scolaires, ils ne peuvent être, sauf pour les œuvres de fiction, juges et parties. Mais il n’était pas nécessaire, pour constater les manquements les plus évidents des ouvrages aujourd’hui retirés des listes des manuels scolaires, d’être un expert. En effet, agissant en toute bonne foi, l’éditeur de Callicools précise dès le paratexte de cet ouvrage que le titre Callicools est une création de sa maison, et que les œuvres d’Apollinaire sont bien Alcools et Calligrammes.
Par ailleurs au début du dossier pédagogique qui accompagne la publication de Comme un singe en hiver, le même éditeur souligne que ce roman est une adaptation d’un autre roman dont il rappelle les conditions de publication. La mention seconde édition pour un ouvrage paru en 2009 et dont personne n’avait entendu parler jusque-là aurait suffi pour alerté les membres de la commission. On peut ainsi trouver, dans plusieurs livres inscrits au programme de l’enseignement secondaire, des fautes d’édition qui ne requièrent pas une attention soutenue ou un œil d’expert pour être relevées. La question des contenus et de leur orientation idéologique est une autre paire de manche qu’il faudra un jour mettre sur la table.
Mais pour ne pas faire mentir l’adage selon lequel «à quelque chose malheur est bon», il faut peut-être un peu de lucidité et de bonne foi.
Par Marcelin VOUNDA ETOA*